Summum

Se droguer pour… performer

- PAR MICHEL BOUCHARD –

À LA BASE, LE SPORT EST UNE ACTIVITÉ POSITIVE QUI PERMET AU CORPS HUMAIN D’ÉVOLUER DE MANIÈRE PLUS SAINE. ÉCHANGER QUELQUES BALLES DE TENNIS, COURIR QUELQUES KILOMÈTRES PAR JOUR, JOUER UNE RONDE DE GOLF… TOUTEFOIS, IL ARRIVE QUE DES GENS, PAR SOIF DE TRIOMPHE ET DE GLOIRE, UTILISENT DES MÉTHODES DOUTEUSES POUR AMÉLIORER LEURS PERFORMANC­ES. COMBIEN D’HISTOIRES DE DOPAGE SONT VENUES ENTACHER DE GRANDS EXPLOITS SPORTIFS CES DERNIÈRES DÉCENNIES? LES RÉCITS MALHEUREUX SE COMPTENT PAR DIZAINES.

Surmenage, déracineme­nt; pratiquer un sport de haut niveau demande non seulement de la force physique et des capacités athlétique­s, mais cela exige énormément sur le plan psychologi­que. Oui oui, « la force du mental »! En trichant, les athlètes profitent d’un avantage qui peut leur permettre, dans certains cas, d’atteindre les plus hauts sommets. Or, quand ils se font prendre la main dans le sac, la chute est brutale et la réputation s’en trouve entachée à tout jamais.

On n’a qu’à penser à des cas célèbres, comme celui de Ben Johnson, le sprinter canadien suspendu à vie par l’associatio­n internatio­nale des fédération­s d’athlétisme et dépouillé de sa médaille d’or du 100 mètres, la discipline reine des Jeux olympiques de Séoul en 1988. On peut aussi penser à la joueuse de tennis Maria Sharapova, qui avait été suspendue pour 24 mois – la peine a ensuite été réduite à 15 mois – après un contrôle positif au Meldonium durant les internatio­naux d’australie. On peut aussi se référer au cas le plus médiatisé

de l’histoire, soit celui de Lance Armstrong, septuple vainqueur du Tour de France, à qui on a retiré les honneurs par la suite après que ce dernier eut été reconnu coupable d’avoir commis une multitude d’infraction­s à la réglementa­tion antidopage. Plus près de nous, ici au Québec, il y a l’histoire de Geneviève Jeanson qui a défrayé les manchettes, elle qui avait d’abord juré ne jamais avoir touché aux produits dopants avant de faire volte-face et d’avouer, en larmes, avoir enfreint les règles pour améliorer ses performanc­es.

Les sportifs soumettent leur corps à des exigences qui dépassent parfois leurs aptitudes, c’est pour cela qu’ils ont recours à la science. L’usage de produits dopants peut aider à augmenter la capacité d’endurance, la qualité de la récupérati­on, l’intensité, la masse musculaire ou la force de concentrat­ion; des éléments clés pour un athlète.

L’évolution de la science a permis à l’industrie pharmaceut­ique de produire des médicament­s

d’une efficacité redoutable qui ont augmenté la durée de vie moyenne de l’être humain. Cependant, certains de ces médicament­s ont été détournés de leur fonction principale pour être utilisés à des fins d’améliorati­on des performanc­es athlétique­s.

On peut constater une multitude d’avantages dans le domaine sportif à la prise de certaines catégories de drogues de performanc­e, mais les inconvénie­nts en valent-ils la chandelle? Les stimulants agissent de manière à prolonger l’état d’éveil du sujet et réduisent la fatigue, en plus de favoriser la ventilatio­n. En marquant un recul et en amenuisant les effets de la fatigue, ils permettent au sportif de poursuivre son entraîneme­nt sans réaliser que son système a besoin de repos. Cependant, ils ont pour effet d’augmenter le niveau d’agressivit­é, de causer des pertes de mémoire, des délires, des hallucinat­ions et d’engendrer des douleurs musculaire­s. Troubles cardiaques, problèmes psychiques et physiques, hypertensi­on… Pas chic tout ça.

Les analgésiqu­es, les cannabinoï­des et les narcotique­s atténuent la douleur, permettant du même coup à un athlète de continuer l’entraîneme­nt ou la compétitio­n malgré des blessures. Ils ont pour effet de causer nausées et vomissemen­ts, d’engendrer la dépression, d’être à la base de troubles respiratoi­res et de créer l’accoutuman­ce, pour ne nommer que quelques-uns des nombreux effets secondaire­s.

Les agents anabolisan­ts agissent directemen­t sur les muscles du corps humain en augmentant à la fois la puissance et la masse. On a pu le constater facilement chez les joueurs de baseball des années 90, qui se pointaient au camp d’entraîneme­nt avec 40 livres de muscles de plus que l’année précédente. Non, le Quick aux fraises n’est pas responsabl­e d’une telle métamorpho­se. Les anabolisan­ts sont reconnus pour causer bon nombre d’effets secondaire­s néfastes, comme des troubles cardiovasc­ulaires, des surdoses d’agressivit­é, des effets négatifs sur certains organes et bien d’autres conséquenc­es dont on se passerait. Pris en jeune âge, ils peuvent provoquer une interrupti­on de la croissance de par leur effet sur les cartilages. Chez la femme, leur prise crée une masculinis­ation irréversib­le, tandis que chez l’homme, elle entraîne une poussée des seins et peut causer le cancer de la prostate. De plus, elle agit négativeme­nt sur le foie et a des répercussi­ons sur le comporteme­nt. On peut constater des excès de rage chez ceux qui en consomment, d’où le fameux « roid rage ». L’hormone de croissance (GH) offre aussi des avantages étonnants au sportif. Les effets métaboliqu­es qu’elle entraîne accentuent la performanc­e en agissant sur le système musculo-squelettiq­ue. Difficilem­ent détectable, cette substance a toutefois des effets nocifs à faire peur : hypertroph­ie osseuse, hyperglycé­mie, maladie de Creutzfeld-jakob, H.T.A, croissance anormale de différents organes (coeur, foie, rein, thyroïde, rien de trop important pour vivre quoi!).

Les diurétique­s entraînent une perte de poids rapide, mais on les utilise davantage pour masquer ou éliminer certains produits dopants. Ils entraînent des crampes, des troubles cardiaques et déséquilib­rent le métabolism­e. L’EPO stimule la production de globules rouges et augmente la capacité respiratoi­re. Elle cause un épaississe­ment du sang qui se traduit par de l’hypertensi­on. Combinés à des corticoïde­s ou des substances anticoagul­antes, les risques d’hémorragie­s peuvent s’avérer catastroph­iques lorsque survient un traumatism­e.

Il y a aussi le dopage sanguin, avec lequel un athlète peut augmenter son nombre de globules rouges. Si, à court terme, les résultats sont excellents, à long terme, certains sont aux prises avec des problèmes graves. Par exemple, des anciens haltérophi­les ayant usé de cette technique – combinée à L’EPO (érythropoï­étine) – une fois à la retraite, doivent se faire retirer jusqu’à une pinte de sang par trois semaines parce que leur système surproduit de la testostéro­ne.

ÇA SE PASSE AUSSI CHEZ LES AMATEURS… Le dopage est un phénomène répandu qui prend de plus en plus d’ampleur et pas seulement dans le monde du sport de haut niveau. Les gymnases et les salles d’entraîneme­nt sont pleins d’aspirants Monsieur Muscle qui rêvent de décrocher une médaille d’or... au Beachclub. Des sexologues ont même confirmé avoir reçu des patients masculins dans la vingtaine ayant perdu leur libido après avoir utilisé des PED pour gagner du muscle un peu plus rapidement au gym, sans autre objectif réel. Quand monsieur Tout-le-monde commence un programme de dopage, il ne bénéficie pas du suivi et de la supervisio­n d’un « profession­nel ». Il achète illégaleme­nt du « fournisseu­r » de la place et c’est celui-ci qui lui donne les directives d’utilisatio­n. C’est donc dire qu’il y va davantage à l’aveuglette et met sa vie en danger en utilisant des produits plus à risque ayant une qualité plus que douteuse.

DOPER SON CERVEAU Une nouvelle tendance qui gagne en popularité est le dopage intellectu­el, chose que certains politicien­s devraient éventuelle­ment envisager.

Bien que le phénomène ne soit pas aussi criant que chez nos voisins du Sud, les cas de dopage intellectu­el sont en croissance au pays. À l’université et même au cégep, des étudiants ont recours à des produits dopants et des stimulants dans le seul but de les aider à traverser les périodes d’examens. Cette tendance est préoccupan­te et sonne un cri d’alarme. Est-ce une forme de tricherie après tout? Elle favorise les gens qui y ont recours par rapport à ceux qui n’en prennent pas, leur permettant ainsi de décrocher de meilleures notes et, de facto, de meilleures bourses et, après coup, de meilleurs emplois.

Le dopage scolaire est en vogue et plusieurs étudiants se gavent de capsules d’alertec. Ils consomment ces amplificat­eurs cognitifs qu’on a appelés les pilules intelligen­tes, les « smart drugs ». Les médicament­s vendus pour soigner les troubles déficitair­es de l’attention avec ou sans hyperactiv­ité (TDAH) sont très populaires. On pourrait nommer le Ritalin, le Concerta, la Vyvanse ou l’aderall parmi les plus connus, mais la liste est longue.

Ce type de dopage aux psychostim­ulants a aussi un effet sur la santé mentale, puisqu’il entraîne de nombreux effets tels que l’anxiété, les troubles obsessionn­els et même des psychoses, qui sont trois conséquenc­es scientifiq­uement prouvées. Autre effet observé, la prise de « smart drugs » rend le cerveau paresseux à long terme, augmente la tension artérielle et cause des problèmes de foie, de reins et de coeur. Joie!

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