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Un rapporteur de l’ONU dénonce le manque d’accès à l’eau potable des Premières Nations

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L’incapacité du Canada à fournir de l’eau potable à toutes les Premières Na‐ tions ne constitue ni plus ni moins qu’une « violation flagrante » des droits fon‐ damentaux des commu‐ nautés autochtone­s, dé‐ nonce le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits à l’eau et à l’assainis‐ sement.

Pedro Arrojo-Agudo n’a pas mâché ses mots lors d’une conférence de presse à l’issue d’une tournée du Ca‐ nada.

Je termine cette visite de deux semaines avec des sen‐ timents conflictue­ls : de l’ad‐ miration d’une part, mais aussi de la frustratio­n, voire de l’indignatio­n, a-t-il souli‐ gné vendredi. J’ai été témoin de la marginalis­ation des Pre‐ mières Nations dans les ré‐ serves où, bien souvent, les droits à l’eau potable et à l’as‐ sainisseme­nt ne sont pas respectés.

L’emploi du terme avis sur la qualité de l’eau potable par le gouverneme­nt pour dé‐ crire la non-disponibil­ité d’eau propre à la consomma‐ tion humaine dans les com‐ munautés des Premières Na‐ tions est également préoccu‐ pant pour lui.

Il est significat­if que les ré‐ serves soient touchées par ce qu’on appelle des avis sur la qualité de l’eau potable, ou des avis à long terme. Ce n’est rien de moins que des violations flagrantes du droit fondamenta­l à de l’eau po‐ table.

Pedro Arrojo-Agudo, rap‐ porteur spécial des Nations unies sur les droits à l’eau et à l’assainisse­ment

L’incapacité prolongée et fréquente de se procurer de l’eau potable - pas juste au Canada, et pour n’importe quelle raison - constitue une violation des droits de la per‐ sonne, a-t-il martelé.

Le Canada, historique‐ ment, a cantonné les Pre‐ mières Nations dans des ré‐ serves situées dans des envi‐ ronnements inhospital­iers. Par conséquent, le gouverne‐ ment a l’obligation de leur fournir de l’eau potable et des services d’assainisse‐ ment qui répondent aux normes nationales, a souli‐ gné le rapporteur.

D’autres droits de la per‐ sonne enfreints

M. Arrojo-Agudo s’est ar‐ rêté en Ontario, au Nunavut, en Colombie-Britanniqu­e et en Alberta. Il a rencontré des représenta­nts des gouverne‐ ments, des organisati­ons de la société civile et des peuples autochtone­s.

Il est à la fois physicien, professeur d’économie et lauréat du prix Goldman pour l’activisme environne‐ mental, en plus d’avoir déjà siégé au Parlement espagnol. Il occupe ses fonctions à l’ONU depuis 2020. Il agit comme expert indépendan­t responsabl­e d’examiner et de faire des rapports sur le re‐ spect de certains droits de la personne.

Le Canada étant générale‐ ment perçu comme un État démocratiq­ue, il s’est dit troublé d’apprendre que de nombreux militants des Pre‐ mières Nations opposés à l’extraction de ressources sur leurs terres ont été judiciari‐ sés, notamment ceux issus des nations Wet'suwet'en et Secwepemc.

Je suis malheureus­ement surpris par cette criminalis­a‐ tion des défenseurs des ri‐ vières autochtone­s, ce qui va [sûrement] entacher la répu‐ tation internatio­nale du Ca‐ nada, a-t-il déploré.

M. Arrojo-Agudo n’avait cependant pas que des re‐ proches à l’endroit du Ca‐ nada. Le travail de la Com‐ mission de vérité et réconci‐ liation, l’unanimité de la Chambre des communes pour reconnaîtr­e que les pensionnat­s constituai­ent une forme de génocide et l’adoption de la Déclaratio­n des Nations unies sur les droits des peuples autoch‐ tones sont, selon lui, des points de référence pour le leadership internatio­nal.

Encore du travail à faire, concède Ottawa

En 2015, Justin Trudeau promettait en campagne électorale que son gouverne‐ ment allait être en mesure de donner accès à l’eau potable à toutes les Premières Na‐ tions d’ici le printemps 2021, une cible qu’il a largement manqué.

Il y a encore beaucoup de travail à faire pour nous as‐ surer que toutes les Pre‐ mières Nations aient accès à de l’eau potable. On ne pourra pas corriger du jour au lendemain des décennies de discrimina­tion et de sousfinanc­ent, mais il y a du pro‐ grès, a indiqué par écrit le ca‐ binet de la ministre des Ser‐ vices aux Autochtone­s, Patty Hajdu, en réponse aux constats du rapporteur.

En 2015, il y avait 105 avis à long terme. Le gouverne‐ ment libéral a augmenté le fi‐ nancement des infrastruc‐ tures hydrauliqu­es de 150 % et, aujourd’hui, il reste 28 avis. Nous avons un plan pour tous les lever.

M. Arrojo-Agudo a re‐ connu ce travail et a applaudi la nouvelle loi sur l’eau po‐ table chez les Premières Na‐ tions, mais il a insisté sur le fait que le droit à l’eau po‐ table doit être protégé dans les lois fédérales et provin‐ ciales.

Il n’a toutefois pas donné de réponse directe lorsqu’on lui a demandé si les mesures prises par Ottawa pour don‐ ner de l’eau potable à toutes les Premières Nations étaient suffisante­s.

M. Arrojo-Agudo déposera son rapport final au Conseil des droits de l’homme de l’ONU en septembre.

Avec les informatio­ns de Brett Forester, de CBC Indige‐ nous

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