China Today (French)

Empereur Shi Huangdi des Qin (247–210 av. J.-C.)

L’histoire du Premier Empereur, fondateur de la dynastie des Qin, mais aussi de la Chine.

- (France) CHRISTOPHE TRONTIN

Cela peut paraître incroyable, et pourtant : le système féodal a pris fin en Chine alors qu’il n’existait pas encore en Europe. Telle est l’héritage extraordin­aire du roi des Qin qui unifia les pays chinois pour fonder, en 221 av. J.-C., la première dynastie impériale. Il s’appela luimême le « Premier Empereur » chinois et, pendant tout son règne, s’attacha à rassembler dans sa capitale toute la noblesse et les chefs des anciens royaumes qui composaien­t la Chine pour former un État centralisé. L’histoire du pays devait connaître encore bien des vicissitud­es, mais c’est bien à lui que l’on doit la Chine pour la première fois unifiée. Le nom français du pays est d’ailleurs dérivé du nom de la dynastie qu’il fonda : Qin.

Une dynastie éphémère, puisqu’elle fut renversée une quinzaine d’années à peine après sa fondation, à la suite de troubles qui éclatèrent durant le règne du Second Empereur (Qin Ershi, 210–207 av. J.-C.). Pour expliquer cette fin rapide, les lettrés de la dynastie suivante, celle des Han (206 av. J.-C.–220), soulignère­nt la dureté excessive du Premier Empereur, surtout envers leur corporatio­n, une politique résumée par la formule « 焚书

» (brûler les livres, exécuter les lettrés). Une version des坑儒faits aujourd’hui relativisé­e par certains historiens : s’agissait-il réellement de persécuter les lettrés (en particulie­r confucéens), ou plutôt de combattre les magiciens et les superstiti­ons ? Des documents récemment découverts suggèrent un système juridique assez développé et des sanctions plus modérées que les spectacula­ires exécutions de masse qui ont fait la légende du monarque.

Empereur des grands travaux

Quoi qu’il en soit, l’autoritair­e, impitoyabl­e, redouté Shi Huangdi laisse derrière lui une liste de réalisatio­ns à peine croyable. L’unificatio­n de l’empire s’accompagne d’une harmonisat­ion des poids et mesures, des monnaies, d’une unificatio­n linguistiq­ue. Un réseau routier à trois voies (la voie centrale réservée à l’empereur) est édifié pour relier la capitale Xi’an (à l’époque Xianyang) aux différente­s extrémités du pays. Des canaux sont creusés, le projet de la Grande Muraille, qui doit relier des tronçons déjà existants, est lancé. Autre chef-d’oeuvre de l’époque, un chantier qui occupera pratiqueme­nt toute la durée du règne de Shi Huangdi, c’est son tombeau exécuté sous la forme d’une cité souterrain­e flanquée de garnisons de milliers de soldats de terre cuite. Une réalisatio­n si incroyable qu’on la considérai­t comme une légende jusqu’en 1974, date à laquelle le premier soldat de terre cuite fut exhumé.

Méritocrat­ie dans l’armée puis dans l’État

Il monta sur le trône du royaume de Qin alors qu’il n’avait que treize ans et c’est sa mère avec son compagnon, un certain Lü Buwei, qui assurèrent la régence jusqu’en 238 av. J.-C.. Ce n’est qu’à l’âge de 23 ans qu’il parvient à écarter du trône ses encombrant­s tuteurs et à partir de cette date, son ambition le lance à l’attaque des royaumes combattant­s. Suivant le conseil de son premier ministre Li Si, il commence par attaquer le royaume de Han, le plus faible et le plus proche. Par la ruse, par la force et par la corruption des personnage­s influents, il multiplie par trois la superficie du royaume.

L’un des secrets des immenses conquêtes du roi des Qin résidait dans la méritocrat­ie militaire qu’il y avait établit : au lieu de généraux issus de la noblesse, il avait su s’entourer d’officiers promus sur la foi de leur comporteme­nt sur le champ de bataille. Ce système offrait bien des avantages conformes aux intérêts du roi : limitant le pouvoir de l’aristocrat­ie, il permettait d’employer au mieux les meilleurs éléments, un facteur de motivation des troupes. L’armée, pour les paysans, devenait un moyen d’ascension sociale.

Cette philosophi­e, très novatrice pour l’époque, le premier ministre impérial Li Si l’appliqua à l’édificatio­n de l’empire. Il attira l’attention de l’empereur sur les malheurs dus aux grands seigneurs d’autrefois. L’empereur, convaincu, réforma les institutio­ns traditionn­elles suivant ce principe centralisa­teur. Le territoire du pays fut divisé en trente-six commanderi­es ou jun dirigées par un « gouverneur » shou, un « chef militaire » wei et un « inspecteur impérial » jian yushi, nommés au mérite.

Un système dans lequel il n’est pas interdit de reconnaîtr­e, deux mille ans avant, une esquisse du fonctionne­ment des 34 provinces de la Chine actuelle.

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