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Flambée de violence envers le personnel de la santé au CIUSSS MCQ

- Marie-Ève Trudel Une campagne sensibilis­er

Plus de 1000 incidents vio‐ lents ont été déclarés par des employés du réseau de la santé en Mauricie et au Centre-du-Québec l’an der‐ nier. L’organisati­on observe une tendance à la hausse de la violence d’usagers en‐ vers le personnel soignant et ce pourrait bien n’être que la pointe de l’iceberg, préviennen­t ceux qui vivent la réalité sur le plan‐ cher.

À partir du moment où on met les pieds à l'hôpital, la violence, c'est assez impres‐ sionnant, témoigne un em‐ ployé qui préfère garder l’anonymat.

Parfois, il y a des enjeux de santé mentale. Parfois pas. Il y en a qui partent le matin en [espérant] que ce ne soit pas si mal comme journée, parce que c'est sûr et certain qu'ils vont subir de la violence, ajoute-t-il.

Des morsures, des coups, des crachats, des menaces de mort, des griffures, des mots belliqueux… la violence prend différente­s formes, mais elle est régulière et ré‐ pétitive, constate de son côté la représenta­nte syndicale Marie-Josée Hamelin.

Malheureus­ement, on est plus agressés.

Marie-Josée Hamelin, pré‐ sidente du Syndicat du per‐ sonnel paratechni­que, des services auxiliaire­s et de mé‐ tiers

Tous deux s’inquiètent de voir que les employés de la santé s'exposent à des risques de blâmes profes‐ sionnels.

Des gens qui sont confus, qui ont peur pour leur vie, ce sont'est des gens qui sont en mode survie. On a vraiment à les maîtriser, pour leur sécu‐ rité, et ça se revire un petit peu contre nous parce qu'on se ramasse dans des situa‐ tions où l'on veut le bien-être du patient, mais il faut se protéger aussi, explique l’em‐ ployé anonyme.

Des incidents trop peu souvent déclarés

Dans les faits, il y a eu lar‐ gement plus de 1000 inci‐ dents violents en 2023, selon le Syndicat du personnel pa‐ ratechniqu­e, des services auxiliaire­s et de métiers. Ma‐ rie-Josée Hamelin en est convaincue.

Elle s’appuie sur un son‐ dage réalisé en 2021 dans le‐ quel 80 % des répondants in‐ diquaient ne pas compléter le formulaire d’incidents. Ils minimisent la violence dont ils sont victimes, remarque-telle.

Les gestes d’agression d’un usager constituen­t la deuxième cause de lésion profession­nelle au Centre in‐ tégré universita­ire de la santé et des services sociaux de la Mauricie-et-du-Centredu-Québec (CIUSSS MCQ).

L’organisati­on relève aussi une augmentati­on de 15 à 25 % en 2 ans des accidents de travail en lien avec la vio‐ lence, selon les secteurs. C’est une hausse marquée , dit Antranik Handoyan, direc‐ teur des Ressources hu‐ maines du CIUSSS MCQ. Une réalité à laquelle il faut faire face, ajoute-t-il.

Les CHSLD, un milieu qui se durcit

L'endroit où on est le moins préparé, c'est en CHSLD, relate Marie-Josée Hamelin. On n'est pas portés à croire qu'une personne âgée peut nous frapper.

Le Syndicat et la direction du CIUSSS MCQ ont travaillé de pair au déploiemen­t d’agents d’interventi­on dans les unités de soins de longue durée, qui ont des tech‐ niques de maîtrise ou de pa‐ cification, dit-elle.

Marie-Josée Hamelin in‐ siste pour dire qu'il faut mi‐ ser sur la formation de ces agents d’interventi­on, dans un contexte de population vieillissa­nte.

Quand tu décides de de‐ venir préposé aux bénéfi‐ ciaires, c’est que tu veux ai‐ der ton prochain. Et ton pro‐ chain, malheureus­ement, a peut-être des problèmes cog‐ nitifs, dit-elle sur le ton de l’empathie. La peur peut faire faire n’importe quoi, ajoute Marie-Josée Hamelin.

Le préposé aux bénéfi‐ ciaires, quand il fait ses soins, il ne s’attend pas à être fessé.

Marie-Josée Hamelin, pré‐ sidente du Syndicat du per‐ sonnel paratechni­que, des services auxiliaire­s et de mé‐ tiers

Plus de formateurs spé‐ cialisés

Le CIUSSS MCQ, qui a tout intérêt à assurer la sécurité de son personnel pour rete‐ nir son monde, estime agir avec proactivit­é en ayant bo‐ nifié le nombre de forma‐ teurs spécialisé­s en gestion de crise.

Dans un contexte de pé‐ nurie de main-d’oeuvre, on a réussi à le faire , se félicite Antranik Handoyan. Ça va nous permettre d’augmenter le nombre de formations.

C'est une priorité de l'or‐ ganisation d'avoir des em‐ ployés en santé. [...] Sans ça, ils ne sont pas en mesure d'être au travail. Tout le monde en souffre.

Antranik Handoyan, direc‐ teur des ressources hu‐ maines du CIUSSS MCQ

Le gestionnai­re relève que le risque est plus présent dans les milieux de soins cri‐ tiques, comme à l’urgence. Les enjeux de santé mentale sont présents donc la forma‐ tion de notre personnel c’est la clé afin de les protéger de ces circonstan­ces-là.

La formation est saluée. Ce qui est inquiétant, c'est que c'est en progressio­n, ob‐ serve Marie-Josée Hamelin. Mais ce qui est rassurant, c'est que l'employeur essaie de mettre des choses en place pour outiller les em‐ ployés pour qu'ils puissent faire face à cette expansion de violence qui malheureus­e‐ ment est un problème de so‐ ciété.

Le CIUSSS MCQ sent la né‐ cessité de s’attaquer au phé‐ nomène pour éviter qu’il ne malmène des employés dont le système a grand besoin. Une campagne de sensibili‐ sation est lancée ce prin‐ temps. Des rappels visibles sont accrochés sur les murs de ses différents établisse‐ ments.

Les gens sont là pour prendre soin de nous. Faut leur faire attention, plaide Antranik Handoyan, directeur des Ressources humaines du CIUSSS MCQ, qui encourage les employés du réseau à dé‐ clarer les incidents violents pour que le portrait soit le plus possible le reflet de la réalité et que la réponse soit coordonnée.

La solution n’est pas simple aux yeux de l’employé qui a accepté de témoigner, mais il résume néanmoins les choses simplement. Oui, des fois il peut y avoir du mé‐ contenteme­nt, mais il y a une façon de l'exprimer. Quand la santé mentale n’est pas en jeu, autant que faire se peut, se dit-il.

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