Les questions de Rémi Quirion
scientifique en chef du Québec*
R.Q. : Pourquoi avoir choisi ce champ de recherche ?
L.B.: Mon laboratoire étudie comment notre système immunitaire s’est adapté pour nous protéger contre les agents infectieux qui, tout au long de l’histoire, ont exercé une pression sélective massive, jusqu’à la mise au point de vaccins et d’antibiotiques. Cette question m’a toujours fasciné et, aujourd’hui avec mes collègues, je contribue à définir les bases génétiques et évolutives des réponses immunitaires qui varient entre les individus et les populations.
R.Q. : Le lien entre hiérarchie sociale et réponse immunitaire soulève des questions éthiques. Comment envisagez-vous la poursuite de vos recherches à cet égard ?
L.B.: Nous savons depuis longtemps qu’il existe un lien entre l’adversité sociale, la santé et la mortalité. Les êtres humains ont inventé la forme de subordination la plus corrosive au monde : le statut socioéconomique. Aux États-Unis, on observe un écart d’une décennie ou plus dans l’espérance de vie des adultes se situant au sommet et au bas de l’échelle socioéconomique. Notre étude décrit des effets négatifs potentiellement importants associés à un faible statut socioéconomique : les changements dans le système immunitaire. Heureusement, ces changements sont réversibles si nous améliorons l’environnement et le statut social d’un individu.
R.Q. : Que pensez-vous de la méfiance que nourrissent certains groupes envers la vaccination ?
L.B.: Il n’y a aucune raison d’avoir peur des vaccins. Chaque année, trois millions d’enfants sont sauvés par la vaccination; et deux millions meurent de maladies qu’un vaccin aurait pu éviter. Oui, il peut y avoir des effets secondaires, comme c’est le cas pour la plupart des médicaments que nous prenons. Mais ces effets sont bien connus et généralement bénins. Les vaccins et les antibiotiques figurent parmi nos plus grands progrès en santé publique. Les gens qui choisissent de ne pas vacciner leurs enfants mettent non seulement leur propre progéniture en danger, mais aussi celle des autres. La vérité est que les remèdes dits « naturels » ou « alternatifs » n’empêcheront pas les microbes d’infecter les gens. Le système immunitaire ne fonctionne pas ainsi.
* Le scientifique en chef du Québec conseille le gouvernement en matière de science et de recherche, et dirige les Fonds de recherche.