Budget : le déficit de l’Ontario triple à 9,8 milliards pour 2024-2025
L’Ontario devait sortir du rouge l’an prochain. Dans son budget annuel déposé mardi, le gouvernement de Doug Ford chiffre plutôt à 3 milliards de dollars le défi‐ cit pour l’année financière qui se termine et prévoit un manque à gagner de 9,8 milliards pour 2024-2025.
Exception faite de la pan‐ démie, il s’agit du déficit pro‐ jeté le plus élevé en dix ans. À l’époque, les libéraux étaient au pouvoir et les conservateurs les accusaient de dépenser sans compter.
Faits saillants du budget 2024
Baisse de 5,7 cents/litre de la taxe sur l’essence jus‐ qu’au 31 décembre 2024 Fonds de 1 G$ pour l'infra‐ structure municipale et le lo‐ gement 3,3 G$ sur 3 ans pour offrir Internet haute vi‐ tesse partout dans la pro‐ vince 120 M$ de plus pour les services aux enfants au‐ tistes 200 M$ sur 3 ans pour les infrastructures commu‐ nautaires de sports et de loi‐ sirs Ouverture d’une nouvelle école de médecine en colla‐ boration avec l’Université York 49 M$ pour la lutte contre les vols de voitures 46 M$ additionnels pour les pa‐ trouilles policières, y compris l’achat de 4 hélicoptères pour la Police provinciale de l’On‐ tario
Malgré le ralentissement économique à l’horizon, le gouvernement Ford garde le cap avec son plan de 10 ans visant à investir des dizaines de milliards dans les infra‐ structures et le transport en commun.
Le gouvernement crée même un nouveau pro‐ gramme de 1 milliard pour les villes et le logement, en plus de prolonger la réduc‐ tion de la taxe sur l’essence au coût annuel de 1,2 mil‐ liard.
Le retour à l’équilibre bud‐ gétaire n’est prévu que pour 2026-2027.
Nous avons un plan pour sortir du rouge. Il est retardé à cause du contexte écono‐ mique. [...] Le Québec, lui, a un déficit de 11 milliards.
Peter Bethlenfalvy, mi‐ nistre des Finances de l'Onta‐ rio
Critiques de l'opposition
La chef de l'opposition of‐ ficielle, la néo-démocrate Ma‐ rit Stiles, dit que le budget de 214,5 milliards est rempli de « demi-mesures ».
C'est un budget irrespon‐ sable sur le plan financier.
Marit Stiles, chef du NPD
Les familles sont « lais‐ sées pour compte », renché‐ rissent les libéraux. Jamais n'a-t-on dépensé autant pour accomplir si peu.
[Doug Ford] refuse délibé‐ rément de financer la santé, l'éducation et les autres ser‐ vices publics dont nous dé‐ pendons, affirme la chef libé‐ rale Bonnie Crombie dans un communiqué.
De son côté, l'Association médicale de l'Ontario, qui re‐ présente les médecins, se ré‐ jouit de l'investissement de 546 millions dans les équipes de soins primaires, mais af‐ firme dans un communiqué qu'il faut faire « plus », alors que 2,3 millions d'Ontariens n'ont pas de médecin de fa‐ mille.
L’Assemblée de la franco‐ phonie de l’Ontario (AFO), pour sa part, accueille « favo‐ rablement » les investisse‐ ments pour l'amélioration des services en français. Le budget du ministère des Af‐ faires francophones doit aug‐ menter de 4,7 millions en 2024-2025, grâce à un parte‐ nariat avec Ottawa.
Ralentissement mique écono‐
La semaine dernière, le premier ministre Doug Ford affirmait que l’Ontario était une puissance économique.
Dans le budget, le gouver‐ nement révise toutefois à la baisse ses projections en ma‐ tière de croissance.
La croissance prévue pour le PIB réel de l’Ontario, par exemple, chute de 1,3 % à 0,3 % pour 2024 et de 2,5 % à 1,9 % pour 2025.
Par ailleurs, la province anticipe une baisse des re‐ cettes de la taxe de vente l’an prochain comparativement à cette année.
Geneviève Tellier, profes‐ seure en sciences politiques à l’Université d’Ottawa, quali‐ fie le déficit prévu pour 20242025 de considérable, ce qui est d’autant plus surprenant
de la part d'un gouverne‐ ment conservateur.
S'il y a un déficit, c'est par la force des choses, dit-elle. L'économie ne va pas aussi bien que ce qu'on pensait en Ontario et les revenus ne sont pas au rendez-vous. Ça explique pourquoi le déficit est de près de 10 milliards de dollars.
Ce n'est pas un budget qui dit aux Ontariens : ''Le gou‐ vernement est là pour vous.'' C'est vraiment un projet de développement économique qui passe par les infrastruc‐ tures.
Geneviève Tellier, polito‐ logue, Université d'Ottawa
Une défaite qui coûte cher judiciaire
Une autre raison expli‐ quant la hausse du déficit de l’Ontario est la défaite en cour du gouvernement Ford dans le dossier du quasi-gel salarial de trois ans imposé par la province en 2019 aux employés du secteur public (loi 124). La Cour d’appel de l’Ontario a jugé la loi inconsti‐ tutionnelle plus tôt cette an‐ née.
Les syndiqués ont obtenu des sommes de rattrapage. Le budget 2024 prévoit des redressements totalisant 6 milliards.
Pas de bouée de sauve‐ tage en éducation
Les collèges et les univer‐ sités réclamaient une aide provinciale pour faire face au plafond imposé par Ottawa en matière d’étudiants étran‐ gers.
Il n’y a toutefois pas de plan de sauvetage dans le budget pour ces institutions, à part une aide de 10 mil‐ lions pour les collèges et les universités de petite taille ou des secteurs ruraux et du Nord.
En fait, les dépenses pour l’éducation postsecondaire baissent de 116 millions cette année par rapport aux prévisions du troisième tri‐ mestre.
Si ce n’est pas du béton, il n’y a rien pour vous dans le budget, lance la politologue Geneviève Tellier.
Les syndicats d'ensei‐ gnants accusent le gouverne‐ ment Ford de sous-financer les écoles. La Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) souligne que la hausse de 2,7 % des dépenses en éducation est inférieure à l'inflation et ne tient pas compte de la hausse du nombre d'élèves.
Ils disent que c'est une augmentation, mais c'est une coupe, selon la FEESO.
Hausse des mises en chantier, mais...
Le gouvernement Ford hausse ses prévisions en ma‐ tière de mises en chantier par rapport aux projections du dernier budget.
La province prévoit main‐ tenant 87 900 mises en chan‐ tier en 2024, soit près de 9000 de plus que prévu. Ce nombre devrait grimper à 94 400 en 2026, selon le budget.
En théorie, l’Ontario de‐ vrait construire de 125 000 à 175 000 nouveaux logements par année, afin d’atteindre son objectif d’avoir 1,5 mil‐ lion de nouvelles habitations d'ici 2031. Le gouvernement comptabilise toutefois les nouveaux lits dans les centres de soins de longue durée comme étant des loge‐ ments, affirmant qu'il s'agit d'un logis pour les aînés qui y habitent.
Réforme de l'assurance auto
Les automobilistes res‐ sortent gagnants encore cette année dans le budget du gouvernement Ford.
En plus du maintien de la gratuité pour les vignettes d’immatriculation et du pro‐ longement du rabais sur l’es‐ sence, notamment, la pro‐ vince promet davantage d’op‐ tions abordables en matière d’assurance automobile.
Les automobilistes pour‐ ront renoncer à une portion de leur couverture si leur as‐ surance de travail, par exemple, les couvre déjà à ce chapitre, indique le gouver‐ nement.
En revanche, la couver‐ ture pour les indemnités liées aux frais médicaux en cas d’accident, notamment, continuera à être obligatoire.
Le budget ne précise pas quelles seront les économies moyennes pour les conduc‐ teurs.
Cette nouvelle peut être consultée en arabe sur le site de RCI.
Baisse du budget pour les feux de forêt
Les observateurs anti‐ cipent cet été une saison des incendies de forêt encore pire que celle de l'an dernier.
Le gouvernement bud‐ gète toutefois 135 millions en 2024-2025 pour la lutte contre les feux de forêt, com‐ parativement à 216 millions cette année.
Avec la collaboration de Camile Gauthier