Radio-Canada Info

Jacques Bissonnet accroche son micro après 47 ans à Radio-Canada

- Charles Rioux

À 77 ans, le journalist­e et reporter télé Jacques Bis‐ sonnet fera sa toute der‐ nière interventi­on mer‐ credi à la télévision de Ra‐ dio-Canada, après 47 ans de loyaux services pour le diffuseur public. Retour sur une carrière bien remplie, entre les affaires munici‐ pales, le Palais de justice et ses nombreuses affecta‐ tions à l’étranger, de Mos‐ cou à Pékin en passant par Paris.

Jacques Bissonnet avait tout juste 30 ans lorsqu’il a fait son entrée à Radio-Ca‐ nada, en 1977, d’abord à la radio, puis rapidement à la télévision. En presque 50 ans de carrière, il n’a jamais re‐ gardé ailleurs.

J’ai commencé à travailler le 1er juin 1977 et le 1er sep‐ tembre de la même année, j’étais permanent, explique-til en entrevue, à la veille de sa dernière journée de tra‐ vail. Je me demande même si je n’ai pas établi un record de longévité en tant que repor‐ ter sur le terrain.

Après avoir étudié la bio‐ logie à McGill et à l’UQAM, Jacques Bissonnet a eu une piqûre pour le métier de journalist­e après avoir fait ses débuts à la radio, notam‐ ment à CJSA, une station de Sainte-Agathe, à CJLM à Jo‐ liette, puis à CKAC à Mon‐ tréal. Lorsqu’il a vu que Ra‐ dio-Canada affichait des offres d’emploi, il a tout de suite voulu tenter sa chance.

Pour moi Radio-Canada, c’est ce qu’il y avait de mieux. C’était mon but.

Jacques Bissonnet

Né pour être en ondes

Avec sa voix grave et son ton rassurant, Jacques Bis‐ sonnet s’est présenté dès le départ avec un naturel désar‐ mant devant la caméra. Il peine d’ailleurs à s’expliquer cette facilité, qui s'apparente peut-être plus à un talent inné chez lui. Mais il connaît bien la recette du direct.

Les nouvelles, c’est instan‐ tané, il faut que tu synthé‐ tises le plus rapidement pos‐ sible. Il faut donner quelques détails, mais pas trop, et pas trop de chiffres parce que les gens ne t’écoutent pas, ex‐ plique-t-il. Ensuite, j’essaie de faire des liens, de parler [avec mon interlocut­eur], pour que ce soit une conver‐ sation plutôt qu’un récit ap‐ pris par coeur.

Il concède avoir fait quelques gaffes en ondes, mais elles se comptent sur les doigts d’une main. Ça m’est arrivé, je me souviens, au Palais de justice : un blanc total, c’est paniquant. Je m’en étais sorti en disant que le dossier était très complexe, se rappelle-t-il.

Il affirme d’ailleurs que son passage au judiciaire, qui n’a duré qu’une saison, compte parmi les rares mau‐ vais souvenirs de sa carrière. Je n’ai pas aimé le Palais de justice, ce sont les affecta‐ tions que je déteste. L’am‐ biance, le monde qui est là, ce n’est pas drôle, les avocats qui jouent de la robe aussi. Et c’est complexe, tu ne peux pas dire n’importe quoi parce que tu peux faire avorter un procès.

Moscou, Londres et Pé‐ kin avec Céline Galipeau

Entre ses affectatio­ns à Montréal et les environs, Jacques Bissonnet a égale‐ ment eu la chance de voya‐ ger à plusieurs reprises pour le travail. Le fait d’être le mari de la cheffe d’antenne Céline Galipeau, qui a longtemps été correspond­ante à l’étran‐ ger, ne lui a certaineme­nt pas nui.

La direction m’a permis de l’accompagne­r et de travailler aussi, je pouvais même la remplacer parfois. J’ai d’ailleurs été le dernier cor‐ respondant officiel franco‐ phone à Londres, en 1990, avant que Radio-Canada n’y ferme son bureau français, explique-t-il.

Le journalist­e a notam‐ ment couvert l’Expo 98 à Lis‐ bonne, au Portugal, la réinté‐ gration de l’Afrique du Sud dans le Commonweal­th en 1994, à partir de Londres, ainsi que l’épidémie du syn‐ drome respiratoi­re aigu sé‐ vère (SRAS) à Pékin, en Chine. Il a d’ailleurs adoré ce pays, contrairem­ent à la Russie, où il n’a jamais remis les pieds après quatre ans passés à Moscou.

J’ai été attaqué trois fois là-bas, dont une fois dans la rue avec mon fils. Il y a trois gars qui m’ont sauté dessus. J’ai été sauvé par des babou‐ chkas, trois vieilles dames qui ont fait un cercle autour de moi, se souvient-il. Il raconte aussi avoir découvert un jour des micros dans son apparte‐ ment moscovite.

Dans l’appartemen­t, il y avait un cuisinier, un chauf‐ feur et une femme de mé‐ nage, et c’était trois espions. À peu près tous les mois, se‐ lon ce qu’on nous disait, ils faisaient rapport sur ce qu’on faisait, ce qu’on avait vu, qui était venu à la maison. Mais on s’en foutait.

De 1988 à 1991, le repor‐ ter a aussi été correspond­ant national à Vancouver, où il couvrait la Colombie-Britan‐ nique et l’Alberta. 1989, ça a été une grosse année pour moi. Il y a eu le naufrage de l’Exxon Valdez en Alaska, qui a créé la plus grosse nappe noire des États-Unis. Et en‐ suite, quelques mois plus tard, il y a eu le tremblemen­t de terre de San Francisco, qui avait fait une soixantain­e de morts.

La classe, le profession‐ nalisme et l’humour

Dans une chaîne de cour‐ riel à l’interne en réponse à l’annonce de son départ, les témoignage­s des collègues de Jacques Bissonnet à Ra‐ dio-Canada ont déferlé. À peu près tous et toutes ont souligné la classe, la gen‐ tillesse et le profession­na‐ lisme de leur confrère, qui se targue d’ailleurs de n’avoir ja‐ mais raté une échéance en 47 ans.

Ce qui transpire le plus de ces messages, c’est surtout le grand humour du journalist­e, qui savait apaiser toutes les crises avec un simple mot d’esprit. Je fais rire le monde un peu, explique-t-il. J’ai un humour et j’aime ça jouer de l’humour. Quand il y avait des crises, j’essayais de désa‐ morcer ça en faisant une blague.

Parmi tous les bonheurs que lui a apportés la profes‐ sion de journalist­e, Jacques Bissonnet se souviendra sur‐ tout de toutes les amitiés qu’il a créées. Ce qui va me manquer, c’est mes chums, mes collègues, ça va être pé‐ nible, affirme-t-il la gorge nouée.

Le journalist­e aura une dernière interventi­on mer‐ credi lors du TJ 18 h. Après cela, il faudra le chercher sur les terrains de golf.

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