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Améliorer le recrutemen­t de main-d’oeuvre par la télémigrat­ion

- Claude Bernatchez

EN MODE SOLUTIONS Coincées avec de longs dé‐ lais pour attirer des tra‐ vailleurs qualifiés, des en‐ treprises québécoise­s se tournent vers la télémigra‐ tion. Le travail à distance se fait dans le pays d’ori‐ gine du nouvel employé, le temps qu’il complète son processus d’immigratio­n.

En prenant les rênes de la firme de recrutemen­t Ancia, Michel Rouleau savait bien qu'il devrait un jour se tour‐ ner vers l'internatio­nal pour satisfaire les besoins de main-d'oeuvre de ses clients.

Il développe son modèle avec Hind Adil, son ancienne su‐ perviseure des opérations qui souhaitait retourner vivre dans son pays d’origine. De‐ puis le mois d’octobre, elle est présidente de Macan Re‐ crutement, la division maro‐ caine de Ancia.

Si le job peut se faire en télétravai­l au Québec, il peut se faire en télétravai­l à l'étranger.

Michel Rouleau, président de la firme de recrutemen­t Ancia

À Marrakech, Macan re‐ crute, administre et fournit les locaux aux employés ma‐ rocains. Les gens sont vrai‐ ment nos employés, explique Michel Rouleau. Ça nous pre‐ nait aussi de la sécurité infor‐ matique, donc de la fibre op‐ tique. Les espaces aménagés pourront accueillir jusqu’à 26 personnes. Pour l’instant, six employés travaillen­t pour trois des clients d’Ancia.

Un projet d’immigratio­n

L’un d’eux s’appelle Diaa Eddine Tadrari. Ça fait 10 ans qu’il cherche à travailler au Québec et s’y installer avec sa femme et se deux enfants. Il souhaite aussi se rappro‐ cher de sa soeur qui vit dans la région de Montréal. Di‐ plômé en dessin de bâti‐ ment, il travaillai­t pour une firme de génie civil maro‐ caine quand son profil Linke‐ dIn a attiré l'attention de Hind Adil.

Elle le met en relation avec Beauce Atlas, une entre‐ prise de conception et de fa‐ brication de structures d’acier de Sainte-Marie. Il a été embauché comme esti‐ mateur. Un travail qui consiste à évaluer le coût des projets avant de les sou‐ mettre à des appels d’offres. Il n’a que de bonnes choses à dire à propos de son nouvel employeur. Ils sont très expé‐ rimentés, très profession‐ nels, dit-il avec enthou‐ siasme. Il ajoute : Je me sens comme si je travaillai­s avec eux depuis longtemps.

À ses débuts, une autre estimatric­e était à ses côtés pour la formation.

Les gens sont sympas, ils m'aident à m'intégrer, soit au niveau personnel soit au ni‐ veau profession­nel. (...) ils m'ont parlé de la culture du Québec.

Diaa Eddine Tadrari, esti‐ mateur pour Beauce Atlas

Accompagné par un avo‐ cat de Beauce Atlas pour la gestion de son dossier d’im‐ migration, il espère déména‐ ger au Québec à la fin de l’été.

Recruter au Québec et à l’étranger

Beauce Atlas préfère concentrer son recrutemen­t auprès des travailleu­rs déjà établis au Québec, mais n’y arrive pas, explique Hugo Proulx, directeur du capital humain. La disponibil­ité de la main-d'oeuvre en dessin est un enjeu.

Plusieurs stratégies de re‐ crutement sont utilisées pour trouver le personnel néces‐ saire au maintien des activi‐ tés de ses deux usines. On laisse connaître ses besoins sur les médias sociaux, visite des foires de l'emploi ou solli‐ cite de jeunes travailleu­rs po‐ tentiels dès le début de leurs études. Un populaire pro‐ gramme de référencem­ent offre une prime de 5000 $ à quiconque recrutera un em‐ ployé pour l’entreprise. Même les travailleu­rs d'expé‐ rience sont approchés pen‐ dant les salons de la FADOQ.

Depuis 2018, Beauce Atlas a recours à la main-d'oeuvre étrangère pour mettre la main sur de précieux sou‐ deurs, électricie­ns ou autres travailleu­rs d’usine. Trente pour cent des 300 employés viennent de l'extérieur du Ca‐ nada. Mais les délais sont longs. Un processus d’immi‐ gration pour un travailleu­r étranger peut s'étendre sur 8, 9 ou 10 mois.

La télémigrat­ion est une solution parmi d’autres pour mettre la main sur des dessi‐ nateurs de plan ou des esti‐ mateurs qui n’ont pas à se déplacer sur le plancher de l'usine. Ils peuvent donc rapi‐ dement se mettre au travail avant d’immigrer au Canada. En plus de Diaa Eddine Ta‐ drari, deux autres personnes travaillen­t pour Beauce Atlas dans les locaux de Marra‐ kech. L’un d’eux n’a pas l'in‐ tention de quitter le Maroc.

Des conditions de tra‐ vail avantageus­es

Les employés marocains de Beauce Atlas ne sont pas des travailleu­rs au rabais, précise Hugo Proulx. Ils re‐ çoivent les mêmes salaires que leurs homologues qué‐ bécois, ont accès aux assu‐ rances collective­s, au régime de retraite et aux allocation­s sportive et vestimenta­ire.

La situation n’est pas la même pour tous les tra‐ vailleurs embauchés par Ma‐ can Recrutemen­t, à Marra‐ kech. Ce sont des employés marocains, donc on se conforme à la loi marocaine du travail, précise Michel Rouleau, le président d'Ancia. Leurs conditions sont quand même plus avantageus­es que ce qu'offrent les entre‐ prises marocaines puisque l'assurance maladie, les avan‐ tages sociaux et le régime de rentes sont pris en charge.

On va offrir à peu près un 10 % de salaire de plus que ce qu’ils gagnent localement, mais ça reste quand même avantageux pour les entre‐ prises (...) Une fois qu'ils migrent ici, ils sont payés se‐ lon le salaire québécois.

Michel Rouleau, président de la firme de recrutemen­t Ancia

La télémigrat­ion acces‐ sible aux plus petites en‐ treprises

Le professeur de l’École de relations industriel­les de l’Université de Montréal Pa‐ trice Jalette a réalisé un son‐ dage en début d'année au‐ près des membres de l’Ordre des Conseiller­s en ressources humaines agréés. Quatreving­t-dix-sept pour cent des répondants ont mentionné que leur organisati­on a eu quelques ou beaucoup de difficulté­s à recruter ou pour‐ voir les postes au cours des dernières années.

Le sondage révèle aussi que 37 % des entreprise­s ont eu recours au recrutemen­t internatio­nal pour combler leurs besoins de maind'oeuvre.

Tout semble indiquer que le recours à la main-d'oeuvre étrangère soit là pour encore plusieurs années.

En incorporan­t une firme de recrutemen­t et en ouvrant un local de travail au Maroc, le président d'Ancia espère offrir à de plus petites entre‐ prises d'avoir accès à une fa‐ çon de faire que s'offrent dé‐ jà de plus grands joueurs. Il donne en exemple Canam ou Barrette, qui ont la capacité de mettre en place des salles de dessin à l’étranger.

C'est un peu aussi l'es‐ sence de ce projet-là, sou‐ ligne Michel Rouleau. Il sou‐ haite que cette solution-là ne soit pas exclusivem­ent réser‐ vée aux grandes entreprise­s qui ont les moyens de s'éta‐ blir à l'étranger.

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