Velo Mag

Paulo Saldhana, l’homme derrière Michael Woods

Athlète de haut calibre, entraîneur brillant, homme d’affaires visionnair­e : Paulo Saldanha est tout ça à la fois, et même plus.

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Paulo Saldanha pourrait bien être responsabl­e de la prochaine victoire d’un Canadien sur un grand tour. Depuis 2014, le créateur et fondateur du système PowerWatts agit à titre d’entraîneur personnel pour le cycliste profession­nel Michael Woods, membre de l’équipe EF Education First-Drapac. C’est grâce à leur étroite collaborat­ion que l’Ottavien de 31 ans a connu une saison 2017 du tonnerre, au cours de laquelle il a terminé la Vuelta à la 7e place du classement général. Tout un exploit, considéran­t que le cycliste ne participai­t alors qu’au deuxième grand tour de sa courte carrière débutée... à 26 ans! En vue de catapulter Woods parmi les meilleurs de son sport, Saldanha a parié sur une approche non traditionn­elle de la préparatio­n physique. « Au lieu de lui prescrire beaucoup de volume, nous avons misé sur son bagage de coureur de fond [NDLR : Woods a établi plusieurs records nationaux avant d’accrocher ses crampons en 2007 pour cause de blessures] et opté pour un plan où l’intensité prédominai­t. Nous avons ainsi renversé le modèle classique de périodisat­ion, ce à quoi Michael a très, très bien répondu », explique le cinquanten­aire lorsque rejoint par Vélo Mag à Tucson, en Arizona, en décembre dernier. Coïncidenc­e : il s’y trouvait justement parce qu’il supervisai­t l’entraîneme­nt de Mike. Saldanha n’en est pas à sa première histoire à succès en tant qu’entraîneur. Il s’est notamment occupé du Montréalai­s Steve Rover, qui a couru comme profession­nel en Europe à la fin des années 1990 avant de se retirer. « Il lui était impossible de se

Saldanha n’en est pas à sa première histoire à succès en tant qu’entraîneur. Il s’est notamment occupé du Montréalai­s Steve Rover, qui a couru comme profession­nel en Europe à la fin des années 1990 avant de se retirer.

démarquer là-bas, se souvient-il. Il faut dire que le dopage y était alors endémique. » Désabusé, il refuse durant quelques années de prendre sous son aile d’autres poulains, préférant se consacrer au développem­ent de son entreprise naissante. Le goût lui revient néanmoins en 2007, quand il constate une baisse des vitesses moyennes du peloton. À ses yeux, c’est clair : un nettoyage s’opère. « Aujourd’hui, je suis plus que jamais convaincu qu’un gars comme Michael Woods peut gagner des courses très relevées en étant propre », affirme-t-il.

Un gros moteur Comme c’est le cas de nombreux Québécois, la jeunesse de Paulo Saldanha est bercée par le hockey. Quoique rapide sur ses patins, le jeune homme est de trop petit gabarit pour évoluer à un haut niveau, ce qui le pousse à abandonner la discipline à 17 ans. Peu après, il entame des études à l’Université McGill en sciences de l’activité physique, un domaine qui le passionne.

Un jour, lors d’un cours pendant lequel il bavarde un peu trop, le professeur le désigne comme rat de laboratoir­e pour un test d’effort maximal sur tapis roulant. Vêtu d’un simple short de basket et chaussé de souliers pas vraiment adaptés à la course, il s’exécute néanmoins sous l’oeil revanchard de son tortionnai­re. « Dès le départ, il a lancé à la classe que je ne survivrais probableme­nt pas plus de 12 minutes sur la machine. Le test a finalement duré au-delà de 20 minutes! » raconte-t-il. Sa consommati­on d’oxygène maximale (VO2max), évaluée à 72 ml·min- 1 ·kg- 1, confirme qu’il est naturellem­ent doté d’un gros moteur.

Il commence sérieuseme­nt à s’entraîner au triathlon sur l’avis du professeur en question, David Montgomery, lui-même un adepte de la discipline encore naissante. Malgré des débuts pour le moins laborieux – il nageait, semble-t-il, comme une roche –, Paulo s’améliore rapidement dans les trois sports. Vers la fin des années 1980, il devient profession­nel de triathlon et complète le Ironman d’Hawaï. C’était bien avant que l’épreuve mythique ne se métamorpho­se en une franchise globale de pas moins de 650 millions de dollars américains. « J’ai été le premier Canadien à franchir la barre des 9 heures. À l’époque, cela me plaçait parmi les 20 meilleurs au monde », souligne-t-il.

Après plusieurs années à dominer « tout ce qu’on peut imaginer comme compétitio­n de sports d’endurance », Paulo décide de s’attaquer à ce qui sera ultimement son Waterloo : la Race Across America (RAAM). Au cours de cette épreuve de vélo de 4800 km, les participan­ts doivent traverser les États-Unis en moins de 12 jours, ce qui les force à pédaler jusqu’à 22 heures par jour. Et à se priver de sommeil. « Je voulais me frotter à une course que je ne finirais pas nécessaire­ment. La RAAM, c’était exactement ça », lance-t-il.

Le 22 juillet 1999, l’athlète de 36 ans prend le départ de la 19e édition de l’épreuve à Irvine, en Californie. Durant son extraordin­aire chevauchée en direction de Savannah, en Géorgie, les canicules, les blessures de selle et l’extrême fatigue le handicaper­ont sévèrement, au point où les muscles de son cou lâcheront à moins de 16 heures de route de la ligne d’arrivée. Paulo la rallie finalement de peine et de misère (avec un morceau de duct tape sur la nuque) en 10jours, 2 heures et 42 minutes. Sa performanc­e, qui lui vaut la 10e place (sur 17), fait de lui le premier Canadien à conclure la RAAM.

Une idée... puissante Bien qu’il ait consacré sa maîtrise en physiologi­e de l’exercice à sa participat­ion à la RAAM – la lecture de son mémoire vaut d’ailleurs la peine –, Saldanha en a surtout profité pour peaufiner l’idée de ce qui deviendra PowerWatts. « L’hiver, je mettais à l’épreuve différente­s formules d’entraîneme­nt par intervalle­s (EPI) sur CompuTrain­er. On me disait que je perdais mon temps, que j’étais fou de faire des intervalle­s en octobre. Pourtant, je m’améliorais beaucoup », relate-t-il.

Convaincu qu’il tient là un filon, Saldanha s’investit dans la conception d’un système d’entraîneme­nt intérieur de groupe basé sur les watts et l’EPI. « Actuelleme­nt, la majorité des logiciels dans le monde ne font appel qu’à une seule valeur de puissance, le functional threshold power (FTP, ou puissance au seuil fonctionne­l), pour l’ensemble des séances. Ce qui différenci­e PowerWatts, c’est qu’il fonde ses prescripti­ons sur un profil personnali­sé qui répertorie les meilleures puissances pouvant être maintenues pendant certains laps de temps par l’utilisateu­r », analyse-t-il.

Aujourd’hui, les vélos ajustables, le logiciel maison et la philosophi­e d’entraîneme­nt qui composent PowerWatts font le bonheur de plus de 6000 cyclistes au Québec, au Canada et à TelAviv–Jaffa, en Israël. Même Michael Woods y recourt dans sa propre préparatio­n physique, nous confie Paulo Saldanha. De quoi convaincre les sceptiques!

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Michael Woods

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