Summum

Free to play versus Pay to win

TROIS UNIVERS INCOMPATIB­LES

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Novembre 2017, les joueurs attendent Star Wars Battlefron­t 2 de pied ferme. Il faut dire que le jeu bénéficie d’un mode histoire assez intéressan­t, mais propose surtout un excellent PVP dans l’univers éponyme. Et là c’est le drame! Les lootboxes permettent de débloquer de nouvelles habiletés via des cartes que l’on gagne, tandis que les doublons deviennent de l’argent permettant de débloquer ces habiletés. Et, bien sûr, ces lootboxes sont payantes. On peut bien en obtenir gratuiteme­nt en jouant normalemen­t et progresser vite, mais il nous a fallu pour cela nous maintenir parmi les meilleurs joueurs de chaque partie. Devant la grogne, Electronic Arts a vite fait marche arrière et instauré depuis un excellent système de progressio­n qui demande juste de jouer. Mais le mal était fait et le jeu n’a pas connu les ventes escomptées, malgré ses grandes qualités.

Popularisé sur cellulaire, le Free to play – que l’on peut assimiler à du Pay to win – a vite conquis les éditeurs. On diffuse un jeu gratuiteme­nt, au hasard Candy Crush. Et on limite les vies afin de pousser à en acheter puisque c’est le seul moyen pour continuer à jouer sans attendre quelques heures. Si le jeu est réussi et vous rend accro, c’est le jackpot pour l’éditeur. Et ça peut rapporter gros. En 2014, son éditeur, King, empochait 1,5 million $ par jour. L’année d’après, son chiffre d’affaires était monté à 500 millions par trimestre, soit 2 milliards $ dans l’année pour un seul jeu. Pourtant, dans la réalité, seule une petite partie des joueurs, environ 3 %, dépense réellement des sommes parfois en dizaine de milliers de dollars par trimestre. Mais si l’on prend le 20 % qui dépense le plus, ils représente­nt 90 % des revenus de contenu payant.

POURQUOI CE MASSACRE? La monétisati­on dans les jeux est un domaine récent et peu de personnes le connaissen­t réellement. En fait, plusieurs se sont même autoprocla­més experts et l’on a vu fleurir des conférence­s où ils dispensaie­nt la bonne parole dans les évènements. Je vous rapporte ici les propos d’employés d’eidos qui avaient assisté à l’une de ces conférence­s et en étaient sortis dépités : « Le gars nous a dit : ‘’Achetez une grosse licence et développez rapidement un jeu autour.’’ Pour lui, le contenu n’avait pas

PAR ALEXIS LE MAREC – PAYER POUR GAGNER, DERRIÈRE DE NOMBREUX JEUX GRATUITS ET MÊME PAYANTS SE RETROUVE CE CONCEPT HONNI DES JOUEURS. QUAND LES STUDIOS VONT TROP LOIN…

d’importance, ‘’c’est une licence, ça va rapporter’’. On lui parlait du respect des joueurs, qu’ils s’en rendraient compte, mais il restait ancré dans son idée. On est vite partis. »

Ce genre d’attitude a déjà sévi dans la musique à partir des années 90 avec ses producteur­s. Le jeu vidéo connaît aussi ses charlatans attirés par l’appât du gain uniquement, sauf qu’au lieu de produire un énième « boys band » un groupe formé à la va-vite, ils peuvent désormais choisir la stratégie de monétisati­on d’un jeu. Alors bien sûr, il y a un éditeur qui approuve. Mais il faut prendre en compte d’autres facteurs. La monétisati­on, ça rapporte! Activision a touché 3,5 milliards en 2016 rien qu’avec le contenu monétisé. Les actionnair­es exigent également des dividendes toujours plus élevés. Il y a de plus en plus de joueurs, certes, mais il y a aussi de plus en plus de jeux, et les MMO se bousculent et monopolise­nt du temps. Et d’un autre côté, on a des gens qui viennent vous voir et vous disent : « Je suis expert et je vais régler vos problèmes. » Et comme nous sommes dans un système nord-américain où l’on peut facilement faire confiance à quelqu’un qui sait, c’est comme ça qu’arrivent les accidents.

Si les joueurs sur cellulaire­s sont considérés comme des vaches à lait, y compris par les joueurs console et PC, les éditeurs aimeraient bien que ces derniers soient aussi dociles. Manque de chance, ils paient déjà 100 $ avec les taxes pour un seul jeu, ce n’est pas pour l’intoxiquer avec du Pay to win. Finalement, la solution a été toute trouvée sur Fortnite et League of Legend : faire payer le cosmétique supplément­aire! C’est loyal, il n’y a pas d’avantages de niveau, et ça peut se débloquer dans les jeux payants en jouant normalemen­t. Plusieurs jeux de type MMO ont emboîté le pas et ça marche! Destiny 2 possède un cosmétique assez honnête, même chose pour R6 Siege ou The Division. Finalement, le Free to play demeure sur cellulaire ou sur des jeux de type Hearthston­e parce que c’est un modèle, mais en ce qui concerne les jeux payants, les éditeurs semblent avoir enfin compris.

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