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En milieu rural, seuls les cours privés perpétuent l’enseigneme­nt du piano

- Jimmy Chabot

En 2024, toutes les inscrip‐ tions dans les volets clas‐ siques du Festival de mu‐ sique Porcupine, qui se dé‐ roule cette année du 17 au 28 avril, proviennen­t d'en‐ seignantes privées. Sans leur dévouement, la pra‐ tique du piano chez la jeu‐ nesse serait sur le respira‐ teur artificiel.

C’est la seule façon de faire perpétuer la musique dans des villes qui sont iso‐ lées des grands centres. Si‐ non, il n’y aurait pas de mu‐ sique classique, se désole la soprano native de Timmins Mélanie Boisvert depuis sa demeure à Larochelle, en France.

À l’école, on enseigne la plupart du temps la flûte à bec, le ukulélé, les instru‐ ments à bois ou même à cuivre, ajoute Carla Com‐ mand-Desmarais, qui a long‐ temps dirigé la fanfare de l’école intermédia­ire R. Ross Beattie à Timmins dans la‐ quelle se trouvait Preston Pa‐ blo, la nouvelle sensation de la musique canadienne.

Dans les grandes villes, on a beaucoup de professeur­s privés encore, mais il y a beaucoup d’écoles de mu‐ sique, il y a des conserva‐ toires, des écoles privées de musique, mais pas dans les petites villes du Nord, nous raconte Mélanie Boivert.

Ça ne peut passer que par l’enseigneme­nt privé qui continue à amener de l’ensei‐ gnement aux enfants, aux adolescent­s, croit-elle.

Des cours en ligne de piano, non merci

Samuel Généreux compte sur les enseigneme­nts d'une enseignant­e passionnée qui le motive à se dépasser.

La pandémie l’a forcé à suivre des cours en ligne avec son institutri­ce, mais son expérience l’a laissé amer.

C’était un petit plus diffi‐ cile que d’être en personne, car elle dit quoi jouer. Elle ne peut pas vraiment te mon‐ trer, c’est pas mal différent […] Le son est différent, sou‐ vent, avance le jeune garçon de 12 ans.

On pourrait penser que dans un endroit comme Tim‐ mins, Internet pourrait venir remplacer le cours privé de musique, en nous vendant ça comme étant moins cher, plus facile d’accès, plus flexible. Mais ce n’est pas pour tout le monde.

Mélanie Boisvert, soprano native de Timmins

Entre ses spectacles dans les opéras de toute la France,

Mélanie Boisvert enseigne le piano. Elle a constaté que ses élèves s'inscrivent à ses classes après avoir appris la base en ligne.

Des cours en ligne, tu n’as pas le rapport aux mains, a-telle constaté.

Pour moi, ça ne remplace pas le cours en face à face [...] C’est très compliqué de se comprendre et surtout d’entendre l’élève jouer parce qu’il y a tout le temps des coupures dans le son, lancet-elle.

Un festival pour conclure une année d’ap‐ prentissag­e

Le Festival de musique Porcupine est le point culmi‐ nant d’une année de prépa‐ ration à apprendre comment gérer son stress ou encore maîtriser du bout des doigts une dizaine de partitions.

Je trouve que le festival aide beaucoup les élèves à avoir un but. Se préparer pour bien se présenter, être fier de leur performanc­e. C’est sûr qu’il y a des exa‐ mens [à l’école], mais tu n’as pas un auditoire à ton exa‐ men comme tu le fais, ra‐ conte Line Fogal, la profes‐ seure de Samuel Généreux, qui a aussi enseigné à Méla‐ nie Boisvert ses premières notes au piano.

Mélanie Boisvert a parti‐ cipé à cet événement annuel‐ lement à partir de l'âge de 7 ans jusqu'à ses 18 ans. Elle se rappelle que le festival ryth‐ mait beaucoup la vie fami‐ liale, car ses deux soeurs par‐ ticipaient aussi à l’événe‐ ment.

Moi, ça a été très impor‐ tant parce que ça donne un but, une date limite, pour se préparer, apprendre ses morceaux par coeur et les jouer le mieux possible avec le moins de fautes possible, s'enthousias­me-t-elle.

Pour moi, personnell­e‐ ment, c’est assez gratifiant de remporter des prix, de dire "j’ai travaillé fort." J’espère avoir le plus de prix possible. Mélanie Boisvert, soprano Dans sa jeunesse, elle se souvient que certains de ses comparses étaient terrorisés par le stress parce que c’est quand même très formel, le festival

Pour Mélanie, sa bonne gestion du stress lui a donné plus de chance d’en faire une carrière à un niveau élevé.

Nous sommes quelquesun­s de Timmins qui avons participé au festival, qui ont gagné des prix et qui ont fait carrière après. Je pense que l’enfant qui ne gère pas du tout ce stress-là. Il peut quand même devenir musi‐ cien, mais peut-être en fai‐ sant autre chose, [comme de l’enseigneme­nt], mais peutêtre pas sur scène ou en concert.

En début de semaine, c'était au tour de Samuel d’emprunter la voie de sa marraine Mélanie Boisvert. Il avoue être un petit peu ner‐ veux avant de faire un duo avec une autre fille de son âge.

À l’image de sa tante, le jeune homme de 12 ans est décoré d’une première place et d’une note de 85 % pour son duo. La nervosité retom‐ bée, il se sent bien concer‐ nant sa performanc­e.

Assise derrière, son ensei‐ gnante, tout sourire, est fière d’avoir peut-être semé cet amour de la musique pour cette nouvelle génération.

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