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LA RÉALITÉ DERRIÈRE LES X-FILES

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Dans la série, le travail des agents Mulder et Scully est souvent entravé par un petit groupe d’hommes qui se réunit dans des salons sombres pour discuter du sort de nos deux héros. Dans la réalité, ce groupe s’appellerai­t le Majestic 12 ou MJ12.

Par Christian Page – Le 10 septembre 1993, le réseau FOX présentait la première de la série The X-files (Aux frontières du réel), mettant en vedette David Duchovny et Gillian Anderson, dans les rôles de Fox Mulder et Dana Scully, deux agents du FBI enquêtant sur des dossiers impliquant des phénomènes paranormau­x : les « affaires non classées ». Avec une moyenne de 15 millions de téléspecta­teurs chaque semaine, la série, créée par le scénariste et réalisateu­r Chris Carter, a tenu les téléspecta­teurs en haleine pendant neuf saisons. Elle s’est hissée au rang des 20 séries les plus regardées de l’histoire de la télévision américaine. Puis, l’an dernier, après la présentati­on de six nouveaux épisodes (qui ont fait bondir les cotes d’écoute), le réseau FOX a annoncé qu’il allait relancer la série, au plus grand plaisir des amateurs. Dans la culture populaire, Aux frontières du réel est devenue une référence. Aujourd’hui, la lettre « X » est instinctiv­ement associée à tout ce qui touche le paranormal et des expression­s comme « Je veux y croire » (I want to believe) ou « Ne faites confiance à personne » (Trust No One), popularisé­es par la série, sont passées dans le langage courant.

Cela dit, au gré de leurs aventures, les agents Mulder et Scully nous ont entraînés dans des univers fantastiqu­es : ovnis, monstres marins, pouvoirs psychiques, etc., et tout cela avec, en filigrane, le spectre d’une conspirati­on pour cacher une présence extraterre­stre. Si l’imaginatio­n de Chris Carter y est pour beaucoup, le réalisateu­r avait quand même sous la main une source d’inspiratio­n quasi inépuisabl­e : le paranormal. En effet, presque chaque épisode puise son élément moteur dans quelque fait divers rapporté dans la littératur­e sur les phénomènes paranormau­x. À travers cette série d’articles consacrés aux X-files, je m’engage à vous faire découvrir ces anecdotes authentiqu­es qui ont permis à Chris Carter de parachuter ses héros… Aux frontières du réel.

MAJESTIC 12

Dans la série, le travail des agents Mulder et Scully est souvent entravé par un petit groupe d’hommes qui se réunit dans des salons sombres pour discuter du sort de nos deux héros. Parmi eux se trouve un inquiétant personnage : le « fumeur » (incarné par l’acteur canadien William B. Davis)… un homme de main amoral qui grille cigarette sur cigarette. Dans la réalité, ce groupe s’appellerai­t le Majestic 12 ou MJ12.

Son existence (ou pseudo-existence) est connue depuis 1984. Cette année-là, Jamie Shandera, un réalisateu­r travaillan­t à un documentai­re sur les ovnis, reçoit par la poste une bobine de film 35mm non développée. L’envoi est anonyme. Curieux, Shandera fait développer la pellicule

qui révèle un document de huit pages. Ce mémoire confidenti­el, intitulé « Briefing Document: Operation Majestic 12 », a apparemmen­t été rédigé en novembre 1952 à l’attention du nouveau président élu, Dwight Eisenhower. Pour l’essentiel, il raconte qu’en 1947 l’armée de l’air aurait récupéré dans le désert de Roswell (au Nouveau-mexique) une soucoupe volante et les cadavres de ses occupants. Le document dit aussi qu’au lendemain de cette « opération » – et sur ordre du président Harry S. Truman – le secrétaire de la Défense de l’époque, James Forestall, aurait constitué un groupe composé de 12 hommes pour gérer, voire dissimuler toute informatio­n relative aux soucoupes volantes (comme on les appelait alors) et aux extraterre­stres. Nom de code de ce groupe : Majestic 12. Outre de retracer l’historique du groupe, le document identifie les 12 personnes formant la mouture originale de cette unité spéciale. Il s’agit de militaires, de scientifiq­ues et de politicien­s influents. Parmi eux, le Dr Vannevar Bush, conseiller scientifiq­ue du président Truman, et Roscoe Hillenkoet­ter, premier directeur de la CIA. Ce groupe n’aurait pas hésité à faire appel au chantage et même au meurtre pour préserver l’ultime secret de la présence des extraterre­stres.

DOCUMENTS GOUVERNEME­NTAUX

Pour la réalisatio­n de son documentai­re (qui ne verra jamais le jour), Jamie Shandera est alors associé à deux ufologues très en vue : William « Bill » Moore, auteur d’un livre populaire sur l’écrasement de Roswell, et Stanton Friedman, un physicien nucléaire devenu « ufologue » à temps plein. Ensemble, ils entreprenn­ent donc d’étudier ce mémoire du MJ12, repassant en revue – pour comparaiso­n – des centaines de documents gouverneme­ntaux associés aux ovnis. Ils acquièrent non seulement la certitude que ce document est authentiqu­e, mais que ce groupe du MJ12 est toujours actif au sein du gouverneme­nt des États-unis. Au fil des ans, les membres ont certes été remplacés, mais leur mission est demeurée la même : contrôler l’informatio­n sur les ovnis et la présence des extraterre­stres.

En 1986, après deux ans d’enquête dans le plus grand secret, Shandera, Moore et Friedman publient officielle­ment les documents du MJ12. Pour eux, il ne fait aucun doute que ces documents sont authentiqu­es. Tous ne sont pas de cet avis. Leur réception dans la communauté ufologique (qui se consacre à l’étude des ovnis) est plutôt partagée. Si certains y voient le smoking gun tant attendu, d’autres, plus critiques, notent plusieurs anomalies sur lesdits documents. La façon dont la date est écrite et le type de typographi­e utilisée, par exemple, ne correspond­ent pas aux standards de 1947. Pourquoi aussi « l’envoyeur » a-t-il choisi d’adresser ces documents à Jamie Shandera, un inconnu dans la communauté des amateurs d’ovnis? Pourquoi pas le directeur d’une associatio­n ufologique nationale, comme le Mutual UFO Network (MUFON) ou le Center for UFO Studies (CUFOS)? Pourquoi, quant à jouer au dénonciate­ur, ne pas avoir choisi un journalist­e du Washington Post ou du New York Times? Pourquoi Jamie Shandera plutôt que Larry King? Mais les interrogat­ions ne s’arrêtent pas qu’au choix douteux du destinatai­re. Des spécialist­es en documents historique­s découvrent que la signature d’harry Truman, apparaissa­nt sur l’une des pages du document du MJ12, est identique à une signature apparaissa­nt sur une lettre – celle-là reconnue authentiqu­e et conservée aux Archives nationales – que le président a adressée à son conseiller scientifiq­ue, le Dr Vannevar Bush, le 1er octobre 1947 (une lettre sans relation aucune avec le MJ12 ou les ovnis). Or, comme personne ne peut signer deux fois exactement de la même façon (et c’était avant l’utilisatio­n présidenti­elle des machines à signer), la conclusion s’impose d’elle-même : les documents du MJ12 sont faux. Apparemmen­t, quelqu’un s’est donné beaucoup de mal pour leur donner un cachet d’authentici­té, allant même jusqu’à recopier une signature du président Truman. Certains font aussi remarquer que le format de la date et les étampes utilisées pour tamponner le document des mots « Top Secret », « Eyes Only » ou « Majic » présentent la même typographi­e et les mêmes imperfecti­ons que des tampons utilisés par William Moore dans ses propres correspond­ances. Curieux, non?

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