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La Lance de la destinee

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Par Martin Bois – La lance de la destinée, connue aussi sous le nom de Sainte lance ou lance de Longinus en raison de la croyance selon laquelle elle aurait appartenu à un soldat romain du même nom, est une relique sacrée de la chrétienté. Son histoire peu banale s’habille d’une légende tenace voulant que quiconque la possède obtienne d’éclatantes victoires sur le champ de bataille ou, mieux encore, accède à l’immortalit­é… rien de moins! Fabulation religieuse, canular médiéval ou réel objet de puissance, la lance de la destinée reste néanmoins un artefact des plus fascinants dont l’itinéraire temporel se mêle intimement à la gloire et à la chute de certaines des plus grandes figures de l’histoire.

UN SOLDAT NOMMÉ LONGINUS

Selon l’évangile apocryphe de Nicodème apparu au 4e siècle, il est fait mention que le détenteur original de la lance se nommait Gaius Cassius Longinus. La version francisée du récit le désigne comme Longin le Centurion. Dans l’évangile de Jean, bien qu’il ne soit pas nommé, il serait celui qui reçut l’ordre de Ponce Pilate, alors gouverneur romain de la Judée, de briser les tibias des crucifiés pour hâter leur mort en provoquant une asphyxie fatale. Voyant que Jésus était déjà mort, il ne lui rompit pas les jambes, mais utilisa plutôt sa lance pour s’assurer du décès. Du sang et de l’eau jaillirent alors de la blessure. Une version de la légende avance que Longin, qui souffrait de cataractes, fut éclaboussé aux yeux et recouvra la vue. C’est à ce moment précis que commença pour lui un éveil spirituel qui le mena à se convertir au christiani­sme naissant. Ce qu’il advint de sa lance à ce moment s’est perdu dans les brumes de l’histoire. On raconte qu’il quitta la vie militaire et devint un ermite. De retour en Cappadoce (Turquie), sa terre natale, Longin fut martyrisé par le gouverneur local, qui lui fit arracher la langue. Miraculeus­ement, il continua de parler et trouva même la force de fracasser les idoles païennes présentes dans la cité. Celles-ci relâchèren­t des esprits malins qui possédèren­t le gouverneur et le rendirent fou. Dans sa démence, il fit décapiter Longin. Une triste fin, mais qui ne mit pas un terme à la légende.

ERRANCES

L’histoire des pérégrinat­ions de la lance de Longinus est à la fois compliquée et pleine de rebondisse­ments historique­s qui sont souvent pimentés de comptes-rendus plus ou moins fiables. Les choses se corsent davantage puisque les croisades ont vu la multiplica­tion des copies de cette relique et que tout un chacun assure détenir la « vraie » lance. Pour mieux nous y retrouver, concentron­snous sur la plus ancienne : celle de Jérusalem.

C’est au cours du 6e siècle que l’on mentionne pour la première fois qu’une lance est vénérée dans la ville de Jérusalem. Dans le récit de son voyage en Terre sainte, le pèlerin Antoine de Plaisance écrit que la relique se trouve dans la basilique du Mont Sion en compagnie de la couronne d’épines. Il faut attendre la prise de Jérusalem par les Perses en l’an 615 après notre ère pour obtenir de nouvelles informatio­ns sur ce qu’il advient de la relique. Il est dit que la lance fut brisée en deux morceaux et

que les Perses remirent la pointe au général Nicétas, mais qu’ils emportèren­t la partie inférieure en Iran. Nicétas ramène la pointe dans la basilique Sainte-sophie à Constantin­ople (Istanbul, Turquie). Pour ce qui est du fragment inférieur, c’est l’empereur byzantin Héraclius (cousin de Nicétas) qui le récupère aux mains des Perses et le restitue à Jérusalem. Le fragment est toutefois rapatrié à Constantin­ople au 8e siècle en raison de troubles politiques en Palestine. La pointe de la lance est ensuite vendue au roi français Louis IX par l’empereur Baudoin II en 1244 et demeure en possession de la monarchie française jusqu’à la Révolution de 1789, époque où elle disparaît de la circulatio­n. Pour ce qui est du plus gros fragment, il reste à Constantin­ople jusqu’en 1453 où il tombe aux mains des Turcs qui ont mis la ville à sac. C’est le pape Innocent VIII qui le récupère en 1492 après avoir passé un accord avec le sultan ottoman Beyazid II. Il le fait enchâsser dans une niche spéciale à la basilique Saintpierr­e-de-rome où il se trouve encore aujourd’hui.

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