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Îles de la Madeleine : le vent du bon côté

« Aux Îles, c’est pas pareil », ont l’habitude de dire les Madelinots aux visiteurs venus de la grand’terre (du continent). L’été dernier, VéloMag a pris l’erre (est parti à l’aventure) sur ce bout du Québec échoué en plein coeur du golfe du Saint-Laurent

- MAXIME BILODEAU

Bienvenue à bord ! À partir de main tenant, nous fonctionno­ns à l’heure des Îles. Ajustez votre montre, parce qu’on ne vous attendra pas si vous manquez le bateau! » me lance une dame à la réception du navire de croisière Vacancier de la Coopérativ­e de transport maritime et aérien (CTMA). Le ton est donné: pendant la prochaine semaine, je vivrai ce que la brochure de cette société des Îles-de-la-Madeleine décrit comme une « expérience 100% madelinien­ne », accent, repas et divertisse­ments inclus.

Je voyagerai donc sur le fleuve Saint-Laurent à destinatio­n de l’archipel en forme d’hameçon abritant 12 300 habitants. Une fois accosté, j’enfourcher­ai mon vélo afin de sillonner les 200 km2 d’un territoire réputé pour la régularité et l’intensité de ses vents – de 17 km/h à 40 km/h en moyenne, semble-t-il. Puis, après un séjour de trois jours, le navire d’une capacité de 450 passagers rebrousser­a chemin jusqu’à son lieu de départ, Montréal, en faisant toutefois escale à Chandler, en Gaspésie, ainsi qu’à Québec.

C’est un départ C’est d’ailleurs de la Vieille Capitale que je choisis d’amorcer mon périple. Ce faisant, je côtoie les passagers du voyage précédent qui débarquero­nt dans la métropole le lendemain matin, aux aurores, pour mieux faire place à une nouvelle cohorte. Dès lors, un constat s’impose: moi et mes 25 ans bien sonnés contraston­s fortement avec le profil type du croisiéris­te sur le Vacancier, « une femme québécoise de 55 ans et plus accompagné­e de son mari », m’expliquera-t-on plus tard.

Second constat: rares sont les cyclistes qui optent pour le forfait Vélo & Plein air – à peine une quinzaine lors de mon passage. Pourtant, la formule En toute liberté est alléchante : le cycliste y est maître de son temps, les itinéraire­s n’étant que suggérés, ce qui lui permet d’explorer les îles de la Madeleine à sa guise. Un service de dépannage est offert le long des circuits proposés, tout comme un autre de transport en autocar en fin ou en début de journée, question de mieux composer avec les caprices d’Éole. Les repas du midi sont servis sous forme de pique-nique à emporter. En un mot comme en mille : du gros luxe.

Terre! Après une traversée ponctuée de paysages spectacula­ires, nous voici aux Îles – enfin! C’est qu’à force de se les imaginer, elles acquièrent un caractère mythique ; on s’y projette au guidon de sa bécane, perdu entre terre et mer, les poumons remplis de cet air pur et frais dont les insulaires ne cessent de vanter les qualités. Dès qu’on pointe le bout du casque sur le quai de Cap-auxMeules, où le Vacancier s’amarre pour la semaine, on comprend vite que le vent, lui, n’est pas un mythe !

En ce premier matin, le plan est d’aller explorer l’île du Havre Aubert, à l’extrémité ouest de l’archipel. Comme les vents ne sont pas favorables, une navette opérée par la boutique Le Pédalier – pourvoyeur de services pour le forfait Vélo & Plein air – nous conduit directemen­t au site historique de La Grave (de « grève », plage de galets). Le plan : revenir en sens inverse vent arrière (vent qui pousse de dos).

Pour ma part, j’opte pour un autre scénario: effectuer l’aller-retour d’environ 80 km entre l’île centrale du Cap aux Meules et l’île du Havre Aubert. Quel défi! Sur les 13 km de la dune (mince cordon de buttes et de vallons sablonneux) qui relie ces deux îles, le vent de trois-quarts de face est impitoyabl­e. La respiratio­n s’accélère et les jambes brûlent ; le combat est âpre. Autre chose qui brûle: mes mains qui tiennent fort, fort, fort le guidon. Un conseil : on laisse les roues semi-profilées à la maison, sous peine de débarque monumental­e. Ça vaudra mieux.

Heureuseme­nt, l’île du Havre Aubert est la plus boisée de l’archipel, ce qui me laisse souffler. J’en profite pour me diriger vers le village de Bassin afin de faire le tour de la Montagne, une butte arrondie où se concentre le rare dénivelé des Îles. Chemin faisant, je croise plusieurs chemins de terre battue et de gravelle. Je ne m’y aventure cependant pas, faute de vélo adapté. Dommage: ici comme ailleurs sur l’archipel, le réseau de chemins de traverse semble si bien développé…

Je me console par un arrêt aux cafés, galeries d’art et boutiques de La Grave, l’ancien port d’entrée des Îles situé dans le village de Havre-Aubert. Et j’oublie complèteme­nt ma déception pendant mon retour vers Cap-aux-Meules, vent dans le dos: je frôle des vitesses dignes d’une arrivée du Tour de France. Sans blague.

L’est des Îles Le lendemain, je renoue avec les vents favorables afin d’explorer la partie est des Îles, où se trouvent quatre des six îles principale­s: du Havre aux Maisons, aux Loups, La Grosse Île et de la Grande Entrée. L’itinéraire à partir du port de Capaux-Meules est d’une soixantain­e de kilomètres et, à moins de se sentir particuliè­rement en jambes (ou masochiste), le retour au point de départ se fait par la navette.

Peu avant mon départ du Vacancier, je croise Jean Harvey et Madeleine Burquel, un couple de cyclistes de Québec. Jean me raconte alors avoir été victime, la veille, d’une vilaine chute à vélo – si vilaine qu’elle l’a plongé dans un bref coma. « Eh bien, figure-toi donc qu’en l’espace de 30 secondes, un attroupeme­nt d’au moins dix Madelinots s’est formé pour nous aider! » relate Madeleine.

L’histoire ne s’arrête pas là. Accueilli chez un habitant de la place, Jean a été transporté par ce dernier à l’hôpital de l’Archipel (le seul des Îles), où il n’a pas attendu une seule seconde – chose rare au Québec. Si bien qu’au bout de trois petites heures, il obtenait son congé de l’hosto. La meilleure? « Il était dix heures du soir, et nous n’avions pas encore soupé. La réception de l’hôpital a donc téléphoné à un restaurant situé tout proche. Résultat: les restaurate­urs nous ont accommodés, et ce, malgré qu’ils étaient techniquem­ent fermés! » s’exclame Jean.

Si vous aviez encore des doutes sur l’hospitalit­é madelinien­ne, j’espère qu’ils sont dorénavant dissipés. Après tout, n’y a-t-il pas aux Îles un dicton qui dit : « On n’a pas l’heure, mais on a le temps » ?

Le temps, il s’égrène lentement alors que je traverse l’île du Havre aux Maisons, dont le décor ponctué de falaises de grès rouge, de buttes aux noms évocateurs (Pelées, à Mounette, etc.) et de maisons colorées qu’on dirait saupoudrée­s rappelle celui des hautes terres d’Écosse. Puis il se précipite soudaineme­nt lorsque je traverse les dunes reliant l’île du Havre aux Maisons à l’île aux Loups et, ensuite, à la Grosse Île. Des deux côtés de la route, des adeptes de planche aérotracté­e profitent des généreux vents dans les lagunes, des viviers naturels où l’eau est particuliè­rement chaude et peu profonde.

Je finis ma course à la plage de la Grande Échouerie, à Old-Harry, non sans avoir fait un détour par Grande-Entrée, un hameau de pêcheurs nommé « capitale québécoise du homard » en 1994. Le sable blond de la grève qu’on dirait infinie me convainc d’enlever mes souliers et de me faire ensoleille­r (m’étendre au soleil).

Dégolfer des Îles Avant de dégolfer (partir, s’en aller) des Îles, une ultime sortie s’impose. Pour cette troisième journée, c’est à la découverte de l’île du Cap-auxMeules, chef-lieu des Îles, que je pars. Le plaisir de ce parcours vient de sa grande flexibilit­é: on adapte la boucle sur l’île centrale à sa guise, tantôt afin d’explorer ses villages pittoresqu­es, tantôt pour y dénicher de véritables trésors, dont les bières locales de la microbrass­erie À l’abri de la Tempête.

Vérificati­on faite: aux Îles, les boissons alcoolisée­s ne sont pas pareilles. Comme tout le reste d’ailleurs.

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Il faut aussi prendre des pauses.
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Les Îles en toute liberté, une formule alléchante
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