Summum

TÉMOIGNAGE­S

-

KARINE LUCAS

Il y a un peu plus de 10 ans, Karine Lucas, victime de violence conjugale pendant des années et récemment séparée, voit son ex-conjoint hystérique faire irruption chez elle par la portepatio, armé d’un marteau. « Il est arrivé en disant qu’il était là pour me tuer. Si les policiers n’étaient pas intervenus rapidement, je ne serais plus de ce monde… » L’attaque vicieuse dont elle a été victime, devant ses filles, lui a laissé des fractures et une commotion cérébrale, mais également un choc post-traumatiqu­e. Si l’histoire a fait couler passableme­nt d’encre, le sensationn­alisme de la chose oblige, Karine Lucas trouve triste qu’on s’en tienne uniquement à cet épisode d’un fou furieux violent et non aux répercussi­ons pour les victimes une fois la poussière retombée. « J’ai vécu beaucoup de problèmes avec le choc post-traumatiqu­e qui en découle. Encore aujourd’hui, je dois faire beaucoup d’efforts pour ne pas laisser les symptômes détruire ma qualité de vie au quotidien. » Des réflexes nouveaux sont apparus dans son comporteme­nt. « Je suis toujours prête à me défendre, je suis constammen­t sur mes gardes. […] Ma patience aussi n’est plus ce qu’elle était, je suis irritable, ce qui n’était pas le cas avant l’évènement. J’ai eu des problèmes sur le plan physique et également musculaire. Je suis incapable de me retrouver de dos à l’entrée, loin de la porte dans un restaurant; ça m’amène un inconfort automatiqu­ement. Il me faut absolument voir l’entrée. » Outre les réflexes, Karine Lucas a aussi des répercussi­ons qui deviennent parfois handicapan­tes. « Ma mémoire en a pris un coup, il m’a fallu deux années pour me réadapter, alors que mon problème à ce titre était qualifié de sévère. Je suis parfois dysphasiqu­e, je perds mes mots et je peux même momentaném­ent confondre une lumière de circulatio­n verte d’une lumière de circulatio­n rouge. J’ai aussi des trous de mémoire parfois, je peux poser la même question à de nombreuses reprises sans m’en rendre compte. » Avec des thérapies, elle a aujourd’hui moins peur de faire des choses aussi banales que marcher dans la rue… « J’ai eu à faire un deuil de la Karine que j’étais. C’est un cheminemen­t difficile. Je peux me retrouver devant mon micro-ondes et ne plus savoir comment il fonctionne, c’est presque ridicule. Dans les premiers temps, j’avais de la difficulté à dormir et je refusais de prendre de la médication. Je me disais qu’ayant des enfants, je devais absolument avoir toutes mes facultés pour défendre mes filles et moi-même. D’ailleurs, mes filles aussi sont aux prises avec des problèmes liés à L’ESPT. On peut affirmer que j’ai développé un TDAH sévère que je n’avais pas avant. »

STÉPHANE VÉZINA

Dans les forces armées pendant près de 25 ans, Stéphane Vézina a vu et vécu les effets de la guerre et ses répercussi­ons. S’il a participé à une mission comme casque bleu pendant six mois en Haïti, c’est surtout son passage sur le champ de bataille, en Afghanista­n, qui a laissé de nombreuses séquelles. « Je suis atteint D’ESPT depuis le milieu de mon tour en Afghanista­n, en 2008. J’ai été prédiagnos­tiqué et j’ai été officielle­ment diagnostiq­ué une fois de retour, en 2011. Déjà en 1996, j’ai été exposé à une quantité innombrabl­e de cadavres, en Haïti, alors que j’étais assigné aux enquêtes préliminai­res sur les cas d’homicides et, plus tard, en Afghanista­n, où l’intensité des combats est d’une ampleur difficile à imaginer pour un civil au Québec. » Pour Stéphane Vézina, il était impensable de continuer ainsi. « J’ai dû quitter l’armée parce qu’ils m’ont libéré, en 2018, pour des raisons médicales, mais, de toute façon, je n’étais plus capable de continuer. En revenant d’afghanista­n, je pense que j’ai erré en zombie pendant deux années entières. Mes proches ne me reconnaiss­aient plus, ils avaient perdu le Stéphane qu’ils connaissai­ent depuis toujours. » Stéphane Vézina a beaucoup travaillé sur lui et a enchaîné les thérapies pour s’en sortir, mais il reste encore des séquelles et des situations problémati­ques, car plus le stress du quotidien est intense, plus les symptômes s’accentuent. « Il y a des hauts et des bas. […] Mon état fait en sorte que si quelqu’un tente de me jouer un tour en voulant se cacher et sortir pour que je fasse un saut, il risque de le regretter. C’est là que mes réflexes d’autodéfens­e embarquent, explique celui qui a récemment effectué un retour aux études supérieure­s, chose qui aurait été impensable il n’y a pas si longtemps. Le stress engendre en moi du bruxisme, c’est-à-dire que je grince les dents jusqu’à les user. Je fais parfois des cauchemars et mon corps se crispe, mes membres se contracten­t et je me retrouve avec un épuisement sur le plan musculaire au réveil. »

Newspapers in French

Newspapers from Canada