Honda, c’est 4200 travailleurs dans cette communauté de 23 000 résidents
Dans l’ancienne municipa‐ lité d’Alliston, devenue New Tecumseth dans une fusion en 1991, la réputa‐ tion de Honda comme em‐ ployeur de choix n’est plus à faire. L’entreprise japo‐ naise y emploie déjà 4200 travailleurs dans une com‐ munauté d’à peine plus de 23 000 résidents. NOUVELLE PLUS RÉ‐ CENTE :
Honda : 15 milliards pour la production de véhi‐ cules électriques en Ontario
Dans la petite municipa‐ lité située entre Toronto et Barrie, l’annonce attendue d’un investissement record pour la production de véhi‐ cules électriques en sol cana‐ dien est perçue comme l'en‐ racinement d'un engagement qui dure depuis près de 40 ans.
En 1986, la première Honda Accord sortait de la chaîne de montage de l’usine numéro 1 à Alliston. Le géant automobile s’apprête mainte‐ nant à dévoiler en compa‐ gnie du gratin de la politique fédérale et ontarienne les dé‐ tails d’une entente vantée par Doug Ford comme la plus importante de l’histoire du pays.
Selon les informations de CBC/Radio-Canada, le projet verra l’agrandissement des installations existantes de Honda à Alliston, en plus de la construction de nouvelles usines ailleurs dans le sudouest de la province.
On est toujours excité de voir une entreprise locale réussir. Et on considère que Honda est une entreprise lo‐ cale, même si c’est une multi‐ nationale, indique Mike Ma‐ cEachern, directeur d’un or‐ ganisme d’aide à l’emploi et ancien maire de New Tecum‐ seth.
C'est toujours agréable de les voir faire ces investisse‐ ments parce que ça conso‐ lide les emplois que l’on sait si importants pour la com‐ munauté, renchérit le natif de la région.
Depuis des décennies, l’in‐ fluence de Honda à Alliston dépasse les frontières de ses installations qui occupent dé‐ jà quatre millions de pieds carrés. Le géant automobile octroie d’importants contrats à des fournisseurs locaux et assure une clientèle récur‐ rente aux commerces de la région.
L'annonce de Honda, et je parle au nom de nos com‐ merçants, c'est une décision majeure et excitante, s'en‐ thousiasme Lachlan McGurk, président de la Zone d’amé‐ lioration commerciale d’Allis‐ ton et propriétaire d’un com‐ merce de fleurs et de choco‐ lats.
Les défis de la crois‐ sance
Le commerçant admet toutefois que la croissance démographique de New Te‐ cumseth, qui risque de s’ac‐ célérer dans les prochaines années, amène son lot de dé‐ fis, de la construction de lo‐ gements à la préservation du caractère distinctif du centreville historique.
Les besoins de maind'oeuvre accrus de Honda pourraient également ampli‐ fier les problèmes de recrute‐ ment de certains employeurs de la région, ajoute M. Mc‐ Gurk.
Il demeure néanmoins convaincu que la municipa‐ lité saura trouver réponse aux questions que suscite déjà le projet du construc‐ teur automobile.
De son côté, M. MacEa‐ chern souligne le besoin d’in‐ vestir dans les infrastructures de la région afin d’améliorer la qualité de vie des résidents et d’accroître le bassin de tra‐ vailleurs qualifiés.
De nombreux fabricants regardent [New Tecumseth] et se disent : "Voilà des tra‐ vailleurs acharnés qui font des produits de qualité. C'est là que je souhaite implanter mon entreprise", détaille l’an‐ cien maire.
À ses yeux, Honda rend la pareille à la communauté en y développant une portion de sa nouvelle chaîne de pro‐ duction de véhicules élec‐ triques.
Le constructeur resserre ainsi une relation de confiance existante qui contraste avec l'expérience de certaines villes onta‐ riennes qui ont vu par le passé les géants de l’automo‐ bile déchirer leurs promesses à coup de restructurations.
Une entente moins coû‐ teuse que les précédentes?
Si la communauté d'af‐ faires d’Alliston célèbre déjà les retombées potentielles du projet de Honda, certains contribuables craignent la facture qui l'accompagne.
Greig Mordue est l’un des experts qui ont remis en doute les bienfaits des mil‐ liards investis pour attirer Volkswagen et Stellantis. Cette fois, il se montre plus optimiste.
Honda est une entreprise assez unique, lance le profes‐ seur associé d'ingénierie au‐ tomobile à l'Université Mc‐ Master et ancien dirigeant de
Toyota.
Il estime que le construc‐ teur japonais a peut-être pré‐ féré s’installer en Ontario, là où l’entreprise a déjà de so‐ lides assises, plutôt que de prioriser le soutien financier offert par d'autres gouverne‐ ments, avec en tête de liste celui des États-Unis.
L’an dernier, le gouverne‐ ment fédéral, avec l’aide de l’Ontario et du Québec, s’est senti forcé d’égaler les géné‐ reux incitatifs offerts par les Américains à travers l’Infla‐ tion Reduction Act afin d’atti‐ rer trois projets d’usine de batteries pour véhicules élec‐ triques.
Plus tôt cette semaine, sans s’avancer sur les détails de l’entente pressentie avec Honda, le ministre du Déve‐ loppement économique de l’Ontario, Vic Fedeli, a admis que le gouvernement Ford ne pouvait continuer à accor‐ der les mêmes subventions que nos voisins du sud.
Nous nous sommes bat‐ tus pour réduire les impôts, réduire les frais d'indemnisa‐ tion en cas d’accidents de tra‐ vail et réduire le coût de faire des affaires en Ontario. [...] C’est notre offre, a déclaré le ministre.
Radio-Canada révélait pourtant cette semaine que Honda a été jugé trop « gour‐ mand » par Québec. La pro‐ vince n'aurait pas accepté de débourser autant que l’Onta‐ rio pour convaincre le constructeur japonais d’im‐ planter une partie de ses nouvelles usines sur son ter‐ ritoire.
La ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, s’est pour sa part contentée de vanter les effets d’un nou‐ veau crédit d’impôt de 10 % pour la construction d'infra‐ structures liées à la chaîne d’approvisionnement pour les véhicules électriques, an‐ noncé dans le plus récent budget.
Des investissements qui dépassent les attentes
Au-delà de la contribution des gouvernements, M. Mor‐ due estime que les premiers échos de l’investissement de Honda suggèrent un projet qui est mieux aligné avec le profil de l’industrie automo‐ bile canadienne.
Selon nos informations, les nouvelles installations de Honda serviront à la produc‐ tion de cathodes et de batte‐ ries, ainsi qu’à l’assemblage de véhicules électriques.
Ce sont les investisse‐ ments clés de la chaîne de fa‐ brication de ces automobiles, estime Joanna Kyriazis, direc‐ trice des affaires publiques du centre de recherche Clean
Energy Canada.
Ils ont les multiplicateurs d'emplois les plus élevés. Ils soutiennent le plus grand nombre d'emplois directs et ont tendance à générer les plus importantes retombées économiques, explique-t-elle.
Clean Energy Canada a publié en septembre 2022 une étude présentant quatre scénarios potentiels pour le développement de l’industrie du véhicule électrique au pays.
Avec l’annonce attendue de Honda, le Canada aurait largement dépassé le scéna‐ rio le plus optimiste à l’époque, indique Mme Kyria‐ zis.
Elle reconnaît toutefois qu’un des piliers de l’écosys‐ tème du véhicule électrique ne progresse pas aussi rapi‐ dement qu’espéré : la vente de voitures. En ce sens, elle appelle notamment le gou‐ vernement ontarien à offrir davantage d’incitatifs à l’achat et de réduire les ra‐ bais à la pompe.