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Ottawa retire son offre de financer 17 postes de juges de la famille en Alberta

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L’Alberta ne veut pas réor‐ ganiser sa structure judi‐ ciaire actuelle pour faire la place à des tribunaux uni‐ fiés spécialisé­s dans les af‐ faires familiales, comme le souhaitent Ottawa et des spécialist­es du droit de la famille. Cette position de la province entraîne la perte de 17 postes de juges char‐ gés d'entendre des affaires familiales que le gouverne‐ ment fédéral avait promis de financer.

Selon Mickey Amery, le ministre albertain de la Jus‐ tice, les deux ordres de gou‐ vernement s’accordent à dire que la Cour supérieure de l'Alberta, soit la Cour du Banc du Roi, a besoin de plus de juges. Cependant, le gouver‐ nement provincial n'est pas disposé à remodeler son sys‐ tème judiciaire pour obtenir des fonds fédéraux.

Il est profondéme­nt déce‐ vant [que le gouverneme­nt canadien ait] offert ces postes en les assortissa­nt d'un certain nombre de conditions. Cela ne fonc‐ tionne tout simplement pas ici, en Alberta, a-t-il déclaré mercredi, en entrevue.

Ottawa avait prévu une enveloppe annuelle de 10,9 millions de dollars pour fi‐ nancer des postes de juges spécialist­es du droit de la fa‐ mille. Ces montants seront désormais dépensés pour des nomination­s à des cours supérieure­s dans tout le pays.

Un droit à cheval entre lois fédérales et provin‐ ciales

Le droit de la famille est un mélange de lois provin‐ ciales et fédérales. Cela fait que certains Canadiens s'adressent à la fois à des tri‐ bunaux provinciau­x et des tribunaux supérieurs en cas de litige.

Les juges des tribunaux supérieurs, qui sont nommés par le gouverneme­nt fédéral, sont exclusivem­ent compé‐ tents pour s’occuper des af‐ faires de divorce et des ques‐ tions de propriété.

Les couples en union libre, quant à eux, peuvent se rendre à la Cour de justice de l'Alberta et comparaîtr­e de‐ vant des juges nommés par la province.

Tous les deux tribunaux peuvent statuer sur les ques‐ tions de pension alimentair­e, de droit de visite et de garde des enfants.

D’après le ministère alber‐ tain de la Justice, en 2018, Ot‐ tawa avait d'abord offert de financer 17 postes de juges de la famille en Alberta, mais sans préciser à quelle hau‐ teur.

La province avait refusé l'offre en mars 2020, après avoir décidé de travailler dans le cadre de la structure judiciaire existante.

Selon le ministre Amery, la Cour de justice de l'Alberta traite efficaceme­nt la plupart des affaires.

Au lieu de tribunaux uni‐ fiés de la famille , l’Alberta a embauché davantage de per‐ sonnel pour les services préjuridic­tionnels à Edmonton, Calgary et Red Deer.

La province exige que la plupart des affaires fassent d'abord l'objet d'une média‐ tion. Elle préconise égale‐ ment d'autres modes de ré‐ solution des conflits et fi‐ nance les conseiller­s du tri‐ bunal de la famille, espérant ainsi pouvoir détourner un plus grand nombre de fa‐ milles des audiences.

Déception chez des spé‐ cialistes

Les tribunaux unifiés de la famille constituen­t un gui‐ chet unique pour le public et les avocats. Leurs partisans, comme Jim Bird, avocat spé‐ cialisé en droit de la famille à Edmonton, affirment qu'ils sont pratiques, qu'ils dis‐ posent d'un ensemble de règles cohérentes et qu'ils comprennen­t des juges spé‐ cialisés dans les affaires fami‐ liales.

En 2009, le gouverneme­nt fédéral avait évalué les tribu‐ naux unifiés, qui fonc‐ tionnent dans sept provinces. Ottawa avait alors constaté qu'ils étaient plus suscep‐ tibles de proposer des solu‐ tions extrajudic­iaires, qu'ils pouvaient résoudre plus effi‐ cacement certains pro‐ blèmes, et qu'ils donnaient aux juges davantage d'occa‐ sions de collaborer sur des affaires complexes.

Selon Jim Bird, les tribu‐ naux unifiés sont plus acces‐ sibles aux personnes qui se représente­nt elles-mêmes ou qui bénéficien­t d'une aide ju‐ ridique limitée.

Il affirme que ses clients qui ont besoin de se présen‐ ter devant un juge pour ré‐ soudre des conflits attendent des mois avant d'obtenir une date d'audience. Il est préju‐ diciable pour les enfants et les parents que les affaires familiales déchirante­s et très stressante­s traînent en lon‐ gueur, dénonce-t-il.

L'Alberta avait auparavant prévu d'adopter un système unifié de tribunaux de la fa‐ mille avant 2020. Jim Bird dit qu’il ne comprend pas pour‐ quoi cela n'avait finalement pas été fait.

À son avis, l’impasse poli‐ tique entre les deux ordres de gouverneme­nt n’aide ni les gens ordinaires ni les avo‐ cats.

Le président de la branche albertaine de l'Asso‐ ciation du Barreau canadien, Kyle Kawanami, est égale‐ ment déçu que la province n'accepte pas de juges dé‐ diés au tribunal de la famille. Ce n'est pas une bonne nou‐ velle, affirme-t-il, en ajoutant qu'il espère que la province sera disposée à réexaminer l'idée plus tard.

D’après lui, un tribunal unifié de la famille permet‐ trait notamment de libérer d'autres juges pour qu'ils se concentren­t sur des affaires pénales, civiles et commer‐ ciales. Il estime que cela améliorera­it l'accès général aux tribunaux.

Irfan Sabir, porte-parole du NPD en matière de jus‐ tice, indique que l'opposition néo-démocrate est en faveur de tribunaux unifiés de la fa‐ mille.

Avec les informatio­ns de Janet French

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