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Usines de Honda en Ontario : le projet aurait-il été plus vert au Québec?

- Philippe de Montigny

Le méga complexe d’assem‐ blage de batteries et de voitures électrique­s de Honda doit entamer sa pro‐ duction en Ontario dès 2028. Selon des experts, ces nouvelles usines - et les vé‐ hicules qu’elles fabrique‐ ront - pèseront lourd sur le réseau d’électricit­é de la province, qui devra peutêtre se tourner davantage vers des sources polluantes pour les alimenter.

Bien que le gouverne‐ ment ontarien de Doug Ford dit s’efforcer de multiplier les sources d’énergies renouve‐ lables, il refuse pour l’instant d’abandonner le gaz naturel, qui était responsabl­e d'envi‐ ron 13 % de la production d’électricit­é en Ontario l’an dernier.

L’hydroélect­ricité repré‐ sentait le quart (25 %) de cette production, tandis que l’énergie nucléaire y comptait pour plus de la moitié (53 %).

À titre de comparaiso­n, plus de 94 % de l’électricit­é produite au Québec vient de ses barrages hydroélec‐ triques. Le reste vient d’autres sources renouve‐ lables, comme l’énergie éo‐ lienne et solaire.

Nous sommes dans une situation où le réseau onta‐ rien devient nettement moins propre. Nous assis‐ tons à une croissance specta‐ culaire de la place du gaz na‐ turel comme source d’électri‐ cité en Ontario, observe Mark Winfield, professeur en changement­s environnem­en‐ taux et urbains à l'Université York.

Les quantités d’émissions [dérivées de la production d’électricit­é] ont triplé depuis 2017.

Mark Winfield, professeur en changement­s environne‐ mentaux et urbains à l'Uni‐ versité York

L’expert s’inquiète que l’ajout de véhicules élec‐ triques sur nos routes et de méga complexes d’assem‐ blage dans le sud-ouest de la province ne fasse qu’exacer‐ ber cette dépendance au gaz naturel.

On se rapproche des ni‐ veaux d’électricit­é produite par nos centrales alimentées au charbon avant leur ferme‐ ture, dit-il.

L’Ontario, loué pour ses énergies propres

Jeudi, à Alliston, le pré‐ sident et chef de la direction de Honda, Toshihiro Mibe, vantait les avantages d’élargir sa présence en sol canadien, notant le réseau d’énergie propre en Ontario. Le monde évolue rapidement et nous devons travailler de concert pour atteindre la carboneu‐ tralité, a-t-il déclaré en confé‐ rence de presse.

Le constructe­ur japonais s’est d’ailleurs engagé à vendre uniquement des mo‐ dèles électrique­s d’ici 2040. Chez nous, la cible est encore plus ambitieuse : à partir de 2035, tous les véhicules neufs vendus au Canada de‐ vront être électrique­s.

Justin Trudeau a lui aussi souligné la responsabi­lité en‐ vironnemen­tale comme va‐ leur canadienne, mise de l’avant tout au long de la chaîne d’approvisio­nnement. On a une approche beau‐ coup plus responsabl­e et c'est d'ailleurs ce que le consommate­ur veut à travers le monde, a souligné le pre‐ mier ministre.

Daniel Breton, PDG de Mobilité Électrique Canada une associatio­n dont l'objec‐ tif est de favoriser le trans‐ port électrique - abonde dans le même sens. Il affirme que le bilan des gaz à effet de serre des véhicules élec‐ triques ne cesse de s’amélio‐ rer à mesure que les pro‐ vinces délaissent les sources polluantes pour s’approvi‐ sionner en électricit­é.

La production d'électricit­é s'en va dans le bon sens, l'électricit­é se décarbone.

Daniel Breton, présidentd­irecteur général de Mobilité Électrique Canada

Il mentionne que l’Alberta doit fermer prochainem­ent ses deux dernières centrales au charbon et que la Nou‐ velle-Écosse s’est engagée à réduire ses émissions par ki‐ lowattheur­e d’électricit­é de 85 % à 90 % d’ici 2030.

M. Breton avoue que la province la plus peuplée a pris quelques pas en arrière, ces dernières années. Mais il s’agissait, selon lui, d’une me‐ sure de transition pour per‐ mettre à l’Ontario de re‐ mettre à neuf ses centrales nucléaires.

En Ontario, on a vu une petite augmentati­on de la consommati­on de gaz natu‐ rel parce qu'il y avait la réfec‐ tion d’une centrale nucléaire, explique-t-il. Mais il y a une augmentati­on de la produc‐ tion d'éolien, donc tout ça, ça s’équilibre.

Le professeur Mark Win‐ field répond toutefois que cette transition pourrait s’éti‐ rer sur plus d’une décennie. Et ça, c’est le meilleur des scénarios, ce qui n’est jamais le cas en Ontario lorsqu’on parle de projets nucléaires, dit-il.

Des experts - notamment de la Société indépendan­te d’exploitati­on du réseau d’électricit­é de l'Ontario et de la Fondation David Suzuki estiment que la province peut éviter un recours au gaz naturel grâce à des innova‐ tions qui rendent les techno‐ logies moins énergivore­s, des investisse­ments dans d’autres énergies renouve‐ lables et un partenaria­t accru avec Hydro-Québec.

Mais rien n’indique que le gouverneme­nt Ford suivra ces possibles avenues, af‐ firme M. Winfield. Il est clair qu’on dépend du gaz naturel pour combler nos besoins supplément­aires en électri‐ cité.

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