Summum

MATHIEU CYR L'OBSÉDÉ TEXTUEL LES JOIES DU CAMPING

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Fait beau! Fait chaud!

La moitié du Québec en profite pour s’exiler de la grand’ ville et aller camper. C’est un passe-temps hyper populaire dans notre belle province. Et, chaque été, je réalise qu’il doit me manquer un chromosome de Québécois, parce que j’haïs le camping.

Là, j’en vois déjà qui paniquent : « Quewoi? T’aimes pas le camping? C’est quoi? T’aimes pas la nature? T’aimes mieux faire ton pédant de la ville pis “flasher” ton drink à vingt piasses dans un pot Mason, sur un Bixi? »

Calme-toi. J’aime la nature. C’est le camping que j’aime pas.

VIVE LE STOCK En partant, y’a trop de stock… La tente, le sleeping bag, l’oreiller éternellem­ent humide, le poêle Coleman, les bacs avec les 340 morceaux de vaisselle, dont 324 que t’utiliseras pas… Le camping, c’est aller connecter avec la nature, avec trois fois plus de stock que ce que t’as chez vous.

Chaque fois, je regarde mon char rempli à ras bord en me disant : « On dirait que j’viens de passer 20 ans à L’UQAM… J’ai six bacs qui servent à rien. »

LE PIQUET MALÉFIQUE Le pire, c’est que malgré tout ce stock, y manque tout le temps quelque chose. T’as 14 gamelles inutiles, mais pas d’ouvreboute­ille. J’dois pas être le seul qui a déjà ouvert une bouteille de vin en poussant le bouchon dedans avec un trousseau de clés. Rien de tel qu’un bon cabernet aux mottons de liège!

Et 100 % du temps y manque un piquet de tente. Chaque fois! Ça m’est même déjà arrivé avec une tente neuve! J’suis sûr qu’à la manufactur­e de tentes, y’a un employé crampé raide, les poches ben pleines de piquets, qui crie : « Débrouille­z-vous, gang de caves! Mouahahaa! »

J’ai apporté mon coffre à outils. Mais évidemment, y manque mon marteau. Parce qu’il y a trois mois, j’ai posé une tablette chez nous. Et en terminant, qu’est-ce que j’ai mis sur la tablette tu penses? C’est ça. Mon marteau. Bravo champion.

Pas de marteau, pas de piquet. Résultat : j’suis à quatre pattes, en train d’essayer de planter un vieux support déplié en bûchant dessus avec mon soulier. Le sol est en roches. Ça rentre autant qu’un spaghetti cuit dans du marbre. Je sacre. Je crie. Je gesticule comme un épileptiqu­e. J’ai l’air d’un psychopath­e qui fesse abusivemen­t sur des fourmis.

En plus, fait chaud. Très chaud. Tu me « pitches » un oeuf dans l’dos; y cuit. Le soleil me tape tellement dessus qu’on dirait que les feuilles des arbres sont faites en loupes.

Je sue comme un homme-fontaine, pendant qu’un troupeau de 300 maringouin­s fait des allers-retours entre mes narines pis mes tympans. Sti que j’ai du fun!

J’ai des questions : j’ai-tu du poil beige dans l’dos? Y’a tu un panache qui me sort du crâne? Non? Ben y’a tu quelqu’un qui peut dire aux mouches à chevreuil que je ne suis pas un chevreuil? Et aussi demander à celle qui est partie avec mon bras gauche de me le redonner SVP. J’en ai besoin pour planter ma tente.

UN CONCEPT DE FEU En partant, juste le concept même du camping, c’est spécial. Me semble d’expliquer ça à un réfugié somalien : « Comment je t’expliquera­is ça… Quand on est tannés d’être bien dans nos maisons avec l’eau courante, la clim, le frigo pis le lavevaisse­lle, on vient ici pour geler la nuit, suer le matin pis manger des saucisses brûlées. »

LES VRAIES VACANCES Un de mes chums m’a déjà dit : « Le camping, c’est les vacances! » Pas sûr.

Tu montes ta tente, tu vas chercher ton bois, ton eau, tu laves ta vaisselle… Tu fais tout. Sont où tes vacances? Penses-y, c’est pas pour rien qu’on dit « faire du camping ».

As-tu déjà entendu quelqu’un dire « faire de l’hôtel »? Non. Il va à l’hôtel, il ne le fait pas. Parce qu’à l’hôtel, tout est déjà fait. La bouffe, ton lit, tout. La seule chose qu’il te reste à faire, c’est composer le zéro sur ton téléphone, pour que quelqu’un vienne te porter un Rhum & Coke. Ça, c’est des vacances!

FROTTI-FROTTA Autre problème majeur : les « rapprochem­ents » de couple en camping. J’aime la nature. Mais c’est pas parce que j’suis rentré dans le bois que j’veux pas faire la même chose avec ma blonde.

Mais on dirait que le sexe est moins tentant, accompagné d’odeurs corporelle­s composées de swing, de OFF pis de feu de camp…

La dernière fois, on s’était mis tellement de OFF qu’avec la friction, nos fourches ont pris en feu. Le lendemain, j’pouvais faire griller des marshmallo­ws au-dessus de mes schnolles.

Y’a aussi le fait que l’insonorisa­tion d’une tente de camping est comparable à celle d’un Kleenex. Troué. Rien de tel que de ponctuer ses ébats avec des « Chhht! » sur un matelas qui dessouffle en faisant des « CHHHHT », encore plus fort. Ça finit avec ta blonde qui a le dos accoté sur un lit de racines, pendant que tu zignes un pli de matelas dessoufflé en te demandant pourquoi elle tripe pas.

LA VRAIE UTILITÉ On va se dire la vérité : le camping, c’est pas pour le couple, les vacances ou la nature. La vraie utilité du camping, c’est simple : se saouler dans le bois. Point.

Tu peux te promener avec ta bière à 10 h du matin, en jouant au ballon avec deux enfants de huit ans, personne va te juger. On se croirait à Verdun!

Ç’a été créé spécifique­ment pour ça! Pour le prouver, transporto­ns-nous en 1510, quand Léonard de Vinci est allé chercher le brevet du camping.

« Brelandine Brelandond­aine » (Dans le temps, les sonnettes sonnaient de même.)

- Entrassez! - Salutation­s, messires les breveteux! - Tiens? Léonardo! Que venez-vous donc d’inventatio­nner, génial sieur? Une Joconde en chest? - Pffff! Une Joconde… C’est tellement 1506. Non, je venions d’inventatio­nner « le camping ». - Mais qu’est-ce donc? - Un endroit où il y’avions une toilette pour 100 personnes, des douches qui avions plus de bibittes qu’une fille de joie de 200 ans, et où l’on ingurgite des toasts brûlées, des saucisses brûlées et des guimauves… - … Brûlées? - Non. Bouillante­s! Tu te brûlasses la langue à chaque fois! Haha! - Et ensuite? - Ensuite, tu dormasses par terre, dans une tente avec un zipper qui reste poignassé en milieu de course. - Mais pourquoi diantre quelqu’un s’aventurera­it-il dans un tel endroit? - … Pour consommati­onner de l’alcool à la journée longue et se promenatio­nner chaud raide en kart de golf!

Silence. Personne ne bouge. Le doyen des breveteux lève solennelle­ment ses mains vers le ciel. Une lumière divine embrasse son visage. Il s’écrie alors : « Mais c’est GÉNIAL! Qu’on apportatio­nne à cet homme un milliard d’écus! »

Et depuis ce temps-là, tous les campeurs ont leur caisse de 24.

L’équation est simple : quand tu bois, tu sens pas les piqûres de bibittes, tout goûte meilleur, et même si le sexe est moyen, t’es sûr que t’as assuré comme un dieu.

Mouin… En me relisant, j’pense que j’haïs peut-être pas le camping tant que ça moi! M’en vais dans le bois.

Bon camping!

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