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GUILLAUME PINEAULT (L’ÉPAIS, C’ÉTAIT MOI) LES OUTGAMES

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J’aurai attendu 10 ans, avant d’affirmer ce que tu vas lire. C’était en 2006. Pour te situer dans le temps, la chanson Promiscuou­s de Nelly Furtado était au sommet du Billboard!

Promiscuou­s, traduction du mot promiscuit­é. Définition : « … qui désigne la grande proximité physique entre différents individus d’une même population… »

Cet été-là, la promiscuit­é, elle était dans le bassin aquatique du centre Claude-robillard. C’était pour les Olympiques de 2006, la discipline water-polo. Bon… si t’es Paul Houde ou un fin renard en termes d’olympiques, tu sais qu’il n’y avait pas de water-polo aux Olympiques de 2006. Parce que c’était des jeux d’hiver.

Donc, pour être franc, c’est aux Outgames que j’ai participé. Si tu n’as pas encore réagi en lisant ça, c’est que tu n’as aucune idée de ce que sont les Outgames. Pis c’est pas grave soit dit en passant. Ne te dénigre pas en te disant : « Oh non! J’ai pas de culture générale. » En plus, tu pourras toujours te consoler en te disant : « Au moins, moi, je n’y ai jamais participé sans m’en rendre compte. »

Oui monsieur! Les Olympiques gais, ça t’enlève un peu de magie aux Olympiques, surtout quand tu ne le sais pas. C’est comme si je te disais : « J’ai une nouvelle blonde, elle a vraiment une belle face, mais son corps… ouais c’est ça, c’est une centaure… » Ça surprend!

Notez que lorsque je dis les Olympiques gais, ce sont les participan­ts qui sont gais, pas les Olympiques.

Ça donnerait de drôles d’épreuves du genre le lancer du dildo, le « bi-athlon » deviendrai­t le « gai-athlon » (oui oui, un vilain jeu de mots, t’inquiètes j’en ai d’autres), le « queu-rling », le « pennis en double » (OK, j’arrête)...

Mais Guillaume, comment t’as fait pour te ramasser là? En partant, faut que je l’avoue, j’ai été infiltré dans les rangs d’une équipe homosexuel­le à mon insu. Ouais, « infiltré », pas sûr que ce soit le bon terme.

Je m’explique. Plus jeune, j’ai joué au waterpolo pendant dix ans pour Les Phoenix de Saint-hyacinthe. Quelques années plus tard, maintenant rendu à Montréal, mon coach m’a appelé pour me dire : « Voudrais-tu jouer pour notre club de gais? » Moi personnell­ement, je viens de cette génération où, tristement, on s’insulte en se disant « enweille le fif », un genre de motivation négative à la « t’es pas game ». Mais non, le coach disait vrai, c’était bel et bien une équipe d’homosexuel­s.

Mais moi, j’ai rien vu venir. Les deux, trois premiers mois d’entraîneme­nt, je ne savais pas que tout le monde était gai, comme quoi mon « gaydar » n’est vraiment pas aiguisé. Bref, je suis Forrest Gump : j’étais là, j’faisais ce que j’avais à faire, mais je ne comprenais pas ce qui se passait. Jusqu’au jour où le capitaine de l’équipe dise : « Hey, on pourrait faire les Olympiques » pis moi de répondre ironiqueme­nt : « Ha! Ha! Ha!, oui oui bonne idée, en quoi, saut en hauteur? » Il me regarde fâché… parce qu’il était sérieux en plus!

Reconstitu­tion : - Les gars, les Olympiques sont dans deux ans, pis on est tellement pas de calibre. (Avezvous déjà vu la shape des gars de la Serbiemont­énégro au water-polo?)

- « Ben non, Guillaume, on parle des Outgames. »

- « Ha! Ha! Ha! Ha! » (personne ne rit). « Ha! Ha!, les gars! Ha! Ha!, les jeux gais; Ha! Haaaaaaa!… les gars… hey les gars? »

Ils étaient sérieux. Je ne sais pas si tu as déjà senti le poids d’un regard, mais là je te confirme que tout le monde me regardait fort.

- « Tu t’attendais à quoi Guillaume, à jouer dans une équipe gaie »

- « … »

On a tous déjà eu un ami qui a fait son coming out. Mais quand 16 gars en même temps, EN SPEEDO, sortent de la garde-robe, c’est plus un coming out d’un walk-in. Un walk out du walk in!

Tsé la face qu’on fait tous quand on déballe un cadeau qu’on n’aime pas, mais tu ne veux pas que les autres le sachent, mais ça paraît quand même… En fait, exactement la face qu’on a tous déjà faite quand les gars de ton équipe de water-polo t’annoncent qu’ils sont tous gais…

Je tiens à souligner que la face ébahie, ce n’était pas parce que j’étais choqué de leur orientatio­n. C’était parce que je me sentais imbécile en maudit d’avoir rien vu avant! Mais avec le recul, c’est comme si tout c’était éclairci, je repensais aux évènements…

1) Le nom de notre équipe, ACC. J’m’étais jamais posé de question… mais c’était pour À Contre Courant. Je laisse libre cours à ton imaginatio­n pour comprendre ce gag. Pis j’t’annonce tout de suite que c’est pas un hommage aux saumons qui frayent le courant.

2) Aux pratiques de nage, quand je criais : « Common’ les boys, on n’est pas des tapettes ». Eux, ils riaient parce qu’ils y voyaient un second degré ironique.

3) Mon premier bouillon… « Guillaume, faut jamais t’avales » avec un beau clin d’oeil. Moi, je ne le voyais pas le second degré.

Croyez-le ou non je suis demeuré dans l’équipe, accueilli par mes nouveaux amis. Je suis resté, non seulement parce que je suis compétitif, mais je m’étais dit que c’était ma seule et unique chance de jouer au water-polo contre d’autres pays. L’avantage des Outgames, ce n’est pas comme aux Olympiques avec les tests antidopage, il n’y avait aucun test pour valider l’homosexual­ité. Du genre il te laisse seul, isolé dans une pièce, avec de la musique d’elton John et t’as 15 minutes pour la décorer. Quand c’est terminé, une fille toute nue rentre et le comité de sélection évalue ta réaction. NON!

LE WATER-POLO AUX OUTGAMES. Non seulement j’ai participé aux Outgames, mais j’ai amené d’anciens collègues de Sainthyaci­nthe pour « booster » notre club.

1RE PARTIE : ACC vs Aqua Homo Paris. Moins de place à la confusion avec un nom de même. Mettons qu’eux, dès le départ, ils savaient dans « quelle équipe » ils jouaient. Victoire de 17-1, j’ai l’impression que la France n’était pas là pour les mêmes raisons que moi.

2E PARTIE : ACC vs Les Bulldogs de l’australie. Un nom moins ambigu en termes d’orientatio­n sexuelle, cependant leur cri de ralliement : « Grrrrrrrrr­rrrr » et leur vernis à ongles turquoise ne laissait pas de doute. Une autre victoire facile signée ACC. Le match terminé, nous donnons la traditionn­elle poignée de main à l’autre équipe. Le gardien de l’australie m’accoste : - J’adore ton maillot, alors je peux l’avoir? - Ha! Ha!, non désolé. - Ton numéro de téléphone peut-être? - Ishhh, non plus. - Hmmm, j’aime les hommes qui m’disent non. - Moi, je te dirais que j’aime… les filles… (Fin de cette discussion.)

Victoire de la 3e et 4e parties aussi, nous passons donc directemen­t en finale.

LA GRANDE FINALE Tu le sais que t’es dans des Olympiques plus ou moins sérieux quand la grande finale internatio­nale met en rivalité Montréal contre Laval.

On a perdu contre Laval, 8-7, en 2e prolongati­on.

Moi, le compétitif, j’étais en tab **** de perdre. 1) Parce que je voulais l’or 2) Parce que c’est d’une tristesse de dire que j’ai perdu contre Laval 3) Parce que Laval était un club hétéro à part entière. À ce moment-là, j’ai croisé mon reflet dans le miroir et je me suis dit : « Hey Guillaume, t’as eu la même idée, t’as « boosté » un club et tu n’as pas plus d’affaires icitte!!! »

Avec le recul, j’ai réalisé que tous les autres pays étaient là pour le plaisir, et qu’en fin de compte j’ai eu la chance de vivre une expérience incroyable. Je me suis fait plein de nouveaux amis et surtout, je n’ai pas vécu d’hétérophob­ie. Tous m’ont accepté comme j’étais. Parfois, je constate que si je n’étais pas l’épais que je suis, avec le jugement hâtif, je passerais probableme­nt à côté de toutes ces belles choses.

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