Velo Mag

Plage + fat bike = Biseak

Clément Vallée a fondé Biseak, son entreprise, l’été de ses 16 ans. Son idée : faire découvrir la beauté du bord de mer gaspésien au guidon de fat bikes.

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C lément Vallée n’a pas attendu de se dénicher un premier emploi d’été pour commencer à travailler: il s’en est créé un. Aujourd’hui, son entreprise, Biseak (prononcer « bi-sea-ke»), fait la location à l’année de quatre fat bikes de marque Moose et propose des services de réparation de vélo, en outre d’être lauréate d’un des plus importants prix honorant les jeunes entreprene­urs du Québec. Pas mal pour un cégépien d’à peine 18 ans issu de l’un des coins les plus dévitalisé­s de la province, la Haute-Gaspésie.

Ce conte digne de Cendrillon débute au guidon d’une bécane dodue, justement. Durant l’hiver de ses 16 ans, Clément goûte une première fois à ce sport encore émergent – nous sommes aux premiers jours de 2016. Le natif de Sainte-Anne-des-Monts tombe sous le charme du gros vélo. « Je trouvais que la neige folle s’apparentai­t beaucoup au sable fin d’une plage comme il y en a tant près de mon village. Le parallèle me semblait évident », raconte à Vélo Mag l’adepte de vélo de montagne. Les contours de ce qui deviendra éventuelle­ment Biseak commencent à se définir.

L’été suivant, l’adolescent, qui vient à peine de terminer sa quatrième secondaire, est confronté à une difficile décision : travailler ou se la couler douce ? « J’avais l’embarras du choix, cet été-là : j’aurais pu m’inscrire à un camp de jour, me dénicher un emploi étudiant dans un shack à patates ou quelque chose du genre », énumère Clément. De toutes les options qui s’offrent à lui, c’est celle de se lancer à son compte qui le tente toutefois le plus. Pourquoi ? « Parce que ça venait 100 % de moi, répond-il spontanéme­nt. Mes parents, même s’ils sont entreprene­urs, m’ont laissé me débrouille­r. C’était stimulant. »

Seul problème, et il est majeur : il n’a pas un sou. Ou plutôt, ses maigres économies lui permettent à peine de se procurer un unique fat bike, au coût de 1000 $. On est bien loin du concept de flotte de location ! « C’est alors que j’ai eu l’idée de mener une campagne de sociofinan­cement. Contre un don, j’accordais une contrepart­ie, sous forme de randonnée gratuite, par exemple », explique-t-il. C’est ainsi, après quelques semaines de campagne sur la plateforme Ulule, qu’il ramasse 1032 $. Biseak peut enfin voir le jour.

Crescendo de bons coups Le succès est au rendez-vous dès les débuts. Chaque jour entre la mi-juin et la mi-août, qui correspond grosso modo à la haute saison touristiqu­e en Gaspésie, deux ou trois clients par jour, en moyenne, contactent Clément dans le but de louer des montures. Les touristes de passage apprécient l’incroyable terrain de jeu sur lequel pédaler pendant une

heure (15 $/vélo), une demi-journée (40 $/vélo) ou une journée complète (60 $/vélo). En direction de Cap-Chat, au couchant, impossible de résister, semble-t-il.

Le reste de l’année, la demande est plus espacée, mais pas inexistant­e. Au cours des longs mois d’hiver, il arrive que le téléphone de Biseak sonne ; au bout du fil, des clients à la recherche d’un vélo à pneus surdimensi­onnés pour rouler sur la neige. Bien au courant du caractère quatre saisons de l’activité, Clément Vallée a établi en 2017 un partenaria­t avec le club de golf local Le Gaspésien, afin que les terrains inutilisés pendant la saison froide deviennent des pistes (3,5 km) sur lesquelles fatter. Une belle manière de créer de l’engouement.

Avec les profits générés par Biseak, l’adolescent ne s’est pas payé un voyage dans le Sud ni un iPhone dernier cri, non: il a réinvesti l’argent dans l’entreprise, en bon homme d’affaires qu’il est. « En 2017, j’ai commencé à fournir un service de réparation de vélo, ce qui faisait défaut dans la région. À force de réparer et d’entretenir ma flotte, je m’étais fait la main », dit celui qui se qualifie de « patenteux » dans la vie. La location de planches à pagaie vient aussi se greffer à l’offre de services de Biseak. « La mer, c’est l’autre ressource dont on ne manque pas à Sainte-Anne-des-Monts. Il n’y a rien de plus relaxant que d’y pagayer quand elle ressemble à une nappe d’huile », affirme-t-il.

L’année 2017 aura surtout été celle de la reconnaiss­ance de son incroyable flair d’entreprene­ur. Après avoir remporté le volet local et régional du Défi OSEntrepre­ndre dans la catégorie Secondaire 2e cycle, l’élève de 5e secondaire à l’école Gabriel-Le Courtois a raflé les grands honneurs au volet national, qui l’opposait à 19 finalistes des quatre coins du Québec. Une distinctio­n bien méritée, mais qui a néanmoins laissé le jeune homme sur sa faim. « Être un entreprene­ur d’âge mineur est vraiment désavantag­eux, surtout en ce qui concerne le financemen­t. Je n’ai pas compté les concours auxquels je ne pouvais m’inscrire avant d’avoir 18 ans », déplore-t-il.

« Je ne me limiterai pas » Sa majorité maintenant atteinte, Clément Vallée contemple l’avenir avec... appétit. Et pas seulement en raison des concours auxquels Biseak est désormais éligible. « J’aimerais continuer à diversifie­r le public cible de Biseak, en donnant par exemple des cours de plongée en apnée sur la côte gaspésienn­e. Sinon, je compte recueillir de vieux vélos qui traînent dans des fonds de cabanons de la région, les remettre en état, puis les louer aux touristes de passage à Sainte-Anne-des-Monts afin qu’ils puissent s’y promener », énumère-t-il. Il a la tête remplie d’idées.

En même temps, il garde les pieds bien ancrés dans le plancher des vaches. « Je suis rendu à une période de ma vie où ça bouge beaucoup », admet l’étudiant en Arts et technologi­e des médias, option publicité, au cégep de Jonquière, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. « Impossible pour moi de savoir ce que je vais faire dans quelques années. Si je veux lancer un projet totalement différent de Biseak, je ne me limiterai pas », fait-il savoir.

En attendant, on peut le visiter dans son bout de pays cet été. Ou prendre part au Défi La Plage, une compétitio­n de fat bike (35 km) et de course à pied (5, 10 ou 25 km) sur les grèves, qu’il coorganise avec l’auberge festive Sea Shack, à Sainte-Anne-des-Monts. L’événement, qui a attiré 75 participan­ts l’automne dernier, en sera à sa seconde édition le 30 septembre prochain. Plus de cent personnes sont attendues pour l’occasion.

« Je trouvais que la neige folle s’apparentai­t beaucoup au sable fin d’une plage comme il y en a tant près de mon village. Le parallèle me semblait évident. »

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