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Doug Ford et le choix du déficit

- Mathieu Simard

Depuis des mois, le gouver‐ nement Ford est au régime. Il se prive de revenus sub‐ stantiels, au nom de la lutte contre l’inflation. Le premier ministre répète qu'il veut porter secours aux Ontariens qui peinent à joindre les deux bouts, ensevelis sous des factures de plus en plus élevées. Or, son coup de pouce à la po‐ pulation n’est pas sans conséquenc­e pour les fi‐ nances publiques.

Réduction de la taxe pro‐ vinciale sur l’essence : moins 1,2 milliard $ annuelleme­nt dans les coffres de la pro‐ vince. Éliminatio­n des frais de vignette sur les plaques d’immatricul­ation : moins 1 milliard $ chaque année. Fin des péages provinciau­x : moins 68 millions $ d’ici 2027. Rabais sur les factures d’électricit­é : une dépense qui atteint maintenant 7 mil‐ liards $.

Tous combinés, ces ca‐ deaux aux citoyens permet‐ traient d’effacer une bonne portion du déficit prévu.

Mais le gouverneme­nt dé‐ fend ses choix; de nombreux Ontariens en arrachent. Il faut leur prêter main-forte.

Reste que le déficit de près de 10 milliards de dol‐ lars semble plutôt vertigi‐ neux pour un gouverneme­nt conservate­ur, porté au pou‐ voir en 2018 pour faire le mé‐ nage dans les finances de la province. S’est-il égaré en chemin?

Devant l’étonnement que suscite la taille du déficit, le ministre des Finances se montre toutefois rassurant.

La situation est temporaire, rappelle Peter Bethlenfal­vy.

Des décisions coûteuses

Évidemment, la province n’est pas immunisée contre les aléas de l’économie mon‐ diale. Les pressions inflation‐ nistes ont une incidence sur son budget, mais le gouver‐ nement dispose malgré tout d’un certain contrôle sur ses revenus. Un contrôle qu'il n'a pas voulu exercer.

Est-ce nécessaire de faire économiser 5,7 cents le litre à tous les automobili­stes, y compris ceux qui conduisent une voiture de luxe? Devraitil aider des millionnai­res à éclairer leur maison? La question est légitime.

Autre décision lourde de conséquenc­es pour le gou‐ vernement ontarien : sa controvers­ée loi 124, qui de‐ vait limiter les augmenta‐ tions salariales des tra‐ vailleurs du secteur public.

Avec la victoire des fonc‐ tionnaires devant les tribu‐ naux, le gouverneme­nt a commencé à les indemniser. Des paiements rétroactif­s qui totalisero­nt 6 milliards $ et qui contribuen­t aussi au défi‐ cit projeté pour 2024-2025.

Si la loi 124 n’avait jamais existé, l’Ontario aurait proba‐ blement dépensé davantage dans les dernières années pour la rémunérati­on de ses fonctionna­ires. Ça va de soi. Mais le gouverneme­nt aurait pu prévoir, budgéter, plani‐ fier ces augmentati­ons sala‐ riales, plutôt qu'avoir à les verser rétroactiv­ement, en bloc.

Un déficit sans précé‐ dent

Toutes ces décisions nous mènent à un déficit sans pré‐ cédent pour le gouverne‐ ment de Doug Ford. En fait, il faut remonter à 2014 et aux libéraux de Kathleen Wynne pour retrouver un déficit plus important (exception faite de la pandémie).

Qu'on le veuille ou non, Doug Ford a fait ses choix : il refuse de se serrer la cein‐ ture et réitère l’importance des investisse­ments en infra‐ structures. La prospérité éco‐ nomique ne peut pas at‐ tendre, pour reprendre les mots du ministre des Fi‐ nances. Les chantiers de nouvelles routes, de lignes de métro et de tours de télé‐ communicat­ions iront tous de l’avant.

Le plan actuel du gouver‐ nement prévoit un retour à l’équilibre en 2026-2027, juste à temps pour la pro‐ chaine campagne électorale. Maintenant, comment re‐ nouer avec les excédents, sans nouvelles taxes ni aug‐ mentation d'impôts? La tâche ne sera pas simple.

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