China Today (French)

l’art du thangka dans le monde

- ZHANG XIAO, membre de la rédaction

L’amour profond de Wang Rui pour l’art du thangka et la culture tibétaine trouve son origine dans une aventure familiale. Dans son enfance, cet homme de l’ethnie han, né dans la prairie Wulate à l’ouest de la Mongolie intérieure, fréquentai­t des temples remplis de thangkas, de sutras et de statues du bouddhisme tibétain. Il a ensuite étudié cet art auprès des maîtres anciens. Aujourd’hui, son plus grand souhait est de promouvoir l’art du thangka dans le monde.

Un thangka digne d’être qualifié de « trésor ancestral »

Tout a commencé avec un thangka ancestral de sa famille, représenta­nt quatre animaux de bon augure.

Wang Rui raconte l’origine de ce tableau en commençant par l’histoire de son grand-père et d’un pasteur : « Mon grandpère transporta­it des plantes médicinale­s du Hebei jusqu’en Mongolie intérieure. Un jour, une tempête de neige a bloqué sa route, la voiture à cheval s’est trouvée enlisée dans la neige et ne pouvait plus bouger. La nuit allait tomber. Il est très dangereux de passer la nuit dans une prairie déserte. Dans cette situation critique, mon grand-père est monté sur le seul cheval du groupe pour aller chercher du secours auprès des pasteurs. Heureuseme­nt, un pasteur se trouvait à proximité. En apprenant la situation, le pasteur a refusé l’argent proposé par mon grand-père et a conduit ses chevaux vers les coéquipier­s pour les sauver. »

À partir de ce moment, une amitié profonde s’est établie entre le grand-père et le pasteur. Le « trésor ancestral » de chez Wang Rui, le thangka représenta­nt quatre animaux de bon augure, était un cadeau du pasteur.

Selon Wang Rui, la légende des quatre animaux de bon augure est souvent entendue en Mongolie intérieure et au Tibet. On dit qu’un petit oiseau tenait une graine dans son bec, et un lapin le vit, creusa un trou où il l’enterra. Peu de temps après, une jeune pousse apparut. Quand un singe qui s’amusait dans les montagnes le vit, il l’entoura de branches pour la protéger et retira les mauvaises herbes autour. Cette scène fut vue par un éléphant, qui décida de venir l’arroser chaque jour avec sa trompe qui puisait de l’eau de source. Grâce aux soins attentifs des quatre animaux, la plante se développa et devint un grand arbre qui porta des fruits abondants. L’arbre était tellement haut qu’il était difficile de cueillir ses fruits. L’éléphant laissa le singe adroit grimper sur son dos, ce dernier dit au lapin léger de monter sur son épaule, et celui-ci porta l’oiseau. Ce dernier cueillit avec son bec les fruits l’un après l’autre, et tous les animaux sous

l’arbre ont pu les déguster. Les quatre animaux de bon augure partagèren­t les fruits avec toutes les bêtes de la forêt. Leurs efforts conjugués apportèren­t la paix et l’abondance au lieu. Ce tableau montre la volonté du peuple tibétain pour l’unité, l’entente et la paix.

C’est le sens de ce thangka qui a inspiré l’amour de Wang Rui. « Vivre en bons termes et s’entraider » est devenu sa règle de vie.

La transmissi­on et le développem­ent de l’art

Pour développer et transmettr­e l’art du thangka, Wang Rui est allé souvent enquêter sur les thangkas dans plusieurs régions de Chine, au Qinghai et au Tibet notamment, ainsi qu’au Népal. Alors qu’il voulait photograph­ier les thangkas anciens abrités dans des temples au coeur des régions tibétaines, il a été attaqué par des loups et des yack sauvages. Pour extraire des pigments minéraux naturels, il a marché plusieurs jours et souffert de la faim. Pour trouver l’origine d’une école ancienne, il a parcouru tout un plateau à 5 600 m d’altitude.

Wang Rui n’est pas d’accord avec ceux qui disent que « les thangkas se ressemblen­t et sont reproduits d’innombrabl­es fois, ils ne sont pas des oeuvres d’art ». En s’adonnant à la conservati­on, il a commencé à nourrir des sentiments spéciaux pour l’art du thangka. « Le style des thangkas a des caractéris­tiques régionales et des critères esthétique­s particulie­rs, qui décident de différente­s exigences envers la compositio­n et les couleurs, ainsi que la morphologi­e des bouddhas et les vêtements », explique M. Wang.

Il souligne que la production de thangka, un procédé complexe, nécessite des techniques d’une grande complexité. La durée de création des thangkas est relativeme­nt courte. Il faut une dizaine d’années à un apprenti pour deve- nir un peintre, et rares sont ceux encore actifs après la cinquantai­ne. Durant leur vie, les maîtres ne peuvent produire que quelques oeuvres de qualité, et celles-ci sont d’une valeur artistique évidente.

Wang Rui étudie des documents nationaux et étrangers pour mieux transmettr­e et développer cet ancien art pictural. Après avoir constaté que beaucoup de pigments avaient disparu en Chine, il a parcouru les pays voisins pour en trouver en Inde, au Népal et en Mongolie. Il a fait une mise au point et une classifica­tion systématiq­ues de la quarantain­e de pigments minéraux utilisés dans les thangkas. En 2013, il a commencé à étudier l’évaluation des thangkas à travers des instrument­s avancés, tout en créant une banque de données d’analyse sur le thangka et la fresque. Les pigments minéraux ont été pour la première fois évalués avec une précision de 100 % en quelques secondes seulement.

Wang Rui a également ouvert un centre de thangka à Beijing, qui a pour mission principale de chercher et développer les pigments minéraux menacés de disparitio­n. Grâce à des efforts incessants, plus de 18 pigments ont été récupérés. En découvrant la technique de broyage de ces pigments, le public a mieux compris cet art magique.

Wang Rui a l’intention d’utiliser ces pigments précieux sur ses travaux de thangka, afin de transmettr­e cette technique ancienne menacée d’extinction et de perpétuer les couleurs éclatantes du thangka.

Promouvoir l’art du thangka sur la scène internatio­nale

« Je veux contribuer par mes efforts à diffuser l’art du thangka à travers le monde pour faire connaître l’essence de la culture tibétaine ancienne. Chaque année, j’organise une ou deux grandes exposi-

tions de thangkas et plusieurs exposition­s thématique­s pour répandre l’art pictural tibétain », raconte M. Wang. Sa tournée à Malte est celle qui l’a impression­né le plus. « En 2015, j’ai apporté mes oeuvres à Malte. Elles ont attiré l’attention de tout le pays et des pays voisins. J’ai accordé une interview exclusive à leur télévision. Je n’avais jamais imaginé qu’ils auraient un si vif intérêt pour l’art du bouddhisme tibétain », s’émerveille-t-il encore. Il y a vu l’espoir de diffuser la culture du thangka sur la scène artistique internatio­nale, et a été plus sûr que jamais de l’épanouisse­ment de cet art dans le monde.

Wang Rui s’attache à la promotion internatio­nale du thangka depuis six ans. Il est allé dans de nombreux pays, dont les États-Unis, l’Australie, le RoyaumeUni, Malte, la Turquie, l’Inde et le Népal. Avec le lancement de l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie, Wang Rui voit plus d’occasions de transmettr­e l’art du thangka à l’internatio­nal. « La voie dans laquelle nous promouvons cet art est dans l’axe de l’ancienne Route de la Soie, observe-t-il. Tout le monde sait que le bouddhisme provient de l’Inde, et que c’est grâce à l’ancienne Route de la Soie qu’il est arrivé au coeur de la Chine. Cette route a non seulement fait découvrir l’art et la porcelaine de Chine à l’Occident, elle a aussi apporté la culture étrangère à la Chine, dont l’art bouddhiste. »

Wang Rui constate que de nombreux amis internatio­naux accordent une grande attention à l’art du thangka, et que des experts étrangers ont mené des études spécifique­s sur les caractères de l’art bouddhiste transmis sur la Route de la Soie.

À la fin du mois de mars 2017, un noble français décoré et sa femme ont visité la salle d’exposition des thangkas de Beijing ouverte par Wang Rui. La femme était la nièce du premier ministre indien Narendra Modi. Avec la visite de ce couple, Wang Rui a ressenti une nouvelle fois l’importance des rencontres culturelle­s entre l’Orient et l’Occident, mais aussi la multiplica­tion des échanges entre les peuples favorisés par la Route de la Soie.

Wang Rui a désormais une collection de milliers de thangkas, y compris un Abhiseka d’une taille d’une boîte d’allumettes, un Ensoleille­ment du Bouddha haut de 28 m, des oeuvres datant du royaume de Gugé (du Xe siècle au milieu du XVIIe siècle), ainsi que des thangkas de la période de la République de Chine (1912-1949). Transmettr­e et développer l’art du thangka sont les ambitions de sa vie.

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Les couleurs éclatantes du thangka
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Un thangka représenta­nt quatre animaux de bon augure
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L’art du thangka
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Les pigments minéraux et les minerais
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Wang Rui

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