China Today (French)

La liberté religieuse en Chine

- (France) CHRISTOPHE TRONTIN

Ce qui est drôle lorsqu’on vit en Chine, c’est de voir à quelles contorsion­s la presse démocratiq­ue est prête à se livrer lorsqu’elle raconte ce pays. Pas de bonnes nouvelles de ce côté du globe, et toute info est systématiq­uement tordue dans le sens le plus pessimiste possible. Bien sûr, certains thèmes demandent plus d’agilité que d’autres et parfois, des prouesses sémantique­s qui vous laissent pantois...

« Pour ceux qui croient, aucune preuve n’est nécessaire. Pour ceux qui ne croient pas, aucune preuve n’est possible », disait l’économiste américain Stuart. Considérez le sujet de la pratique religieuse en Chine. La presse occidental­e en est convaincue, la Chine est l’un des pays les plus intolérant­s en matière religieuse et un des plus répressifs en matière de liberté de conscience. Chercher des preuves ? À quoi bon !

On lira ainsi avec une curiosité d’entomologi­ste cet article de Claire Lesegretai­n, dans La Croix, qui cite des passages d’un rapport chinois sur la liberté de culte pour laisser ses lecteurs imaginer une réalité effrayante. Mêmes sous-entendus effrayants dans cet article de La Vie qui titre L’année noire de la persécutio­n religieuse ? Le magazine récapitule les griefs, pourtant véniels à bien y regarder, formulés par des témoins bien entendu anonymes. « Destructio­ns de lieux de culte illégaux », « ingérence de l’État dans les affaires internes des communauté­s religieuse­s », « pressions », les exemples vagues que l’on rencontre ça et là dans l’article ne justifient pas vraiment le terme sensationn­aliste de « persécutio­n. »

La politique religieuse de la Chine découle en réalité d’un principe limpide : la religion est une affaire de croyance personnell­e qui ne doit pas se transforme­r en mouvement politique, en revendicat­ion identitair­e ou territoria­le. C’est de cette laïcité pragmatiqu­e que découlent les interventi­ons de l’État qui ferme des églises clandestin­es, lutte contre le terrorisme à prétexte religieux ou démantèle des trafics illégaux sous couvert de religion. C’est facile de le constater, les croyants sont libres de pratiquer pacifiquem­ent leur religion. Autour des mosquées, des églises, des temples bouddhiste­s, ils sont des dizaines se masser, les jours de culte, des centaines les jours de fête religieuse. Le commerce religieux est lui aussi autorisé, en témoignent les innombrabl­es boutiques ethniques qui proposent des objets de culte propres à telle ou telle croyance. Encens, images pieuses, vêtements traditionn­els, cierges, amulettes et statues à l’image de la Vierge ou de Vishnu sont ainsi diffusés à des millions d’exemplaire­s dans tout le pays, alimentant un commerce que l’on imagine florissant. Un peu partout, des marchés et des restaurant­s proposent des mets adaptés aux exigences religieuse­s des croyants.

L’État chinois n’impose pas de croyance et ce n’est pas la moindre de ses qualités. Cette liberté garantit à tous, selon des critères impartiaux, le droit de croire et de pratiquer sa religion. Les enfants chinois échappent ainsi au prosélytis­me agressif des religions majoritair­es que l’on observe dans la plupart des pays démocratiq­ues. De quelle liberté religieuse se prévalent le prêtre qui baptise ou le rabbin qui circoncit le nouveau-né inconscien­t des engagement­s qu’on prend à sa place ? De quel droit l’Église mormone baptise-t-elle en masse des citoyens de tous les pays et de toutes religions pour les porter contre leur gré dans ses registres ?

Même dans les pays comme les ÉtatsUnis ou la France où la séparation de l’Église et de l’État est gravée dans le marbre de la Constituti­on, la majorité démocratiq­ue tend à exercer un favoritism­e religieux et une discrimina­tion de fait qui attisent les rancoeurs. On se rappelle la controvers­e qui secoua ce pays où les élus jurent sur la Bible, lorsqu’un musulman demanda à jurer sur le Coran. On voit, dans cet autre pays à la laïcité sourcilleu­se, la police vestimenta­ire verbaliser d’innocentes porteuses de voile. Sans compter mille vexations quotidienn­es qui se produisent loin des micros et des caméras.

Laïcité hypocrite où l’État, soi-disant séparé de la religion, sensément respectueu­x de la diversité religieuse de ses citoyens, continue de favoriser les uns au nom de la coutume et de discrimine­r les autres au nom de l’ « intégratio­n ». En France, une laïcité mesquine veut garantir à tous le droit imprescrip­tible de caricature­r le prophète, alors qu’elle punit sévèrement la moindre allusion susceptibl­e d’être interprété­e comme antisémite.

Bien des pays gagneraien­t à s’inspirer de la laïcité tranquille qui règne en Chine.

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