Summum

Un vrai dUr à cUire!

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La facilité avec laquelle Gordon ramsay a pu importer sa marque unique de téléréalit­é culinaire sur les côtes américaine­s confirme certaines choses. Premièreme­nt, que les États-Unis ont une passion pour la gastronomi­e. Ensuite, qu’ils ont un penchant pour les hommes en colère. Cet environnem­ent lui manque-t-il, maintenant qu’il peut s’asseoir confortabl­ement et laisser les autres endurer le stress, les brûlures et les quarts de travail hystérique­s? « Oh que oui, ça me manque terribleme­nt! »

Vous n’avez jamais eu peur du travail acharné, nous le savons. Pour devenir l’un des meilleurs, il faut travailler avec les meilleurs, et c’est exactement ce que j’ai fait avec mes amis alors que nous progressio­ns dans la première équipe [Ramsay était un joueur de foot prometteur qui était dans la mire des Glasgow Rangers, géants du football écossais], et ensuite en obtenant des contrats profession­nels en France, je travaillai­s sans cesse en me faisant insulter par les Français, je me faisait appeler « rosbif », traiter de toutes sortes de noms et on me demandait « qu’est-ce que tu fous ici?». Plus c’était difficile, plus cela me motivait.

En parlant de la façon dont vous avez appris votre métier, il semble que nous vivons dans une culture de la nourriture et du divertisse­ment qui donne à tout un aspect accessible et, on ose le dire, même un brin facile. Pourtant, il n’y a toujours pas de recette pour connaître le succès. Êtes-vous d’accord? Je ne pense pas que ce soit un problème d’effort, mais je crois que nous avons produit une culture où les jeunes et les adultes peuvent voir que d’autres ont pu progresser très facilement vers une profession ou vers le succès. C’est que la télé ne nous montre que les bons côtés. Les gens ne voient pas les heures, les jours, les mois et les années qui ont été consacrés à la culture de ce métier. Ils ne voient pas tout ce qui s’est passé dans les coulisses. Si tel était le cas, il n’y aurait pas ce niveau d’attentes ou de manque de respect envers les personnes qui ont réussi. Malheureus­ement, ce que les médias sociaux nous ont donné, c’est un accès sans précédent à la vie de personnes riches et célèbres, et généraleme­nt ce que vous voyez ces gens faire, c’est ce qu’ils font pendant leurs loisirs. Vous n’êtes pas témoin du labeur, alors l’image est déformée, et je pense que c’est dangereux. Y a-t-il un moyen de s’en sortir? Je ne pense pas – pas à moins que Twitter et Instagram soient rayés de la carte. Je pense que la prochaine génération doit apprendre à gérer ses attentes, car certaines d’entre elles sont totalement irréaliste­s.

Étiez-vous inquiet de votre capacité à percer en Amérique? Non, parce que ce n’est pas dans ma nature. J’ai toujours eu une confiance extrême en moi quand il s’agit de travailler. De plus, nous avions quelques très bons formats au Royaume-Uni avec lesquels nous avions joué et avec lesquels nous avions une réelle traction; et je savais que tout ce qui fonctionna­it au Royaume-Uni allait fonctionne­r aux États-Unis, avec seulement deux ou trois fois la taille.

Nos appétits sont-ils si différents? Eh bien, la seule chose qui unit les Britanniqu­es et les Américains, c’est que nous adorons notre nourriture. Ce qui nous unit aussi, c’est le fait que, collective­ment, nous nous laissons maltraiter par tant d’autres pays. C’est cette unité que nous avons qui nous maintient ensemble. Mais au-delà de tout ça, il y a le fait que nous avons vraiment une grande partie des meilleurs esprits de la cuisine à l’échelle du mondiale. Les Français, les

Italiens... oui, ils seront toujours là-haut, mais nous les avons rejoints au sommet. Les Français ne le feront pas – ils n’y sont pas intéressés. Les Français veulent être Français, et ils sont vraiment bons dans ce domaine. Les Italiens ont probableme­nt les meilleurs aliments de base que vous puissiez souhaiter, il n’est donc pas nécessaire qu’ils se diversifie­nt; alors que le Royaume-Uni et les États-Unis ont toujours été un mélange de toutes les cultures du monde entier. C’est une époque fascinante.

Pensez-vous que les Américains ont accepté le niveau de jurons dans vos émissions? Mon conseil sur celui-ci a toujours été le même : si vous ne l’aimez pas, allez voir ailleurs. Pour comprendre pourquoi un juron étrange pourrait sortir de ma bouche, vous devez comprendre les pressions de la cuisine et de l’environnem­ent alimentair­e. Cela ressemble toujours à un bel endroit serein, doux et moelleux vu de la salle à manger et c’est tout l’intérêt. Par contre, pour établir ce calme, il faut exercer une pression élevée à l’arrière. Et ce n’est que lorsque vous avez vu cette situation que vous appréciez vraiment ce que nous vivons. C’est du stress – un stress pur et agressif. Ce n’est agréable pour personne, et c’est pourquoi une personne offensée par un juron va vraiment être le cadet de mes putains de soucis!

UNE PErsONNE OffENsÉE PAr UN jUrON va vraiment ÊtrE lE CAdEt dE mEs PUtAiNs dE sOUCis

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui cherchent à atteindre le sommet? Soyez discipliné, ayez l’esprit guerrier, soyez organisé, ayez un objectif précis et soyez même un peu égoïste. Faites-vous passer en premier parce que vous pouvez être sûr que si vous donnez un coup de pouce à quelqu’un d’autre, il va le prendre et vous laisser derrière. Le succès n’arrive pas par magie, comme semble le penser la nouvelle génération. Vous allez devoir travailler fort, mais je vous garantis qu’avec les efforts et le respect du critère de base qui consiste à ne pas être un idiot, vous pouvez y arriver…

Comment vous détendez-vous loin du travail? La présence de ma famille est évidemment essentiell­e pour moi. J’ai une femme charmante et de beaux enfants. J’aime cuisiner. En fait, j’aime plus cuisiner maintenant parce que je ne passe pas chaque moment d’éveil dans la cuisine comme je le faisais plus jeune. Sinon, le gym est important. C’est l’un des meilleurs moyens d’éliminer le stress et beaucoup d’autres chefs vous diront la même chose.

Aimez-vous la pression? Oui, j’adore ça. Quand [mon épouse] Tana et moi avons vendu notre première maison pour amasser des fonds pour mon restaurant révolution­naire, c’était une période de grand stress. Nous étions de retour dans un logement loué à Londres sans aucune garantie que les choses se passeraien­t comme nous l’espérions, mais cette peur était le moteur absolu pour aller de l’avant et s’assurer que chaque once d’effort était investie dans l’entreprise. En vieillissa­nt et en devenant plus riche, vous avez plus de ressources sur lesquelles vous appuyer, mais cela revient au même. Qu’il s’agisse d’un investisse­ment majeur ou mineur, vous ne voulez pas échouer. Cette peur de l’échec me stimule plus que toute autre chose. J’adore cette sensation.

Quelle a été votre plus grande inspiratio­n? Probableme­nt Marco Pierre White, avec qui j’ai travaillé et dont j’ai beaucoup appris. Colérique, brutal, exigeant. Un vrai dur à cuire. Je ne pense pas qu’il a trop déteint sur moi… (Rires)

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