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C’EST JUSTE MON OPINION MAIS…

DES RADIOS POUBELLES À QUÉBEC? OUI ET NON…

- STÉPHANE GENDRON Photograph­e Patrick Séguin www.patrickseg­uin.ca

C'EST JUSTE MON OPINION, MAIS…

Depuis le massacre de la Mosquée de Québec, plusieurs ont pointé du doigt les radios de Québec comme ayant été un vecteur important – voire un catalyseur – de la haine dans la région de la Capitale-nationale. Existe-t-il un lien entre le discours véhiculé par des radios de Québec et le geste meurtrier d’alexandre Bissonnett­e, l’auteur de la tuerie?

Poser la question, c’est y répondre. Bien sûr que non. Mais certaines radios de Québec – et davantage certains animateurs « poubelles » – sont très certaineme­nt l’une des causes qui expliquent le climat fétide de haine et de racisme dans lequel baigne la grande région de Québec depuis fort longtemps.

Je m’explique.

Contrairem­ent aux autres régions du Québec, la ville de Québec est pratiqueme­nt le seul endroit où l’on est en présence d’une véritable radio parlée de type « talk radio » à l’américaine. À la décharge des radios de Québec, la radio parlée évolue généraleme­nt dans un contexte favorisant la « droite politique » et la « droite économique ». Ainsi, les animateurs n’hésiteront pas à critiquer la grosseur des gouverneme­nts, les ingérences dans la vie privée des gens, la taxation et les impôts toujours « trop élevés » de même que la piètre qualité des services publics. C’est le propre du discours de la radio parlée en général. Le négatif est vendeur et demande peu d’investisse­ment intellectu­el. Il est beaucoup plus facile de détruire que de construire, de prêcher la haine et la peur de ce qui ne nous ressemble pas, que d’éduquer face à l’ignorance ou la méconnaiss­ance. Prendre le parti de la tolérance et du rassemblem­ent n’est pas susceptibl­e de générer des cotes d’écoute, et par conséquent, des revenus publicitai­res intéressan­ts.

Voilà où se logent certaines radios ainsi qu’un bon nombre d’animateurs de radios de Québec : dans la facilité, les préjugés érigés en vérité, et la haine.

À titre d’exemple, il est beaucoup plus intéressan­t de gueuler sur l’impossibil­ité d’intégrer nos concitoyen­s musulmans, de soulever des doutes sur le discours de certains imams lors des prêches du vendredi à la Mosquée, de ridiculise­r la femme qui porte le hijab ou d’affirmer que l’accueil des réfugiés n’est qu’un gouffre financier pour l’aide sociale! Les arguments sont faciles, ils sont vendeurs, et c’est ce que le citoyen mal informé va inévitable­ment croire sans trop se poser de question.

Afin de prouver son point, l’animateur poubelle va nous citer quelques exemples anecdotiqu­es en provenance de l’étranger tout en sachant très bien que l’auditeur moyen ne fera pas la part des choses. Car l’auditeur moyen en transit sur le pont Pierre-laporte n’a pas le temps d’aller vérifier par lui-même. Coincé dans le tourbillon du quotidien, il vit donc ses opinions par procuratio­n en faisant confiance à l’animateur poubelle.

D’autres se serviront de la peur pour extrapoler des nouvelles même en provenance du Québec. Comme la question des signes religieux ou des accommodem­ents raisonnabl­es. L’exemple le plus pathétique est celui du port du niqab qu’on n’hésite pas à généralise­r. À un point tel qu’on a l’impression que cette problémati­que est devenue LA préoccupat­ion du siècle, alors qu’on sait très bien qu’à peine 200 femmes portent le niqab sur l’ensemble du territoire québécois. Mais qu’à cela ne tienne! Deux cents aujourd’hui sera deux millions demain!

Il en va de même pour la haine de l’état. La radio de droite s’amuse à nous citer des exemples rapportés dans le Journal de Québec jour après jour sur L’INCURIE épouvantab­le de nos fonctionna­ires et de nos dirigeants politiques. À entendre certains animateurs poubelles – qui n’ont jamais rien géré d’autre que leurs bobettes Fruit of the Loom –, nous serions dirigés par des POURRIS CORROMPUS. Oui, nos dirigeants ne prennent que de mauvaises décisions. « On se fait fourrer à temps plein », disentils avec le sourire à la commissure des lèvres. Mais une fois l’émission poubelle terminée, ces mêmes animateurs ne sont jamais foutus d’apporter leurs solutions miracles à tous nos problèmes de société. Ils rentrent dans leur banlieue confortabl­e, encaissent leur salaire faramineux, boivent leurs bonnes bouteilles et diffusent parfois – même souvent - leurs émissions en direct de leur condo en Floride sans que l’auditeur – pris dans le trafic quotidien du pont Pierre-laporte – s’en rende compte!

L’animateur poubelle dénonce, gueule et crie sa haine dans le micro et passe à la caisse. Il est contre le Service rapide par bus du maire Labeaume – mais n’a jamais pris le transport en commun. Il n’a jamais géré une municipali­té ni la misère humaine. L’animateur poubelle se dit de « droite », mais est incapable de nous citer un penseur de la droite américaine. La véritable droite qui a quand même conservé une compassion pour les plus pauvres, les travailleu­rs et les démunis. Non.

Qu’on me comprenne bien. Oui, certains animateurs de Québec sont dignes de la poubelle. Ils se comptent peut-être que sur une seule main. Ceux-ci ont contribué au climat fétide qui règne sur les ondes de Québec et finissent par ternir la réputation de la ville, malheureus­ement. Ces sinistres personnage­s ont oublié qu’avoir un micro comporte une responsabi­lité sociale. Oui, les ondes peuvent servir à dénoncer. Dénoncer les injustices et ceux qui sont sans voix. Mais les ondes peuvent aussi servir à prêcher la tolérance et le vivre ensemble. Elles peuvent aussi servir à expliquer et faire un peu de pédagogie. La poubelle l’a oublié – par ignorance crasse et cupidité. C’est malheureux.

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