Le prix de l’essence bondit au pays; à qui la faute encore?
Les automobilistes cana‐ diens sont confrontés jeudi à une hausse subite du prix de l'essence. À Montréal, plusieurs stations-service ont fait passer le litre d'or‐ dinaire de 1,75 $ à 1,90 $, voire à 1,92 $. Et les raisons de cette augmentation sont variées.
Le Québec n'est pas le seul endroit affecté par cette hausse. En Ontario, le litre d'ordinaire est passé d'envi‐ ron 1,66 $ mercredi à près de 1,80 $ jeudi.
Selon l'analyste Dan Mc‐ Teague, du site gaswizard.ca, ces prix représentent un sommet en deux ans dans l'est du Canada. Cet expert prévoit que le prix à la pompe devrait connaître une baisse d'environ quatre cents le litre dans la plupart des villes québécoises et onta‐ riennes, dès vendredi.
Pour Carol Montreuil, vice-président pour l'est du Canada de l'Association cana‐ dienne des carburants, ce qui se passe sur la scène géopo‐ litique mondiale explique en partie cette hausse substan‐ tielle.
En entrevue jeudi à Tout un matin, sur ICI Première, il a cité la guerre entre l'Ukraine et la Russie, celle opposant Israël au Hamas dans la bande de Gaza et la menace qui pointe du côté de l'Iran, auteur d'une at‐ taque frontale sans précé‐ dent contre Israël, samedi dernier.
Affrontements, tensions, nervosité des marchés, au fi‐ nal, le cumul de ces pres‐ sions-là exerce un impact sur la matière première, le pé‐ trole brut, dit M. Montreuil. C'est de loin le facteur le plus important.
Les marchés mondiaux ont la mauvaise habitude d'escompter un peu ce qui pourrait arriver. Ce n'est pas une situation unique au Qué‐ bec.
Carol Montreuil, vice-pré‐ sident pour l'est du Canada de l'Association canadienne des carburants
En mars dernier, Riyad et Moscou, piliers de l'alliance OPEP+ des pays exportateurs de pétrole, avaient prolongé leurs coupes volontaires jus‐ qu'à la mi-2024 pour soutenir des cours minés par l'incerti‐ tude économique.
Et il y a aussi les taxes
Autre explication : les taxes qui composent le coût du litre d'essence à la pompe. Les gens l'oublient parfois, mais on est rendus à plus de six taxes différentes à la pompe, explique M. Mon‐ treuil.
Certes, la taxe carbone instaurée par le gouverne‐ ment fédéral ne s'applique pas au Québec (qui tarifie ses émissions de GES à l’aide d'un système de plafonne‐ ment et d’échange de droits d’émission).
Mais d'autres facteurs liés aux taxes entrent en ligne de compte, comme cette nou‐ velle réglementation, promul‐ guée en juillet dernier au pays, qui oblige les fournis‐ seurs de combustibles à ré‐ duire graduellement l’inten‐ sité en carbone de l’essence et des carburants diesel qu’ils produisent et vendent.
Selon une analyse du bu‐ reau du directeur parlemen‐ taire du budget à Ottawa (DPB), ces exigences environ‐ nementales pourraient faire grimper de 17 cents le litre d'essence en 2030, lorsque la sévérité des normes attein‐ dra un sommet.
Les consommateurs ne le savent pas toujours, mais le cumul de ces taxes environ‐ nementales, on l'a vu ces der‐ niers mois, [exerce une] pres‐ sion à la hausse sur ces taxes-là, décrit Carol Mon‐ treuil.
À la fin, ça paraît, ça s'ad‐ ditionne.
Essence d'été, essence d'hiver
Enfin, autre élément d'ex‐ plication : le passage de l'es‐ sence d'hiver à l'essence d'été. L'essence d'été est plus coûteuse à produire, puisque certains éléments y sont ajoutés pour la rendre moins volatile.
Pourquoi l'essence doitelle être adaptée au rythme des saisons? En raison des normes de performance, ré‐ pond M. Montreuil : quand il fait très froid l'hiver, il faut qu'il y ait des vapeurs d'es‐ sence pour que l'allumage se produise lorsqu'on démarre la voiture. L'été, quand il fait très chaud, ces vapeurs d'es‐ sence sont moins néces‐ saires. La tension de vapeur, qui est source de pollution, n'a pas à être aussi élevée. Donc, on abaisse ces ni‐ veaux-là.
Mais, en clair, le passage d'un type d'essence à un autre a peu d'incidence sur le prix à la pompe, résume le responsable de l'Association canadienne des carburants. On parle de fractions de sous... Les autres facteurs sont de loin plus importants.
Pas si payant que ça, vendre de l'essence?
Carol Montreuil dément par ailleurs l'idée que les sta‐ tions-service s'en mettent plein les poches en vendant de l'essence : le retour sur in‐ vestissement tourne autour de 6, 7 ou 8 %, affirme-t-il. Ce n'est pas [comme] les phar‐ maceutiques ni les banques. Ce n'est pas une business qui fait des profits exagérés.
Il en va autrement dans le secteur de l'exploration pé‐ trolière : quand le prix du brut s'enflamme, si vous êtes quelqu'un qui vendez du pé‐ trole brut, vous allez faire des profits importants avec l'ex‐ ploration.
Mais ce n'est pas le cas pour le raffinage et la vente au détail.
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