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GILBERT ROZON ENTRE JUSTE POUR RIRE ET LES DRAGONS

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Entrevue : Nathacha Gilbert Photo : Patrick Séguin – www.patrickseg­uin.ca

Celui qu’on pourrait surnommer le king de l’humour au Québec n’a clairement plus besoin de présentati­on. Quelques semaines avant le début de Juste pour rire, et quelques jours avant la fin de l’émission Dans l’oeil du dragon, SUMMUM s’est entretenu avec le très généreux et bien comique Gilbert Rozon.

MONSIEUR ROZON, COMMENT ON SE SENT À L’AUBE D’UNE QUOI, 34E ANNÉE DE FESTIVAL JUSTE POUR RIRE?

Comme quelqu’un qui sort du placard et qui avouerait à toute la population sa véritable identité! Je rigole… C’est sûr qu’on ne peut pas s’habituer. Essentiell­ement, c’est ce que je ressens chaque année, le besoin de faire mieux que l’année précédente. Essayer de satisfaire les clients et qu’ils soient heureux. On travaille pour ça, pour qu’ils passent un bon moment.

EST-CE DUR DE SE RENOUVELER ANNÉE APRÈS ANNÉE, DE TROUVER UN THÈME DIFFÉRENT, DES HUMORISTES DIFFÉRENTS, ETC.?

C’est un défi vraiment stimulant; c’est essentiel, mais ce n’est pas facile. C’est quelque chose qui demande de vivre une certaine contradict­ion, soit de toujours sortir de ses certitudes. Tout le monde recherche des vérités simples dans la vie. En politique, tout le monde veut que ce soit noir et blanc alors qu’on vit dans un monde de nuances et de zones de gris. C’est la même chose en création. […] Nous, on est condamnés à toujours se réinventer et à le faire de façon brutale. Il faut que tu détruises tes idées reçues, que tu casses le moule, que tu te mettes en danger. Il faut que tu sois prêt à errer et à te tromper.

VOUS AVEZ FAIT UN MONOLOGUE L’AN DERNIER À JUSTE POUR RIRE, N’EST-CE PAS?

J’ai fait un show de 70 minutes avec des anecdotes sur ma période de 13 à 27 ans.

C’ÉTAIT UNE PREMIÈRE FOIS POUR VOUS?

Que j’avais à me prononcer et à raconter quelque chose comme ça? Oui.

ET VOUS VOULEZ REVIVRE L’EXPÉRIENCE CETTE ANNÉE?

Oui. Je veux améliorer mon texte, m’améliorer sur scène. J’ai envie de perfection­ner ça. J’ai eu du plaisir à le faire, mais j’ai surtout envie de mieux le faire.

ÇA SERAIT QUOI LE STYLE DE GILBERT ROZON SUR SCÈNE?

Ma vraie contributi­on, si j’en ai une, c’est que c’est 100 % vrai ce que je raconte. Et pourtant, c’est totalement incroyable. Évidemment, les gens, lorsque ça se termine, se disent qu’ils ont eu du plaisir et qu’ils ont passé un bon moment, mais que j’en ai inventé la moitié. Et je les comprends, probableme­nt que je croirais la même chose. Il y a un petit punch – que je ne dévoilerai pas – qui démontre que c’est pourtant 100 % vrai. Les gens restent surpris…

EST-CE QU’ON PEUT ESPÉRER UN JOUR VOIR VOTRE SHOW PARTOUT AU QUÉBEC? ONE MAN

Peut-être! Mais comme vous le savez, jusqu’à la fin 2017, ce sera un peu difficile. J’organise, notamment, le 375e anniversai­re de Montréal. Je suis pas mal aux limites de ce que je peux faire dans mon année. […] Mais peut-être un jour; ce n’est pas l’envie qui manque.

VOUS AVEZ FAIT UNE PARTICIPAT­ION REMARQUÉE CETTE ANNÉE À L’ÉMISSION DANS L’OEIL DU DRAGON. QU’EST-CE QUE VOUS RETENEZ DES DRAGONS?

Je retiens l’intelligen­ce qu’il y avait autour de moi, qui force l’humilité. C’est évident que, lorsque tu vois la qualité des gens qu’il y a autour, t’es un petit peu plus humble.

J’IGNORE S’ILS CROIENT FAIRE UNE SAISON L’AN PROCHAIN…

Je pense que oui; j’ignore si je serai invité, mais je pense qu’il va y avoir une autre saison parce que franchemen­t, c’est un gros hit. S’ils ne font plus de saison, il n’y a plus rien à comprendre à mon métier.

SI VOUS ÊTES INVITÉ, J’IMAGINE QUE VOUS SEREZ DE LA PARTIE… SURTOUT QUE PLUSIEURS SIÈGES SE LIBÈRENT?

Oui, oui. Je reviendrai­s même si objectivem­ent, à ce moment-ci, je ne sais pas où je vais prendre le temps. J’irais avec joie, bien sûr, parce que c’est un honneur d’en faire partie.

AURIEZ-VOUS ÉTÉ DU GENRE À PARTICIPER À UNE ÉMISSION COMME CELLE-LÀ À L’ÉPOQUE OÙ VOUS VOUS ÊTES LANCÉ EN AFFAIRES?

Est-ce que j’y aurais été? Je pense que j’aurais essayé parce que t’as rien à perdre, même si c’est épeurant un peu – il faut dire que les gens qui viennent nous voir sont un peu terrorisés et je peux les comprendre. On est nerveux de faire ça et on ne se rend pas compte que ceux qui font ça sont encore plus nerveux que nous. C’est vraiment un moment crucial dans leur vie.

QU’EST-CE QUE VOUS AURIEZ DIT AU JEUNE GILBERT ROZON QUI SE SERAIT PRÉSENTÉ DEVANT VOUS AVEC L’ENVIE DE SE PARTIR EN AFFAIRES À CE MOMENT-LÀ?

Honnêtemen­t je ne sais pas, il faudrait que j’y réfléchiss­e. D’une certaine manière, j’ai eu à le vivre, donc la question me trouble. J’ai eu à vendre ma salade et je pense que j’aurais dit : « Écoutez, je suis un jeune entreprene­ur. Je crois que mon projet est vraiment bon et je vais vous le raconter. » Et je crois que je l’aurais bien raconté.

Maintenant, si mon projet n’avait pas réussi, moi oui. Les gens dans lesquels on investit, on a vraiment l’impression qu’ils sont différents. […] Quand j’ai commencé, ceux qui m’ont aidé ont sûrement voulu aider un jeune homme aux yeux allumés et qui voulait vraiment réussir. Je n’ai pas connu que des succès et ça n’a pas été toujours facile. Je voulais tellement que ça marche… Ç’a fini par marcher. La persévéran­ce, dans ce monde-là, c’est 90 % du succès.

SINON, QUI VOUS FAIT VRAIMENT RIRE DANS LA VIE?

C’est sûr que, compte tenu du fait que l’humour est mon métier, je ne ris pas aux mêmes affaires et, en même temps, je ris à tout. Je peux rire à une blague hyper vulgaire, je suis capable de rire à de l’humour noir, d’une blague de gamin. J’adore les canulars, l’humour qui a un message. Je communique beaucoup par l’humour, mais j’essaie de ne pas communique­r par le sarcasme, ce qui était un problème à une époque et que j’ai essayé de corriger ou, du moins, d’atténuer. J’essaie de passer mes messages aux gens par l’humour : une petite taquinerie, un clin d’oeil, etc. pour que les gens sachent ce que je pense sans trop les offenser.

QU’EST-CE QU’ON SERAIT SURPRIS D’APPRENDRE SUR VOUS?

Un défaut… je suis de mauvaise foi. Souvent par humour, mais je peux être de mauvaise foi. Une qualité, probableme­nt, les gens seraient surpris d’apprendre que je suis avenant. Je suis assez sensible aux autres : laisser passer les gens dans l’ascenseur, dire bonjour aux gens, rendre service, ouvrir la porte, etc.

TROIS CHOSES QUE VOUS N’ÊTES PAS CAPABLE DE SUPPORTER?

La malhonnête­té intellectu­elle; les gens qui ne veulent pas se rappeler ce qu’ils t’ont dit la veille, ceux qui ne sont pas cohérents. J’avais un problème avec les gens radins, mais aujourd’hui, je me dis que c’est une maladie. J’en suis à essayer de l’accepter parce que je me dis qu’ils ont été élevés comme ça. Je le supporte plus qu’avant… Et j’ai un gros problème avec les gros égos. Tu ne te mets pas en position d’apprendre et, curieuseme­nt, ce n’est pas parce qu’ils ont un gros égo qu’ils me dérangent, c’est qu’ils pensent plus à quoi ils ont l’air et qu’ils ont de la misère à admettre leurs erreurs.

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