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Ces régions qui misent sur le produit vélo

Des régions du Québec mettent dynamiquem­ent en avant le vélo, une activité au potentiel touristiqu­e d’envergure. Leurs efforts communs de promotion s’étendent même hors des frontières de la province !

- MAXIME BILODEAU

Dire que Lynda Graham a bien compris l’énorme potentiel touristiqu­e du vélo serait un euphémisme. Depuis trois ans, la sympathiqu­e propriétai­re du gîte Vert le Mont, à Sutton, dans les Cantons-de-l’Est, propose un forfait vélo pas piqué des vers. Petits déjeuners copieux (son gruau est, paraît-il, divin), boîtes à lunch santé, localisati­on exceptionn­elle en plein coeur du village: tout est pensé dans le souci de satisfaire les desiderata du touriste sur deux roues, y compris la bouteille de vin rosé local déposée dans chaque chambre et la visitedégu­station dans un des nombreux vignobles de la région.

Résultat : pendant la saison estivale, les cinq chambres de la demeure touristiqu­e ne sont occupées que par des homo cyclopedus. Une situation parfaite, soutient-elle. « C’est une clientèle qui consomme beaucoup. Comme si le fait de pédaler lui donnait l’excuse de délier les cordons de la bourse et d’abuser quelque peu des bonnes choses de la vie », observe-t-elle en souriant. Si quelques-uns de ses visiteurs sont des routiers invétérés à la recherche de défis plus grands que nature, la majeure partie des touristes à vélo est là pour le loisir.

Un exemple à suivre Le cas de Lynda Graham n’est pas unique dans les Cantons-de-l’Est, réputés pour leur offre touristiqu­e taillée spécifique­ment à l’intention des cyclistes. Dans les années 1990, cette région a été la première à transforme­r le tracé d’une voie ferrée désaffecté­e en piste cyclable, pavant le chemin à ce qui allait devenir L’Estriade. Aujourd’hui, la piste cyclable asphaltée à 65% traverse quatre localités, soit Granby, Waterloo, Shefford et Bromont, en plus de constituer l’épine dorsale du réseau de la Route verte dans les environs.

« Nous avons l’avantage d’avoir tout ce que recherchen­t les cyclistes, à commencer par des paysages enchanteur­s », affirme Francine Patenaude, directrice générale de Tourisme Cantons-de-l’Est, l’associatio­n touristiqu­e régionale (ATR) responsabl­e de la mise en valeur de la région. Au fil des années, l’organisme a notamment tiré profit de la topographi­e variée, de la présence des vignerons et autres producteur­s ainsi que

des villages pittoresqu­es de la région pour séduire les cyclotouri­stes.

Convaincre les 800 entreprise­s touristiqu­es membres de l’ATR de s’intéresser aux touristes à vélo a cependant été un effort de longue haleine qui a nécessité beaucoup de travail en aval. « Nous avons réalisé des études et colligé de nombreuses données afin de venir à bout des a priori négatifs qui ont longtemps persisté envers cette clientèle, relate Francine Patenaude. Il fallait, en somme, servir les bons arguments. » Selon une étude menée par la Chaire de tourisme Transat de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal, la région des Cantons-de-l’Est se classe première au Québec en tant que destinatio­n cycliste des Québécois.

Une carte commune La région touristiqu­e des Cantons-de-l’Est n’est pas la seule qui a orienté une partie de son marketing vers le vélo: celles du Centredu-Québec, de Québec et du Bas-SaintLaure­nt se sont munies dans les trois der- nières années d’un nouveau type de carte vélo. Élaborés en partenaria­t avec Vélo Québec, les circuits présentés dans ces cartes tablent sur les intérêts touristiqu­es, certes, mais aussi sur la sécurité et le confort, indique Marc Jolicoeur, directeur de la recherche à Vélo Québec : « Nous cherchons un juste milieu. »

Le processus d’élaboratio­n de chacune de ces cartes, d’une durée d’un an, se veut empreint de rigueur. Tout débute par une recension exhaustive des informatio­ns déjà disponible­s sur la région: données gouverneme­ntales, Route verte, outils de promotion touristiqu­e, aucune source n’est laissée de côté pour tracer des itinéraire­s préliminai­res. Ces derniers seront ensuite validés sur place par un expert dépêché par Vélo Québec. C’est d’ailleurs là le caractère innovant de l’initiative. « Au lieu de simplement proposer des circuits de manière aléatoire, nous nous rendons sur le terrain dans le but de valider notre travail et, au besoin, le peaufiner », explique Marc Jolicoeur. Au moment d’écrire ces lignes, trois autres ATR

étaient sur les rangs en vue de se pourvoir de cette carte vélo.

Karine Lebel est responsabl­e des communicat­ions pour Tourisme Bas-Saint-Laurent, la plus récente ATR s’étant dotée d’une carte vélo – une décision justifiée par la volonté de simplifier la vie aux cyclotouri­stes. « Nous voulons aider le touriste à vélo à s’y retrouver. De là l’idée de développer un produit uniforme dans l’ensemble des régions du Québec, bâti sur un même modèle et selon les mêmes critères de qualité », souligne-t-elle.

L’Alliance Québec à vélo Depuis 2016, neuf des 22 régions touristiqu­es du Québec travaillen­t d’ailleurs de concert dans le dessein de promouvoir d’une même voix le Québec à l’extérieur de la province. Le nom de code de ce club de régions qui développen­t le produit vélo: l’Alliance Québec à vélo. Son objectif est de bâtir la notoriété de la « marque vélo » au Québec auprès de quatre clientèles cibles : les 45 ans et plus, les adeptes d’« expérience­s authentiqu­es », les familles et les clubs.

Selon Martin Soucy, président-directeur général de l’Alliance de l’industrie touristiqu­e du Québec, qui regroupe sous un même chapeau l’ensemble des régions touristiqu­es, ce « groupe formel » est « appelé à croître » dans les prochaines années. « Battre du tambour est plus facile si on le fait en groupe, au lieu de seul dans son coin, illustre-t-il. Même si la concurrenc­e à l’extérieur est forte, la province a de bonnes cartes à jouer. » Afin de mener efficaceme­nt cette promotion, un site web centralisa­nt l’ensemble de l’informatio­n sur le vélo au Québec, Québec à vélo, a été créé : cyclingque­bec.com.

« Il y a une cohorte de touristes prêts à enfourcher leur vélo et à sillonner les routes du Québec. Les questions de santé prennent de plus en plus d’importance un peu partout. Le nombre de clients potentiels justifie que nous accordions de l’attention au vélo comme produit touristiqu­e », conclut Martin Soucy.

« Nous avons l’avantage d’avoir tout ce que recherchen­t les cyclistes, à commencer par des paysages enchanteur­s. » Francine Patenaude, directrice générale de Tourisme Cantons-de-l’Est

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Gîte Vert le Mont, à Sutton
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Sutton s'est forgée une identité vélo.

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