L’argent fait-il vraiment le bonheur?
PAR MICHEL BOUCHARD – SI VOUS NE LE SAVEZ PAS DÉJÀ, LA SURPRISE RISQUE D’ÊTRE GRANDE : LES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU GAGNENT BEAUCOUP D’ARGENT. C’EST TOUT UN CHOC, AVOUEZ? ON PARLE ICI DE SOMMES ASTRONOMIQUES. DES MASSES ET DES MASSES DE BILLETS VERTS. TOUTEFOIS, ILS NE SONT PAS LES SEULS À EMPOCHER LE PACTOLE DANS LE MERVEILLEUX MONDE DU SPORT, CAR LA LOGIQUE NE MENT PAS : SI DES PROPRIÉTAIRES DE CONCESSIONS SPORTIVES ACCEPTENT DE VERSER DE TELS SALAIRES, C’EST PARCE QU’EN RETOUR, EUX-MÊMES ENGRANGENT LES BEAUX BIDOUS.
LE SPORT, EN PRINCIPE, PRÔNE DE BONNES VALEURS : LA TOLÉRANCE, LE RESPECT, L’HONNÊTETÉ, L’ESPRIT D’ÉQUIPE, LA SOLIDARITÉ, LA COOPÉRATION, L’HONNEUR, LE COURAGE... ON CROIRAIT PRESQUE ENTENDRE LA VOIX DE DAN BIGRAS DANS UNE ANNONCE DE RAM. TOUJOURS EST-IL QUE LE SPORT PRÊCHE DES PRINCIPES DE VIE NOBLES QUI PEUVENT S’APPLIQUER À TOUT LE MONDE AU QUOTIDIEN.
À FORCE D’IMPLIQUER DES SOMMES COLOSSALES, SOUS L’OEIL AVIDE DE REQUINS AFFAMÉS ET DE GENS AVEC BIEN PEU DE SCRUPULES, IL EST ÉVIDENT QU’EN FIN DE COMPTE, CERTAINS FRANCHISSENT UNE LIGNE INTERDITE POUR S’ASSURER ENCORE PLUS D’ARGENT. C’EST LÀ QUE LES VALEURS DU SPORT PEUVENT S’EN TROUVER BAFOUÉES. Serge Vallières, directeur chez TACT Intelligence-conseil et cofondateur de Marquefinale.com, un blogue dédié au marketing sportif et aux affaires dans l’univers du sport, explique : « Sans dire que l’argent bafoue les valeurs, on peut dire qu’il y a extrêmement d’argent dans le sport. Pas seulement quant aux salaires et aux commandites, mais si on regarde sur le plan des concessions sportives, on parle de milliards de dollars. Suffit de consulter la liste annuelle émise par Forbes pour le constater. Si on combine les 50 équipes professionnelles listées dans le palmarès, on parle de 137 milliards $ US en valeur estimée. C’est gigantesque. À eux seuls, les Cowboys de Dallas ont une valeur qui oscille autour de 4,8 milliards $ US. »
Si les clubs de la LNH font figure d’enfant pauvre au sein du groupe des quatre circuits majeurs en Amérique du Nord, ils arrivent à classer quelques équipes dans le palmarès de Forbes (les Rangers arrivent en premier avec une valeur atteignant 1,55 milliard $ US, devant les Maple Leafs de Toronto à 1,35 milliard $
et les Canadiens de Montréal à 1,3 milliard $). Les sommes demeurent astronomiques et le circuit Bettman engrange tout de même des revenus qui naviguent dans des eaux qui avoisinent les 5 milliards $ US, ce n’est pas rien quand on se rend compte que des millions de Québécois disent oui à l’extra pour 2 $ en rêvant de gagner 100 000 $...
Récemment, la LNH a octroyé une nouvelle concession à la ville de Seattle. Ainsi, pour joindre la Ligue, c’est un montant de 660 millions qui a dû être déboursé. « Et à cette somme, on doit ajouter plus de 700 millions pour mettre à jour l’aréna de la ville. C’est donc une somme de 1,4 milliard qui doit être défrayée. C’est un étrange paradoxe quand on pense que les Coyotes de Phoenix sont évalués à 290 millions $ et les Panthers de la Floride peinent à atteindre les 300 millions $ », ajoute Serge Vallières.
IL N’YA PAS QUE LE SALAIRE… Les athlètes ne font pas que récolter leur salaire, ils arrivent à monnayer leur notoriété en associant leur nom à des marques et en participant à diverses activités. « C’est aussi sur cet aspect que le marketing se positionne. D’ailleurs, le sport est un générateur d’émotions, la publicité table beaucoup là-dessus. Avec les technologies de l’information disponibles aujourd’hui, le sport reste l’une des seules diffusions visuelles à ne pas subir les contrecoups de la télé sur demande. On doit regarder l’évènement en direct pour vivre l’émotion à son maximum. Ceci dit, le nouveau service de diffusion en ligne DAZN est en train de révolutionner le modèle des évènements sportifs sur demande », précise l’expert en marketing.
LE PARADOXE ENTRE LE SPORT PROFESSIONNEL ET AMATEUR Parfois, un athlète qui s’apprête à joindre la cour des grands et qui n’a pas encore pris part à un seul match paraphe un contrat monstre, mais un athlète amateur ne peut pas s’en remettre à des performances anticipées, il doit être au sommet pour toucher des montants appréciables. « Tandis que dans le sport professionnel on offre des millions de dollars à des jeunes en perspective de ce qu’ils sont appelés à réaliser, l’amateur doit récolter des peccadilles. Au Canada, une médaille d’or permet à un athlète de toucher 20 000 $, ce qui ne paie même pas les coûts d’entraînement et de participation aux différentes coupes du monde au cours d’une seule année de calendrier », illustre le stratège.
La NCAA a souvent été pointée du doigt pour sa propension à dénaturer les valeurs du sport. Par exemple, les jeunes qui n’ont techniquement pas droit d’être payés pour jouer au football dans le réseau collégial américain touchent des sommes cachées. Les universités trichent leurs propres règles pour assurer les services de certains athlètes. « Il ne faut pas oublier que le football universitaire permet de générer des montants faramineux aux universités grâce, entre autres choses, à des assistances monstres. Par exemple, le stade de UCLA contient plus de 100 000 sièges qui se remplissent au maximum de capacité lorsque l’équipe joue. »
SI ON COMBINE LES 50 ÉQUIPES PROFESSIONNELLES LISTÉES DANS LE PALMARÈS, ON PARLE DE 137 MILLIARDS $ US EN VALEUR ESTIMÉE
DES ATHLÈTES RICHES COMME CRÉSUS Il n’y a pas que dans les sports d’équipe où on peut retrouver des fortunes astronomiques, puisque des joueurs de tennis, des pilotes automobiles, des spécialistes des arts martiaux mixtes et des golfeurs trempent aussi dans la manne. C’est également le cas en boxe. « Le pugiliste Canelo Alvarez a récemment paraphé une entente historique avec DAZN, le service de diffusion en ligne spécialisé en sports. ‘’Historique’’ est pratiquement un euphémisme, lui qui touchera 365 millions $ à la fin d’une entente prévue pour 11 combats. Tous sports confondus, c’est le plus lucratif contrat signé par un athlète professionnel. »
À Montréal, l’athlète le mieux payé est évidemment Carey Price, le gardien de but des Canadiens. Le cerbère du Tricolore a paraphé l’an dernier un contrat de 8 ans qui lui assure un revenu total de 84 millions $ US, dont près de 53 millions $ seront versés au cours des 4 premières saisons du pacte. Toutefois, ce contrat n’est pas venu sans un lot de critiques acerbes à son endroit, vieille mentalité judéo-chrétienne typique aux Québécois, hélas.
QUAND LES PARENTS S’EN MÊLENT… Au Canada, le hockey demeure encore et toujours le sport par excellence et de nombreux jeunes joueurs rêvent d’accéder à la meilleure ligue au monde. Certains talents exceptionnels finissent par arriver à leurs fins, mais la très vaste majorité voit le parcours prendre fin prématurément pour diverses raisons.
Pour les autres, la minorité qui finit par vivre son rêve, une carrière dans le meilleur circuit de hockey professionnel au monde signifie beaucoup d’argent. La perspective d’engranger autant de dollars trotte-t-elle dans la tête de ces jeunes athlètes? Il semble que la chose soit plutôt rare. À cet égard, un agent de joueurs, qui a préféré ne pas être nommé, explique : « Les jeunes joueurs qui sont destinés à une carrière dans la LNH ne pensent pas trop aux billets; c’est jouer au hockey qui est leur principale préoccupation. Toutefois, les parents eux, y pensent inlassablement. Des parents de joueurs voient même parfois leur fils comme une retraite anticipée pour eux. C’est souvent problématique dans ces cas. Les parents imaginent des scénarios et font des demandes irréfléchies. Quand ils parlent de la « carrière » de leur progéniture en disant : ‘’Nous allons signer si…’’, ils s’immiscent dans des domaines qu’ils ne connaissent pas et causent plus de tort que de bien en étant omniprésents. »
DES TRANSFERTS FARAMINEUX Au soccer, les joueurs ne sont pas échangés contre d’autres joueurs comme on le voit dans différents circuits majeurs en Amérique. Dans ce sport, on peut littéralement acheter un joueur à coups de dizaines et même de centaines de millions.
Ainsi, Manchester United a déboursé 85 millions d’euros pour s’assurer les services de Romelu Lukaku. Gonzalo Higuain est passé à Juventus moyennant une somme de 90 millions d’euros. Quand Christiano Ronaldo a quitté pour le Real Madrid, l’équipe a offert 94 millions d’euros... tandis que le passage de Gareth Bale de Tottenham au Real Madrid a coûté la somme de 100 millions d’euros. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg. Paul Pogba a coûté 120 millions d’euros (de Juventus à Man-u), Ousmane Dembélé et Philippe Coutinho ont coûté respectivement 145 et 160 millions d’euros au FC Barcelone. Pour s’assurer les services de Kylian Mbappé de L’AS Monaco, le Paris Saint Germain a sorti 180 millions d’euros des coffres. Quant à Neymar, si son transfert de Santos au FC Barcelone avait marqué les esprits en nécessitant à l’époque près de 100 millions d’euros, l’équipe a su bien monnayer l’athlète en le refilant au PSG pour 222 millions d’euros; c’est dément.