Summum

Mike Beaudoin et son one night raté

- PAR MIKE BEAUDOIN PHOTOGRAPH­E : SARAH DAGENAIS - WWW.SARAHDAGEN­AIS.COM

J’AI COMPRIS QUE C’ÉTAIT MAL VU DE REFUSER DE LA DOPE

Bon, tu commences à être habitué, ce mois-ci je te raconte une autre anecdote louche de ma vie. J’avais 18 ou 19 ans, j’étais revenu chez ma mère pour quelques mois, le temps qu’elle emménage dans sa nouvelle maison et que moi, je garde son appartemen­t. Un soir, je partais de la glorieuse ville d’otterburn Park, là où j’habitais, pour aller faire un show à Saint-constant. Si tu ne connais pas ces deux villes-là, je te dirais que c’est pas nécessaire d’y aller, tu risques d’être déçu.

Donc, je me rends à mon show au Bar le Danemark. Oui, je le nomme, parce que ça existe plus, y’a eu une fruiterie, une garderie, un bureau pis ça fait 14 ans de ça, fait que j’me sens en sécurité.

C’était le genre de place louche où tu pouvais voir un gars qui « sniffe » sur la tablette au-dessus de l’urinoir pendant qu’il pisse. Donc, après le show, je suis au bar, tranquille, à côté d’une super belle fille à ma droite et d’un gars à ma gauche. Je commence à discuter avec la fille et, soudaineme­nt, le gars à ma gauche me prend l’épaule pour me retourner vers lui. Il me dit : « Hey, t’as l’air d’un bon gars, j’te donne un sachet de coke pis après on baise la fille à deux. »

Bon, je sais pas si c’est parce qu’il m’a pas dit « bonjour » avant de commencer sa phrase, mais j’ai été surpris et j’ai refusé sa propositio­n. J’ai rapidement compris que c’était mal vu de refuser de la dope là-bas. Sa face est devenue rouge, ses yeux exorbitant­s et il m’a dit : « Hey p’tit cr$%? d’effronté, tu refuses de la poudre gratuite? »

Pour vrai, cette phrase-là fait aucun sens. Ça semblait aussi grave que si je venais de traiter sa mère de pute. Mais j’ai pas été « game » de faire le test, fait que j’ai juste dit : « J’apprécie, mais ça va être correct. » Il s’est rapproché de moi, nos nez se touchaient presque. Il m’a enfoncé son index dans le sternum en me disant : « Tu te laisses pas influencer, j’aime ça! Veux-tu quand même qu’on baise la fille à deux? » Calvaire! À quel moment faut que tu comprennes que ta générosité est un peu excessive? Merci pour l’offre de dope et de sexe avec une fille dont tu n’as pas demandé le consenteme­nt, mais ce soir, j’vais rester dans la légalité.

J’ai enfin repris la discussion avec la fille. On parlait de tout et de rien, puis quelques minutes plus tard, elle me dit : « J’ai pas de ‘’lift’’, peuxtu me ramener chez nous pis tu resteras si tu veux. » C’était presque trop facile. Ça semblait louche, mais le fait qu’elle ne me propose pas de drogue et que l’autre gars trop intense ne soit pas impliqué a fait pencher la balance. De Saint-constant, on devait se rendre à Châteaugua­y. En fait, c’était à Léry, mais qui n’a pas déjà menti à quelqu’un sur quelques kilomètres pour avoir un « lift », hein? Pour être honnête, j’aurais été la reconduire à Québec si elle avait habité là. À 19 ans, quand t’es célibatair­e et qu’une fille te propose de rester chez elle en fin de soirée, c’est pas trois heures de char qui vont te décourager.

Après avoir fait beaucoup trop de route à mon goût et m’être dit plusieurs fois : « C’est sûr que c’t’un piège pis que je meurs ici ce soir », on est finalement arrivés devant un duplex sur le point de s’effondrer. Je l’ai suivi jusqu’au deuxième étage en montant les petits escaliers de métal qui tremblaien­t à chacun de nos pas. On est entrés et elle m’a dit : « Va sur le divan, j’arrive. » Elle est revenue avec un album photo. Oui, un album photo, c’est fou hein? Si t’as pas connu cette époquelà, t’es peut-être trop jeune pour lire le SUMMUM; va faire dodo.

Elle s’assoit à côté de moi, me donne l’album et je l’ouvre. Page après page après page, c’était des photos d’elle, nue, nue sur une scène, dans un lit, en train de faire des fellations à d’autres gars, ainsi de suite… pendant 50 photos. Elle était super à l’aise en me disant : « Je suis danseuse et je fais de la porn, c’est des photos de moi au travail. » Bonnnnnn… c’est « nice » ça. Je savais pas trop quoi dire, mais elle a juste pris ma main en disant : « Viens, on va se coucher. »

On s’est déshabillé­s, embrassés, caressés et elle m’a dit : « Je suis brûlée, j’veux dormir, colle-toi sur moi. » À quel point la soirée peut être plus bizarre que ça? J’étais loin de chez nous en cuillère, complèteme­nt bandé, dans le lit d’une fille qui venait de me montrer des photos d’elle en train de manger des pénis. Calvaire que ma vie est « weird ». C’est là que son téléphone s’est mis à sonner sans arrêt. Quand elle a décroché, elle n’a même pas eu le temps de dire « Allô » qu’une voix à l’autre bout du fil a hurlé : « C’EST QUI LE GARS QUI EST CHEZ VOUS TABA$%?&!? »

Là, j’ai eu peur pour deux raisons. Premièreme­nt, y’a un gars vraiment pas content qui sait que je suis avec elle et, deuxièmeme­nt, je suis tout nu. Personne peut se défendre tout nu, t’es pas à l’aise, j’ai besoin d’au moins des bobettes pis des bas, mais là y fait noir et j’veux pas me faire péter la gueule pis être inconscien­t nu dans un duplex B.S. et finir dans son album de photos de porn. Bref, je suis dans la chambre à me rhabiller à la vitesse de l’éclair et elle lui dit : « Non, j’ai rien fait, il s’en va, laisse-le partir, fais-lui pas mal s’il te plaît. »

Et elle a raccroché. Comme si c’était pour me rassurer, elle m’a dit : « Fais-toi s’en pas, il est un peu violent, mais il ne va rien te faire. » Wow merci, t’as raison ça m’aide beaucoup et je vais partir pas mal moins stressé. J’ai pris mes affaires et j’suis parti en courant. J’ai même pas souvenir d’avoir touché les escaliers. Je pense que j’ai descendu en rappel direct du balcon. J’ai pris ma Civic 89 et j’étais tellement nerveux que j’ai pas regardé dans quelle direction j’allais, incapable de me rappeler le chemin ou de me souvenir par où j’étais arrivé.

J’avais pas de GPS, pas de carte, fait que j’ai roulé au hasard pendant longtemps, jusqu’à ce que je décide d’aller demander au commis d’un dépanneur comment revenir chez nous. Il m’a répondu : « Dude, t’es vraiment loin. Ici, c’est Valleyfiel­d. » Il était 4 h du matin, j’avais roulé dans la mauvaise direction pendant une bonne heure et j’étais maintenant à environ 1 h 45 de chez nous. J’suis arrivé à 6 h du matin.

Ma mère prenait son café, relaxe, avec sa petite face de maman qui me regardait en me disant : « Bon matin mon grand, tu arrives tard, c’est-tu à cause d’une fille ça? » J’étais brûlé, j’avais pas envie de discuter, mais je lui ai dit : « J’suis allé faire un show, quelqu’un m’a offert agressivem­ent de la cocaïne et un trip à trois, j’ai ‘’lifté’’ une fille en pensant coucher avec, elle m’a montré un album photo digne d’un film porno, j’ai pas eu de sexe pis son chum voulait m’arracher la tête. »

Elle m’a pris le visage entre ses mains, m’a regardé dans les yeux et m’a dit : « Hey boy, tu manques de pratique. Au moins t’as essayé fort, lâche pas mon grand. »

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