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Prologue Il suffit d’un brin d’humour

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L’idée n’est pas de susciter un débat sur le thème « Masochisme et vélo, un mariage de raison », mais participer à la Rasputitsa Spring Classic pourrait tout à fait entamer la conversati­on… La forte connotatio­n russe époque Brejnev est loin d’être anodine. Juste à prononcer le nom de cet épique rendez-vous cycliste, on sait à quoi s’en tenir. Quand on note en plus qu’on peut le traduire par « saison de la boue », il n’y a plus de doute possible.

Sébastien Beauvais, mon camarade de jeu dans cette aventure, s’y est pris longtemps à l’avance pour me convaincre de m’inscrire. Nous roulerons ensemble des Cannondale Slate, le gravel bike atypique de la compagnie états-unienne.

Arrivés la veille sous la pluie et dans la brume, nous nous habillons chaudement en prévision d’une météo rasputitsi­enne (comprendre 3 °C au départ, 5 °C au maximum, et de la flotte toute la journée). Je ronchonne intérieure­ment, me demandant dans quelle galère je me suis embarqué.

Sur le site de départ, l’ambiance est plutôt joyeuse. Les 1000 inscriptio­ns sont complétées depuis un bon moment, et il semblerait que la météo de chnoute n’ait fait peur à personne. Je fais le tour, curieux de découvrir la monture idéale pour le parcours qui nous attend, un 60 km comportant un peu plus de 1200 m de dénivelé positif, des bouts à 17 %, de la gravelle en masse, et un court 5 km joliment baptisé Cyberia (Sibérie) qui nous fait craindre le pire. Ma tournée ne m’apprend rien, car il n’y a pas un vélo pareil : route, montagne double ou simple suspension avec roues 26, 27.5 ou 29 po, gravel bike, fat bike, tandem et même quelques « faits maison » difficiles à classer. Un vrai royaume de la diversité qui change de l’uniformité des vélos de certaines rencontres sportives.

Il existe cependant un consensus dans la bonne humeur qui règne malgré la fraîcheur ambiante. Tout le monde a l’air bien content d’être là, et chacun file à son rythme dès le départ donné. Le parcours sera effectivem­ent épique. Après les cadors qui se battent devant, les rouleurs font leur petit bonhomme de chemin. Plusieurs éléments font que la course à sauce rasputitsa fonctionne. Le premier est sans aucun doute l’humour : au fil du parcours, des affiches héritées de l’ère post-Brejnev viennent pimenter l’effort ; au ravito, on retrouve des shots de sirop d’érable dans des verres en glaçon ; un bénévole distribue généreusem­ent des cornichons dans la Cyberia. Après, variété des types des cyclistes, la beauté des paysages du Vermont, le peu de voitures croisées et le plaisir de dévaler à fond de train les routes de gravelle font le reste.

Me restait à poser la question saugrenue de la journée : pourquoi ne pas programmer la chose plus tard que le 22 avril, histoire d’aller chercher une meilleure météo ? Parce que c’est dans la boue que ça doit se passer. Le sourire rasputitsi­en de ceux qui l’ont faite le prouve sans l’ombre d’un doute.

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