Les scientifiques augmentés
Automatiser la découverte de matériaux : voilà ce que proposent des mordus de chimie, de robotique et d’informatique pour accélérer la science.
Les travaux d’Alán AspuruGuzik réunissent les mots les plus à la mode : intelligence artificielle, robotique et informatique quantique. Un trio grâce auquel le professeur de l’Université de Toronto n’espère rien de moins qu’une rupture en chimie.
Circulant entre les hottes et la colonne de séparation de son laboratoire expérimental de chimie, il est visiblement aux anges. C’est la première fois qu’il dirige un tel laboratoire, bien qu’il soit professeur depuis sept ans. Auparavant, M. Aspuru-Guzik a mené des recherches en chimie informatique à l’Université Harvard, avant de fuir les États-Unis de Donald Trump pour s’installer à Toronto en 2018. Avec son équipe, il monte petit à petit ce laboratoire qui aura la particularité d’être autonome. Et une visite a suffi à nous convaincre que le projet est bien en marche.
Des robots construits par l’équipe côtoient des appareils commerciaux. Un technicien s’affaire à mettre aux normes les conduits d’azote. Le professeur balaie la salle du regard. « Voyez cet endroit comme un lieu d’expansion », dit le professeur, qui ne manque pas d’ambition. Il a aussi le sens du spectacle ; il propose à ses visiteurs d’enfiler un masque de luchador (« lutteur ») le temps d’un égoportrait et ne manque pas d’inclure de la musique salsa dans ses présentations PowerPoint, deux exemples qui montrent sa volonté de mettre sa culture mexicaine de l’avant.
Quel est le principe d’un laboratoire autonome ? Accélérer le rythme des découvertes par l’utilisation de toutes sortes de systèmes automatisés pour réaliser les expériences, mais aussi les concevoir et les améliorer en continu. Une sorte d’Internet des objets capable de prendre des décisions ! Si trouver un matériau pour répondre à un besoin précis prend environ de 10 à 20 ans (il a fallu 25 ans pour les cellules solaires), l’objectif est d’y parvenir 10 fois plus vite avec ces laboratoires futuristes. Cela revient à reproduire, en science des matériaux, l’équivalent de la loi de Moore. Cette loi stipule que la puissance des ordinateurs double à peu près tous les deux ans. Une