Summum

SAVOIR LÂCHER PRISE

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Je ne me considère pas comme une personne stressée. Encore moins comme quelqu’un de stressant. Bien sûr, dites ça de moi à mes parents, à mes frères ou encore à mon chum, ils vous riront tous dans la face. C’est fou ce qu’on a de la facilité à être zen avec soi-même quand on tombe sur les nerfs de tout le monde autour de nous – occasionne­llement, je suis quand même pas une ostie de folle. Présenteme­nt, je suis autant bourrée d’hormones qu’un douchebag du gym est bourré de « prots » et d’autres cochonneri­es ben pire que de la petite poudre au chocolat à mélanger avec une banane pis du lait. Résumons : présenteme­nt, j’suis pas du monde.

Si tu prenais possession de mon corps pour 24 heures, clairement, tu saurais pas à quoi t’attendre. D’abord, tu prendrais mon char qui est vide d’essence – j’ai une peur bleue de tomber en panne, mais je déteste me gazer, tu vois le genre? –, tu prendrais un virage et t’aurais peur d’avoir un accident et de mourir sur-le-champ. Ensuite, t’entrerais chez nous et tu ferais une crise d’épilepsie parce qu’il y a un peu de poil de chat sur le sol. T’aurais envie de te débarrasse­r du chat pour avoir la paix, mais tu changerais d’idée parce que tu pourrais pas vivre sans ton chat. Alors tu passerais ton temps à passer le Swiffer, parce que si quelqu’un arrivait à l’improviste, qu’est-ce qu’il penserait de ton poil, hein? Tu passerais en avant de la chambre des bananes-livres-de-beurre (c’est à ça qu’ils ressemblen­t en ce moment) et t’aurais envie d’appeler les pompiers parce que c’est un décor tout droit sorti d’un DSM sur le syndrome de Diogène – t’sais, les ramasseurs compulsifs. Tu ferais le front page du Journal de Québec et on te collerait une poursuite pour négligence criminelle ayant empêché les murs de respirer.

Pis là tu te rappellera­is que t’attends deux bananes-livres-de-beurre pour bientôt, que tu vas capoter ta vie – parce que t’en auras pu de vie –, que le sommeil pour toi ne sera plus qu’une notion ben floue, que tu seras plus jamais capable de regarder ton chum de la même façon – soit il va avoir vu ton entrée principale dans toute sa non-splendeur et serré au passage la main de ton point G, soit il va avoir vu l’intérieur de ton toi… (extrait sonore d’une personne qui vomit) –, que tes beaux gros pamplemous­ses se seront transformé­s en ti-mini clémentine­s qui ont passé six mois dans le fond d’un tiroir de ton frigo… T’aurais sûrement envie de pleurer à ce moment-là, mais ça passerait encore sur le dos de tes putains d’hormones, alors tu te retiendrai­s tellement fort que t’aurais pas le choix d’aller noyer ta peine au Chocolats Favoris. Ce qui passerait encore sur le dos du fait que t’es littéralem­ent en train de devenir une baleine qui ne voit plus sa noune.

Tout ça pour dire que t’as pas le choix à un certain moment donné de lâcher prise. Non! T’as pas le choix d’arrêter de penser. C’est sûr que le monde arrêtera pas de tourner parce que t’es en train d’expulser deux cinq livres de patates roses avec des couettes habillés en princesse, alors dis-toi que le magazine arrêtera pas d’être publié parce que t’es pu là pour t’en occuper.

Je lâche prise. Et comme je cherchais un pénis pour me remplacer, je me suis dit qu’il n’y avait pas meilleur moyen de partir l’esprit vraiment tranquille qu’en engageant finalement… un vagin! Nathacha Gilbert

ngilbert@summummag.com

Véronique Racine

vracine@summummag.com

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