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Vivre l’expérience d’un pensionnat pour Autochtone­s en réalité virtuelle

- Aïda Semlali

Découvrir la série William, c’est faire l’expérience op‐ pressante d’un pensionnat pour Autochtone­s. En six épisodes, casque de réalité virtuelle vissé sur la tête, on se glisse dans la peau d’un garçon de neuf ans ar‐ raché à ses parents et sa communauté. Développé par la société de produc‐ tion audiovisue­lle Nish Mé‐ dia, le projet est présenté mercredi à Gatineau, dans le cadre de la Semaine culturelle autochtone de l’Université du Québec en Outaouais (UQO).

Au fil des six épisodes de William, pour une durée d’écoute totalisant une tren‐ taine de minutes, on suit dif‐ férentes étapes clés de la vie d’un garçon autochtone en‐ voyé dans les années 1960 dans un pensionnat.

Différente­s scènes de la vie quotidienn­e sont transpo‐ sées dans la série, multiplian­t les interactio­ns avec diffé‐ rents personnage­s, des membres de la famille à un agent du gouverneme­nt, en passant par des médecins, des membres du clergé et d’autres pensionnai­res.

À la fois série dramatique, expérience immersive et outil pédagogiqu­e, le projet est en développem­ent depuis 2015. Tout commence lorsque le producteur du projet William, Jason Brennan, découvre un outil de sensibilis­ation rela‐ tant l’expérience d'un jeune réfugié dans un camp en Sy‐ rie.

Lui vient alors l’idée de transposer cette approche à la question des pensionnat­s pour Autochtone­s, afin d’ai‐ der le système scolaire à éduquer les enfants et les jeunes adolescent­s sur cette réalité de notre histoire mé‐ connue, explique le produc‐ teur membre de la commu‐ nauté de Kitigan Zibi Anishi‐

naabeg.

Encourager la connais‐ sance et susciter l'empa‐ thie

Scénariste et réalisatri­ce du projet William, Sonia Bonspille Boileau a déjà ex‐ ploré à l’écran la question des pensionnat­s dans la série Pour toi Flora. Si les deux projets ont été développés parallèlem­ent et se sont mu‐ tuellement nourris, c’est sur le tournage de Pour toi Flora que la réalisatri­ce dit avoir réalisé l'importance d'un ou‐ til comme William.

On s'est rendu compte à quel point les gens ne connaissen­t pas tout à fait ce qui s'est passé dans les pen‐ sionnats, [ignorent] l'am‐ pleur, comment en parler et où aller chercher des res‐ sources pour mieux com‐ prendre.

Sonia Bonspille Boileau, scénariste et réalisatri­ce du projet William

L’aspect immersif du pro‐ jet est un bel outil pour créer de l'empathie , fait valoir So‐ nia Bonspille Boileau. Une manière d’encourager la connaissan­ce, mais aussi de briser des barrières de com‐ munication et de créer des ponts entre allochtone­s et autochtone­s , poursuit la réa‐ lisatrice mohawk.

Jason Brennan rappelle pour sa part que les habi‐ tudes de consommati­on face aux écrans ayant changé, la propositio­n d’une série de réalité virtuelle offre une fa‐ çon différente d'aborder le sujet et pourrait ainsi intéres‐ ser un petit peu plus le pu‐ blic.

Des défis pour transpo‐ ser la réalité

Tournage à 360 degrés, mise en scène immersive, scènes tournées en plan-sé‐ quence, restitutio­n fidèle de l’époque, implicatio­n de conseiller­s psychologi­ques et dramaturgi­ques ou encore postproduc­tion ambitieuse, le tournage de la série William a comporté son lot de défis pour ne pas trahir la réalité de cette douloureus­e expérience.

Toujours dans ce souci de réalisme, Sonia Bonspille Boi‐ leau dit s’être inspirée de l'histoire de son grand-père, survivant de pensionnat. La scénariste a également consulté « spécifique­ment pour ce projet » des survi‐ vants de pensionnat­s de la nation atikamekw.

Pour être le plus possible collés à la réalité , ces consul‐ tants ont partagé des faits, des émotions qu’ils souhai‐ taient voir transposée­s au projet, mais aussi des élé‐ ments qu’ils jugeaient impor‐ tants pour tout le volet péda‐ gogique entourant le projet.

« Car le projet William, [...] ce n’est pas que l'histoire qu'on raconte dans les épi‐ sodes. C'est aussi accompa‐ gné d'un cahier pédagogiqu­e, d'un outil pédagogiqu­e pour aider les enseignant­s à ensei‐ gner le chapitre sur les pen‐ sionnats autochtone­s à l'école », ajoute la réalisatri­ce.

La vocation pédagogiqu­e du projet s’adresse essentiel‐ lement aux jeunes du secon‐ daire et du postsecond­aire, certains épisodes étant dé‐ conseillés aux moins de 13 ans.

Conseiller pédagogiqu­e en autochtoni­sation et déco‐ lonisation à l’UQO, Nicholas Lucas-Rancourt dit avoir im‐ médiatemen­t accepté d’asso‐ cier son établissem­ent au projet.

C'est une histoire quand même assez traumatisa­nte et lourde. Et beaucoup de per‐ sonnes [dans le milieu de l’enseigneme­nt] ont peur d'en parler.

Nicholas Lucas-Rancourt, conseiller pédagogiqu­e en autochtoni­sation et décoloni‐ sation à l’UQO

Leur donner ces outils va leur permettre de les inclure dans leur salle de classe, poursuit ce dernier, rappe‐ lant que l’autochtoni­sation fait partie du plan straté‐ gique de son université.

Dans la région, en plus de l’UQO, l’Université Carleton propose également l’expé‐ rience à son corps ensei‐ gnant et ses étudiants.

« On veut aussi faire par‐ tie d'exposition­s en musée, en galerie, ici au Canada, au Québec, mais aussi à l'inter‐ national, pour que ce soit ac‐ cessible au plus grand nombre de personnes pos‐ sible », souligne Sonia Bons‐ pille Boileau.

William est un projet fi‐ nancé par le Conseil des arts du Canada, le Fonds des mé‐ dias du Canada, le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Bureau de l'écran autochtone.

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