Bourses d’études Perspective : appel groupé à corriger le tir
Une mesure « improvisée » qui relève « de la pensée magique » et qui tente de « mettre l’enseignement su‐ périeur au service du mar‐ ché ». Voilà ce que la prési‐ dente de la FNEEQ-CSN, Ca‐ roline Quesnel, pense des bourses Perspective Qué‐ bec, dont l’efficacité sur le plan de l’attractivité a été remise en question par dif‐ férents hauts responsables du milieu universitaire et collégial.
Deux ans après la créa‐ tion de cette mesure incita‐ tive pour lutter contre la pé‐ nurie de main-d'oeuvre dans plusieurs secteurs de l’écono‐ mie, il n’y a pas eu de hausse marquée de la demande étu‐ diante dans les programmes visés par ces bourses, à la lu‐ mière de données se rappor‐ tant aux demandes d’admis‐ sion colligées par Radio-Ca‐ nada.
Questionnée avant d’en‐ trer en Chambre mardi, la ministre de l’Enseignement supérieur Pascale Déry a in‐ diqué qu’il ne fallait pas jeter le bébé avec l’eau du bain et qu’il était trop tôt pour avoir des conclusions définitives [par rapport aux bourses Perspective].
Mettre l’enseignement supérieur au service du marché
Mais Mme Quesnel, qui représente une grande majo‐ rité des professeurs de cégep et des chargés de cours à l’université au Québec, ne partage pas cet avis.
Elle rappelle qu’il n’y a pas eu de consultation du milieu ou d’analyse préalable avant l’implantation de cette me‐ sure, qui représente un in‐ vestissement majeur de 1,7 milliard de dollars sur cinq ans. Il faut réfléchir avec le réseau et non pas essayer d’imposer une idéologie, ditelle.
On dirait que le gouverne‐ ment caquiste tente de jouer à l’apprenti sorcier avec l’en‐ seignement supérieur. En es‐ sayant de manipuler des questions complexes, on a peut-être donné un coup d’épée dans l’eau.
Caroline Quesnel, prési‐ dente de la FNEEQ-CSN
Elle fait un parallèle entre les bourses Perspective Qué‐ bec et le projet de loi 44 qui transfère de manière défini‐
tive la responsabilité de la re‐ cherche scientifique dans la cour du ministère de l’Écono‐ mie. Ce qui intéresse le gou‐ vernement, c’est l’industrie, c’est l’emploi, et qu’on assu‐ jettisse les universités et les cégeps à ces besoins-là. C’est une attaque contre l’ensei‐ gnement supérieur, rien de moins.
De l’argent qui serait mieux investi autrement, selon plusieurs
Au lieu de mettre en place un programme mur à mur comme la CAQ aime le faire, le gouvernement aurait pu ci‐ bler les étudiants qui ont plus besoin d’une aide finan‐ cière, ajoute de son côté la députée libérale Madwa-Nika Cadet.
Je ne suis pas surprise par ces données-là. Les étudiants décident de s’inscrire dans les programmes qui les inté‐ ressent; c’est difficile de les forcer à intégrer des métiers en particulier, renchérit-elle.
Je demande à la ministre Déry de nous arriver avec des éléments de reddition de comptes pour rectifier le tir dès maintenant.
Madwa-Nika Cadet, porteparole libérale en matière d’enseignement supérieur
Ça montre que les bourses ne sont pas une pa‐ nacée. Des ajustements à ce programme sont à apporter, lance de son côté Youri Blan‐ chet, de la Fédération de l’en‐ seignement collégial (FECCSQ).
Tant à la FNEEQ qu’à la FEC, on est d’avis que les im‐ portantes sommes investies dans cette mesure pour‐ raient davantage porter leurs fruits si elles étaient injectées pour aider l’ensemble des étudiants qui ont des besoins financiers, pas seulement ceux qui répondent aux cri‐ tères du gouvernement.
Bonifier l’aide financière aux études, ou encore s’assu‐ rer de compenser financière‐ ment les stages qui sont en‐ core non rémunérés dans les secteurs de l’enseignement ou encore des soins infir‐ miers, voilà quelques exemples de mesures qui au‐ raient pu être plus béné‐ fiques.
Pour la présidente de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), Made‐ leine Pastinelli, les choix de carrière que font les jeunes sont surtout liés aux condi‐ tions de travail. La chose à faire, c’est peut-être d’offrir des conditions de travail plus intéressantes et aussi de s’at‐ taquer plus globalement au sous-financement des uni‐ versités, indique-t-elle.
À la Fédération interpro‐ fessionnelle de la santé du Québec (FIQ), on confirme qu'il est avant tout important de rendre le réseau de la santé attrayant pour recruter des étudiants en soins infir‐ miers, notamment grâce à de meilleurs ratios profession‐ nels-patients.
De l’argent qui doit res‐ ter destiné aux étudiants
Les étudiants ont eux aussi des réserves quant aux bourses Perspective. L’Union étudiante du Québec (UEQ) leur reproche de ne pas prendre en compte les be‐ soins financiers des étu‐ diants. Elle dénonce aussi leurs critères d’admissibilité restrictifs et le fait qu’elles soient versées seulement une fois une session d’études réussie.
Une chose demeure cru‐ ciale pour les associations étudiantes : que l’argent consenti reste destiné aux poches des étudiants, qui en ont bien besoin dans le contexte inflationniste pré‐ sent. On ne veut pas que les remises en question des bourses servent à soutirer de l’argent à la population étu‐ diante. Cet argent-là, la po‐ pulation étudiante en a be‐ soin, insiste la présidente de l’UEQ, Catherine Bibeau-Lor‐ rain.
En aucun cas, on ne veut que ces bourses-là soient re‐ tirées. Il s’agit de la seule aide financière consentie à cer‐ tains étudiants, ceux qui doivent faire des stages non rémunérés, par exemple.
Catherine Bibeau-Lorrain, présidente de l’Union étu‐ diante du Québec (UEQ)
La Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) abonde dans le même sens. Même si on trouve que ces sommes pourraient être in‐ vesties de manière plus opti‐ male, c’est essentiel qu’elles restent destinées aux étu‐ diants, écrit sa présidente, Laurence Mallette-Léonard.
Sol Zanetti, le nouveau porte-parole solidaire en ma‐ tière d’enseignement supé‐ rieur, estime lui aussi que ce n’est pas le temps d’enlever de l’argent aux étudiants.
Un gouvernement soli‐ daire aurait fonctionné diffé‐ remment et aurait opté pour des investissements qui au‐ raient bénéficié à l’ensemble des étudiants : baisses géné‐ ralisées des droits de scola‐ rité, investissements dans le logement étudiant, annula‐ tion de dettes étudiantes, par exemple, précise M. Zanetti.
Il se garde toutefois de condamner trop tôt le pro‐ gramme de bourses Perspec‐ tive Québec. Oui, les résul‐ tats par rapport à l’attraction sont décevants, mais peutêtre qu’on verra plus tard que le taux de diplomation a augmenté parce que l’aide fi‐ nancière a contribué à la per‐ sévérance scolaire.
Taïwan.
Il devait faire ce qu’il a fait. On lui doit énormément, ex‐ plique-t-il.
Au moment où sa démo‐ cratie est menacée par la
Chine, Taïwan est divisée quant à son passé dictatorial. Pour l’instant, le gouverne‐ ment assure que le mémorial controversé va demeurer en place.