SOMMES-NOUS PRÊTS POUR CANDIDA AURIS ?
Ce pathogène inquiétant sème la pagaille dans les hôpitaux.
Une superbactérie ou une nouvelle souche de virus est souvent en cause lorsqu’il y a une épidémie. Mais depuis 2012, c’est plutôt la découverte d’une levure qui sème la pagaille dans les hôpitaux.
Le champignon microscopique, appelé Candida auris, a été trouvé dans l’oreille d’un malade japonais en 2009. Ce pathogène a ensuite été signalé dans 19 autres pays, dont le Canada, et continue d’entraîner des épidémies récurrentes aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Habituellement, les levures occasionnent des infections bénignes, comme le muguet. Pas Candida auris. Opportuniste, il profite du système immunitaire déjà très affaibli d’un patient (d’où son statut d’infection nosocomiale, c’està-dire contractée à l’hôpital) en provoquant une infection grave. S’il s’introduit dans la circulation sanguine, le taux de mortalité qui lui est associé peut atteindre de 30 % à 60 %, selon une revue d’études publiée dans PLOS Pathogens en 2017.
La progression de cette « superlevure » inquiète les autorités sanitaires, d’autant plus que celle-ci demeure longtemps sur les surfaces et est très ardue à éliminer. Un hôpital londonien a été aux prises avec cette infection pendant 16 mois ; les 50 patients qui ont été touchés ont heureusement évité le pire. Mais l’hôpital a dû fermer son unité de soins intensifs durant deux semaines.
« Si l’on peut traiter une infection bactérienne avec un antibiotique en 3 à 10 jours, il faut plusieurs semaines pour se débarrasser d’une infection fongique, explique Jasmin Villeneuve, chef d’équipe à la division des infections nosocomiales à l’Institut national de santé publique du Québec. De plus, contrairement aux bactéries qui peuvent être tuées avec une diversité d’antibiotiques, beaucoup moins de médicaments existent contre les levures. » Pire, certaines souches de Candida auris résistent à tous les traitements.
Le Canada n’a pas connu d’épidémie jusqu’à présent. « Mais la situation nous a suffisamment inquiétés pour qu’on prenne des mesures et qu’on fasse des recommandations en 2016, avant même que la souche résistante de Candida auris arrive au Québec », indique le Dr Villeneuve. Un seul cas, non résistant aux antifongiques, a été répertorié au Québec en 2012. Jusqu’à présent, un seul Canadien a été infecté par une souche résistante aux traitements, en 2017 au Manitoba.
Quand Clostridium difficile a surgi en 2004, la plupart des hôpitaux québécois n’étaient pas préparés à combattre cette infection nosocomiale. Le réseau de la santé a pris une longueur d’avance, cette fois, en s’assurant que les laboratoires pourraient détecter le pathogène et que le personnel serait formé pour l’éradiquer. Les employés savent déjà, par exemple, que le chlore est le désinfectant de choix pour aseptiser les surfaces.
Le Québec reste donc sur ses gardes.