La pionnière
Il n’y a aucun doute que Louise Armaindo, née Louise Brisebois, soit la pionnière cycliste de la Belle Province. Venue au monde à Saint-Clet en 1861, la French Canadi an brunette, comme l’appelait ses admirateurs américains, a vite senti le vent venir. En 1890, le vélo fait figure de nouvelle mode, et c’est surtout un excellent moyen d’émancipation. Pour cela, il faut mettre de côté robes à crinoline et corsets au profit de tenues pas mal plus excentriques, du style culotte bouffante. Il faut aussi être capable de résister à l’incroyable pression sociale d’une époque qui ne tient absolument pas à voir la femme sur un vélo. Après tout, le docteur Ludovic O’Followell écrivait en 1900 que « la ciclomanie, en dehors de ses périls ordinaires, comporte pour les femmes les mêmes inconvénients que la machine à coudre. Elle amène les mêmes effervescences, les mêmes surexcitations lubriques, les mêmes accès de folies sensuelles ».
Louise Armaindo fait fi de ces fadaises et dispute des compétitions de marche puis de « vélocipédie ». En 1882, elle participe à Boston à une compétition de grand bi. Elle est opposée au champion américain John Prince. Ce dernier lui accorde un handicap de 5 miles sur les 25 de la course, mais il gagne de justesse. Cette presque victoire la fait entrer dans l’histoire en étant à la fois admirée pour son exploit et critiquée pour sa simple présence dans des compétitions.
Pas plus perturbée que ça, elle lance des défis et n’hésite pas à livrer bataille, avec succès, aux champions masculins. C’est en endurance qu’elle est la plus forte, réalisant un 993 km en 72 heures réparties sur six jours. Elle est aussi la première femme au monde à pédaler un 20 miles sans interruption (je sais, cela n’a pas l’air d’un exploit, mais essayez, déjà, de grimper sur un grand bi !). La Québécoise va sillonner l’Amérique suivant un calendrier de courses plutôt anémique. Elle restera cependant la « première championne du cyclisme féminin », comme elle s’est elle-même autoproclamée, faute de classement officiel. Elle meurt à Montréal en 1900 et est enterrée au cimetière Notre-Dame-des-Neiges.
Dans cette édition de Vélo Mag, nous creusons avec attention la place des femmes dans le cyclisme. Nous devions lever notre chapeau à Louise Armaindo, la pionnière. Jessica Bélisle, la cyclovore dont nous dressons le portrait, est sa digne héritière.