Blanc comme la mort
Spectateur de la mort de son oncle sur la potence de L’Orignal, Raoul Sanschagrins s’y retrouvera à son tour des décennies plus tard, une histoire de manigances au coeur La derniere pendaison. de la pièce
La cour était bondée le week-end dernier à l’ancienne prison de L’Orignal, pour les premières représentations de la pièce La dernière pendaison de la troupe des Non- coupables.
Le procès pour meurtre de William Larocque et Emmanuel Lavictoire et leur chute a marqué la région dans les années 1930 et la pièce dresse un portrait réaliste de la période de la Grande dépression, où le petit peuple devait parfois brûler la chandelle par les deux bouts pour espérer voir la lumière au bout du tunnel.
Par respect, William Larocque est devenu un Sanschagrins dans la pièce et Lavictoire a pris le nom de Ledoux, car la mort n’est en aucun cas une victoire, et ce, des deux côtés de la balance.
Raoul Sanschagrins, campé par Guy Rouleau, était un fermier qui aimait envoyer paître les grosses poches, au moment où les siennes étaient vides et
pleines de trous. Son acolyte, travaillant, mais pas trop futé, interprété par Gilles Bélanger, n’était pas chaud à l’idée des manigances d’assurances, mais l’appât du gain était appétissant pour Roméo, qui s’est fait chanter la pomme par Raoul.
Malgré les rumeurs d’un meurtre glacial dans le coin de Masson, pour empocher l’argent du courtier, Sanschagrins a repéré une autre possible victime, un bourge sans trop d’attaches dont la mort pourrait passer inaperçue et demeurer sans soupçon. Il croyait son plan sans faille, mais la mort de Léo Bergeron (Jean Cuillerier), travailleur à la casquette avec un coeur aussi grand que sa naïveté, a plutôt fait les manchettes et c’est avec hargne et chagrin que Raoul et Ledoux se sont retrouvés derrière les barreaux.
Dans leurs dédales, les deux hommes ont pris une fourche de trop, qui les a menés au banc des accusés. Au théâtre, la tension est rendue avec humour et une bonne dose de réalité. Les Non-coupables ne sont pas tombés dans le piège de la nostalgie et ce qui rend la pièce bien réelle, ce sont les personnages de soutien. La femme de Raoul (Manon A. Rouleau), l’inspecteur Stringer (André Tessier), le pauvre Léo et les témoins au procès dressent un portrait sombre d’une société en tourment, où la fine ligne entre le bien et le mal s’était effacée avec les sécheresses naturelles et monétaires.
Les spectateurs comprennent vite que Sanschagrin et Ledoux ne sont pas les seuls avec la corde au cou, pour le meilleur et pour le pire. Peu importe le verdict, les accusés traînent toujours un linceul blanc comme la mort et les textes des accusés, lorsqu’ils se disent leurs quatre vérités à eux-mêmes, sont poignants et révélateurs. Du fermier signant un pacte avec le diable, au bord du gouffre financier, au courtier d’assurances pour qui les réponses n’importent peu,
La dernière pendaison est une oeuvre sans masque, qui rappelle que le crime est aussi l’affaire des petites gens, et non pas juste celle des dirigeants.
Mais dépendamment du raconteur, la justice prend plusieurs visages. Tous connaissent la fin de l’histoire, mais les
spectateurs reviennent année après année pour revivre cette chute sans pardon.
La troupe continue son travail d’histoire et de justice avec des représentations les samedis et dimanches de juin. Les profits de la vente de billets seront remis à des organismes de la région.