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Partout à Taïwan, le souvenir de la dictature

- Philippe Leblanc

Taïwan est aujourd’hui une des démocratie­s les plus vi‐ brantes d’Asie, mais la pe‐ tite île souveraine de 24 millions d’habitants conti‐ nue de porter les traces de la dictature brutale de Tchang Kaï-chek.

Partout sur l’île, on trouve des statues et des endroits vénérant le dictateur. Les progrès en matière de justice transition­nelle pour réparer les atrocités commises lors de la dictature sont d’ailleurs trop lents, selon certains.

Par un après-midi de se‐ maine, des touristes prennent une photo de groupe devant un grand mo‐ nument de marbre, en plein coeur de Taïwan. Il s’agit d’un des endroits touristiqu­es les plus fréquentés de Taïwan, le mémorial de Tchang Kaïchek.

Chaque jour, des milliers de touristes vont voir la gi‐ gantesque statue du dicta‐ teur, semblable à celle d’Abraham Lincoln à Wa‐ shington.

Tchang Kaï-chek était un meurtrier qui a commis vio‐ lences et répression, lance l’activiste Chilly Chen, qui a été arrêté l’an dernier alors qu’il tentait de vandaliser le monument.

Chilly Chen réclame sa dé‐ molition ainsi que le retrait des autres statues et monu‐ ments célébrant le dictateur.

Ça ne devrait pas être là pour que tout le monde s’y promène. Quand je vais au monument, je sens un senti‐ ment d’oppression, affirme l’ancien prisonnier politique Fred Him-San Chin, victime de la dictature de Tchang Kaïchek. Il veut lui aussi le retrait de la statue, même s’il privilé‐ gie le devoir de mémoire.

Une ancienne pour se souvenir prison

Fred Him-San Chin re‐ tourne chaque semaine dans une ancienne prison de Tai‐ pei, là où il a été persécuté et où il a purgé une année et demie de ses 12 ans de pri‐ son pour sédition. Sa peine de prison à vie, qu’on lui a imposée à tort, était basée sur une fausse confession.

L’ancienne prison de Tai‐ pei a été convertie en musée des droits de la personne afin de sensibilis­er la popula‐ tion aux atrocités commises sous la loi martiale imposée entre 1947 et 1989 à Taïwan. C’est ce qu’on appelle la ter‐ reur blanche.

Au moins 4000 Taïwanais ont été exécutés et près de 140 000 autres incarcérés du‐ rant cette période.

Fred Him-San Chin espère que son témoignage inspi‐ rera la jeune génération. Je veux qu’ils soient vigilants afin que la démocratie et la li‐ berté durement gagnées dont ils jouissent aujourd’hui ne soient pas détruites, af‐ firme-t-il.

Dans le cadre de la loi sur la justice transition­nelle vi‐ sant à réparer les torts de la période de la terreur blanche, un millier de statues honorant le dictateur Tchang Kaï-chek et d’autres diri‐ geants controvers­és seront retirées des lieux publics.

Environ 200 d’entre elles se trouvent aujourd’hui dans un parc créé en l’honneur du dictateur à Taoyuan, à envi‐ ron 45 minutes de route au sud de Taipei. Les proprié‐ taires acceptent les dons des villes et des institutio­ns qui se débarrasse­nt des marques du lourd passé taï‐ wanais.

Chilly Chen juge inaccep‐ table que le retrait des sta‐ tues et des noms de rues ho‐ norant le passé dictatoria­l ne progresse pas plus rapide‐ ment. Beaucoup de choses sont encore là et cela rap‐ pelle aux gens que le dicta‐ teur est toujours là, dit-il.

À l’opposé, les défenseurs de Tchang Kaï-chek, dont l’an‐ cien élu du Kuomintang Wu Sz-Huai, estiment qu’il de‐ meure celui qui a apporté modernité et prospérité à

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