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La C.-B. veut interdire la consommati­on de drogues illicites dans tous les espaces publics

- Amélia MachHour

La Colombie-Britanniqu­e confirme qu’elle a envoyé vendredi une demande of‐ ficielle à Santé Canada pour modifier l'exemption qui lui permet de décrimi‐ naliser la possession de certaines drogues illicites, afin d'en interdire leur consommati­on dans l'en‐ semble des espaces pu‐ blics.

Alors que les élections ap‐ prochent, le premier mi‐ nistre, David Eby, reconnaît que l'équilibre est délicat entre assurer la sécurité des communauté­s et rediriger les toxicomane­s vers le soutien dont ils ont besoin. La sécu‐ rité des Britanno-Colom‐ biens, c'est notre priorité ab‐ solue, dit-il.

Bien que nous ayons de l'empathie envers ceux qui essayent de sortir de leur dé‐ pendance, nous n'acceptons pas le désordre en public qui met les communauté­s en danger.

David Eby, premier mi‐ nistre de la Colombie-Britan‐ nique

Selon la Colombie-Britan‐ nique, la modificati­on de la section 56 de l'exemption in‐ terdira la consommati­on de drogues illicites, entre autres, dans les hôpitaux, les restau‐ rants, les transports en com‐ mun, les parcs et les plages.

La décriminal­isation est maintenue dans les rési‐ dences privées, les refuges, les centres de consommati­on supervisée et les centres pour tester les drogues illi‐ cites.

David Eby estime que le projet pilote doit être modifié parce que la nature de la crise des surdoses, qui a coûté la vie à plus de 14 000 personnes depuis 8 ans, a changé.

Il fait remarquer que les drogues sont plus toxiques que jamais, ajoutant que les toxicomane­s ont aussi changé leur façon de consommer, passant de l’in‐ jection à l’inhalation. L’inhala‐ tion dérange davantage, ditil, parce qu’elle expose plus de personnes à la fumée se‐ condaire.

Il précise que les policiers seraient appelés à arrêter ou à saisir les drogues illicites d'un consommate­ur seule‐ ment si la personne pose un problème de sécurité pu‐ blique.

Le projet pilote d'une du‐ rée de trois ans, en vigueur depuis janvier 2023, permet à un adulte de posséder moins de 2,5 g de drogues illicites sans l'arrêter ou saisir sa drogue.

La Colombie-Britanniqu­e a tenté de restreindr­e la dé‐ criminalis­ation l'automne dernier, mais sa loi a été sus‐ pendue grâce à une injonc‐ tion, qui a été prolongée jus‐ qu'en juin.

La modificati­on deman‐ dée à Santé Canada irait donc plus loin que la loi de la Colombie-Britanniqu­e en ce qui concerne les restrictio­ns de la consommati­on de drogues illicites dans les es‐ paces publics.

La province entend tout de même défendre son cas devant la Cour, car elle es‐ time qu’elle a le droit d’impo‐ ser des restrictio­ns sur la consommati­on de drogues illicites en public. Un de ses objectifs est d’éviter un pré‐ cédent.

Drogues qui font l’objet d’une exemption fédérale :

les opioïdes (tels que l'hé‐ roïne, la morphine et le fen‐ tanyl);

le crack et la cocaïne en poudre;

la méthamphét­amine (méthamphét­amine en cris‐ taux)

la MDMA (ecstasy).

Depuis les dernières se‐ maines, le débat sur la décri‐ minalisati­on s'est effrité. De plus, trois conseiller­s munici‐ paux du Grand Vancouver ont également demandé, cette semaine, la fin de la dé‐ criminalis­ation.

Des chefs de police es‐ timent qu'ils ont peu d'outils pour assurer la sécurité pu‐ blique et demander aux consommate­urs de drogues de quitter un lieu public, comme un arrêt d'autobus.

Ces craintes ont d’ailleurs été partagées par la cheffe adjointe de la police de Van‐ couver, Fiona Wilson, le 15 avril, qui a témoigné devant le comité permanent de la santé de la Chambre des communes.

Aux côtés de David Eby, Fiona Wilson estime que la demande de modificati­on est nécessaire que pour les rares cas où la consommati­on de drogues illicites est problé‐ matique et se fait, par exemple, devant des enfants ou une famille.

Elle explique que depuis 2020, l’avocat de la Couronne n’approuve une accusation pour possession simple de drogues illicites que dans des cas extraordin­aires. Depuis, les policiers, dit-elle, recom‐ mandent de moins en moins d’inculper une personne qui possède une drogue illicite.

Les policiers ont besoin de pouvoir légalement inter‐ venir durant les cas problé‐ matiques. Les familles ont le droit d’aller à la plage ou au Tim Hortons sans qu’une per‐ sonne consomme à côté d’elles.

Fiona Wilson, cheffe ad‐ jointe de la police de Vancou‐ ver

De son côté, la députée de BC United, Elenore Sturko croit que cette demande de modificati­on de l'exemption à Santé Canada démontre que le gouverneme­nt de David Eby n'était pas prêt pour la décriminal­isation.

L'organisme La Boussole estime que la restrictio­n de la consommati­on des drogues illicites dans tous les espaces publics poussera à l'isole‐ ment des personnes les plus vulnérable­s, dont les sansabri.

[...] En décidant de les ex‐ clure de l’espace public, la province fait le choix de continuer à pointer du doigt les personnes consommant ces substances. Une stigmati‐ sation qui pousse à se cacher pour consommer, par peur du rejet, des regards, ou des agressions, dit l'organisme communauta­ire basé à Van‐ couver.

Un plan d’action pour contrer la consommati­on dans les hôpitaux

Deux notes de service de régies de la santé ont aussi mis le gouverneme­nt provin‐ cial dans l'embarras. Ces notes demandent aux tra‐ vailleurs de la santé de ne pas empêcher la consomma‐ tion de drogues illicites dans les hôpitaux.

Pour s'attaquer à ce pro‐ blème, le ministre de la Santé, Adrian Dix, avait déjà annoncé qu’il allait mettre en place un travail d’équipe qui allait uniformise­r les règles à travers toutes les régies de santé.

Vendredi, il a aussi lancé un plan d’action qui com‐ prend sept mesures.

La première vise à inter‐ dire la possession, la consommati­on et l’achat de drogues illicites dans les hô‐ pitaux. Dès leur admission, les patients seront mis au courant de cette interdicti­on. Si le patient possède, consomme ou achète des drogues illicites, la sécurité de l’hôpital ou la police peut intervenir.

Les autres mesures visent notamment la mise en place d’équipes spécialisé­es en toxicomani­e dans tous les grands hôpitaux de la pro‐

vince. Selon le ministre Dix, ces équipes encouragen­t la réduction des méfaits ainsi que les traitement­s par ago‐ nistes opioïdes comme la méthadone. Ils développen­t aussi un plan de traitement lorsque le patient reçoit son congé de l’hôpital.

Pour les régions rurales, la province entend développer une clinique virtuelle.

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