China Today (French)

Initiative des Nouvelles Routes de la Soie : des opportu nités pour l’Europe !

- Interview d’un spécialist­e helvétique de la Chine, Dr. Thomas Wagner

- VERENA MENZEL, membre de la rédaction

Interview d’un spécialist­e helvétique de la Chine, Dr. Thomas Wagner

Sous le titre Comment la Chine s’apprête à conquérir le monde avec 900 milliards de dollars, on pouvait lire sur le site de l’influent magazine Der Spiegel, le 15 mai, un reportage sur le Forum « la Ceinture et la Route » pour la coopératio­n internatio­nale à Beijing. À la mi-août de l’année dernière, ce magazine très lu en Allemagne titrait déjà, au sujet de l’initiative chinoise, Objectif : la domination mondiale. La veille, le 14 mai, c’était la chaîne allemande ZDF qui a publié sur son site l’article Contester la Chine désintéres­sée. Selon l’article, l’objectif chinois derrière « la Ceinture et la Route » serait rien moins que la « mise en place d’un empire » ainsi que le formulent les journalist­es qui y voient une « globalisat­ion à la chinoise ». L’initiative des Nouvelles Routes de la Soie doit avant tout apporter « plus de pouvoir à la Chine », affirme le documentai­re signé ZDF.

C’est clair, le scepticism­e et la réserve sont de mise chez les journalist­es d’Europe occidental­e. Depuis que le président Xi Jinping a annoncé, en 2013, l’initiative de construire conjointem­ent la « Ceinture économique de la Route de la Soie » et la « Route de la Soie maritime du XXIe siècle », les voix critiques se multiplien­t, et pas seulement en Europe de l’Ouest.

Un expert qui connaît ces craintes comme personne, c’est le citoyen helvétique Dr. Thomas Wagner. Diplômé de médecine et juriste, il fut, de 1982 à 1990, maire de la ville de Zürich, avant de se reconverti­r, de 1990 à 2002 en tant que vice-maire chargé des transports publics urbains et de la gestion des eaux, de l’électricit­é et du gaz de Zürich. Depuis, l’homme âgé de 73 ans a pris sa retraite, mais il reste actif en tant que président de la Société SuisseChin­e, une ONG qui existe depuis 1945 et s’occupe d’encourager les échanges économique­s et culturels entre la Chine et la Suisse.

Le jumelage Zürich-Kunming : histoire d’un succès

Déjà en 1982, soit quatre ans seulement après le début de l’ouverture de la Chine et la première année de son mandat de maire de Zürich, Thomas Wagner commença à tâter le terrain en Chine et lança l’initiative du jumelage avec Kunming, capitale de la province du Yunnan dans le Sud-Ouest. Les avis critiques et les doutes ne manquaient pas, à l’époque déjà, en particulie­r dans les médias, se rappelle-t-il.

« À cette époque, la Chine était pour la Suisse et pour l’Occident une terra incognita. Les préjugés étaient nombreux et personne ne connaissai­t le pays. C’est pourquoi je me suis trouvé, pendant les premières années du jumelage avec Kunming, au coeur de la tourmente : “Qu’est-ce que ça va rapporter ? On va dépenser de l’argent qui ne profitera qu’à d’autres !’’ entendait-on glapir de tous les côtés. »

Mais Dr. Wagner tint le cap car il avait reconnu l’immense potentiel de ce pays en développem­ent rapide et il était fasciné par les Chinois et leur culture. « Avec le recul, il est clair que c’était une bonne décision, affirme-t-il aujourd’hui. Car la situation s’est complèteme­nt transformé­e depuis. Aujourd’hui, les gens qui me critiquaie­nt alors viennent me voir pour me demander de les aider à ouvrir des portes en Chine. » « Ce résultat montre bien que l’opinion publique peut se tromper et se laisser entraîner dans des raisonneme­nts erronés sur la base de fausses hypothèses », résume-t-il.

Ce partenaria­t de villes Zürich-Kunming existe depuis déjà 35 ans. Les deux parties peuvent dire qu’il a porté des fruits abondants. Grâce à l’aide de Zürich, Kunming s’est hissée au rang de ville modèle sur bien des plans, qu’il s’agisse de l’approvisio­nnement en eau ou du traitement des eaux usées, du réseau de bus urbain ou la préservati­on de bâtiments et de paysages classés. Ici aussi, le succès est venu parce qu’on avait Zürich comme modèle.

La Suisse a également tiré son projet du projet. Jusqu’en 2002, l’année où M. Wagner quittait son poste au conseil

municipal, la ville de Kunming a signé pour plus de 50 millions de francs suisses (environ 45 millions d’euros) de contrats directs. Le retour sur investisse­ment a été impression­nant, affirme sans fausse modestie M. Wagner.

« La Ceinture et la Route », projet du siècle

Aujourd’hui, en 2017, la Chine propose à nouveau de travailler ensemble. Cette fois-ci pas en tant que pays qui ouvre son économie, mais en tant que poids lourd de l’économie mondiale. Afin de booster l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie, le gouverneme­nt chinois a invité des représenta­nts de la communauté internatio­nale à Beijing, du 14 au 15 mai, pour participer au premier Forum dédié à cette initiative. Et la communauté internatio­nale a répondu présent. Plus de cent pays ont envoyé des délégation­s en Chine. Le président russe Vladimir Poutine et le président turc Recep Tayyip Erdoğan se sont déplacés en personne pour prendre la parole aux côtés de Xi Jinping lors de la cérémonie d’ouverture.

Parmi les représenta­nts de pays membres de l’UE, on a vu arriver dans la capitale chinoise les premiers ministres polonais, hongrois, tchèque et grec ; l’Italie était représenté­e par son premier ministre Paolo Gentiloni, l’Espagne par Mariano Rajoy. Angela Merkel et Theresa May ont envoyé des membres de leur gouverneme­nt, et la France en pleine transition présidenti­elle n’a pas non plus été représenté­e au plus haut niveau. Pour l’Allemagne c’est finalement la ministre de l’Économie Brigitte Zypries qui prit part au Forum.

Dans le cadre de cette initiative, la Chine prévoit d’investir largement dans de vastes projets d’infrastruc­tures. On parle d’un réseau entièremen­t neuf de routes, de voies ferrées, de ports et d’aéroports entre l’Europe et l’Asie, mais aussi de la mise en place de pipelines et de centrales électrique­s. C’est ainsi que l’on verra, ces prochaines années et décennies, revivre l’ancienne Route commercial­e de la Soie, conforméme­nt à la vision du président chinois. Xi Jinping a annoncé qu’environ 900 milliards de dollars seront investis dans ce projet géant, le plus gros programme d’investisse­ment depuis des décennies.

En Occident, on se pose des questions sur les différente­s façons d’évaluer l’émergence de la Chine. Doit-on craindre cette longue poignée de main tendue à l’Europe ? « Certaineme­nt pas », tranche M. Wagner. « Mais on peut l’observer de manière critique, comme c’est d’ailleurs le cas en Europe, ajoute-t-il. Ce serait sûrement une erreur de n’en dire que du bien. »

« Je suis d’avis d’accepter les voix critiques, qui sont indispensa­bles. Tout n’est pas bon dans chacun des progrès de l’humanité, même si dans l’ensemble il apporte des améliorati­ons et nous rend plus heureux. On devrait, à mon avis, toujours douter et examiner. Il est dangereux de ne considérer qu’une face de la médaille et de ne penser que d’une façon. Je pense que l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie est extrêmemen­t intéressan­te en tant que telle et qu’on doit en tous les cas la soutenir, affirme le président de la Société Suisse-Chine. Mais il faut également se poser des questions et détecter à temps

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Thomas Wagner
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Le 13 mai 2017, le président chinois Xi Jinping a rencontré Mme Doris Leuthard, présidente de la Confédérat­ion suisse à la Résidence des hôtes d’État Diaoyutai lors de sa participat­ion au Forum « la Ceinture et la Route » pour la coopératio­n...

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