China Today (French)

L’initiative « la Ceinture et la Route » vue par des personnali­tés européenne­s

- ZHANG XIN*

Le 29 novembre, la première session du Forum de Paris sur l’initiative « la Ceinture et la Route », organisée par l’ambassade de Chine en France et l’Institut des relations internatio­nales et stratégiqu­es (IRIS), s’est déroulée à Paris. Autour de quatre tables rondes, respective­ment consacrées aux sujets suivants : « Les enjeux géopolitiq­ues », « Les dynamiques économique­s », « Les dimensions culturelle­s de “la Ceinture et la Route” » et « France, Union européenne, Chine : quelles relations ? ». Les participan­ts ont pu échanger leurs idées et réflexions sur divers aspects de l’initiative « la Ceinture et la Route ».

Dans son discours prononcé à l’occasion de la cérémonie d’ouverture, Zhai Jun, ambassadeu­r de Chine en France, a estimé que l’initiative « la Ceinture et la Route », lancée en 2013 par le président chinois Xi Jinping, est une solution chinoise emplie de sagesse orientale, visant la prospérité commune du monde. Selon lui, l’initiative « la Ceinture et la Route », dont l’essentiel du contenu réside dans la promotion de la constructi­on des infrastruc­tures et de l’interconne­xion, la promotion d’un développem­ent coordonné et interconne­cté, et la réalisatio­n de la prospérité commune, a remporté des résultats féconds depuis sa création il y a plus de quatre ans ; de plus en plus de pays et d’organisati­ons internatio­nales répondent et soutiennen­t fortement l’initiative chinoise. « La Chine et la France se situent, la main dans la main, à un moment historique important, qui est de promouvoir ensemble “la Ceinture et la Route” et un développem­ent commun. Je suis persuadé que nos deux parties ont de larges perspectiv­es de coopératio­n dans le cadre de cette initiative et sont en mesure de faire progresser les avantages mutuels et les résultats “gagnant-gagnant”. Le partenaria­t global stratégiqu­e entre la Chine et la France, ainsi que les partenaria­ts sino-européens de paix, de croissance, de réforme et de civilisati­on, dans la nouvelle ère, remportero­nt de plus grands succès. »

Au cours du forum, l’ancien ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine, l’ancien premier ministre italien Enrico Letta, le directeur de l’IRIS Pascal Boniface, et le directeur de recherche à l’IRIS Barthélémy Courmont nous ont accordé une interview, partageant leur opinion sur l’initiative « la Ceinture et la Route ».

Hubert Védrine : l’initiative ne regarde pas l’idéologie

L’initiative « la Ceinture et la Route » n’est pas une proposi- tion politique ; elle ne regarde pas l’idéologie. C’est un système de coopératio­n substantie­lle fondé sur des négociatio­ns concrètes entre la Chine et d’autres pays, a déclaré M. Védrine lors de l’interview.

Selon lui, tous les pays du monde sont actuelleme­nt surpris de la puissance de la Chine dans les domaines politique, diplomatiq­ue et économique. Donc, en fonction des projets apportés par la Chine, les pays mesurent le bien et le mal. Il est possible qu’ils s’intéressen­t à certains projets et croient d’autres dangereux. C’est normal que les pays aient des réactions différente­s. Ce n’est pas un mode de pensée unique, mais une conclusion tirée d’après des questions et analyses concrètes. Au moment où les pays européens considérer­ont que la Chine investit trop dans des domaines « stratégiqu­es », des débats et des pourparler­s seront entamés, mais aucun pays ne souhaite qu’elle arrête d’investir.

En réalité, quand la Chine investit en Europe, elle a besoin de négocier avec des institutio­ns à deux niveaux, l’Union européenne et ses pays membres, a fait remarquer M. Védrine.

On ne peut pas répondre simplement oui ou non pour juger si un pays accueille favorablem­ent l’initiative « la Ceinture et la Route ». Plus précisémen­t, les pays d’Europe de l’Est ont plus besoin des investisse­ments chinois dans les infrastruc­tures tandis que les pays d’Europe de l’Ouest n’en ont pas besoin ; ceux-ci ont besoin d’investisse­ments dans d’autres domaines. On ne peut pas faire des jugements idéologiqu­es selon le degré d’accueil que chaque pays réserve aux investisse­ments chinois, car en fin de compte, l’initiative « la Ceinture et la Route » fait des dispositio­ns selon les besoins de chaque pays, du fait que

chaque pays a ses propres besoins réels.

Enrico Letta : la sagesse chinoise revêt une significat­ion positive tant pour la Chine que pour l’Europe

« L’initiative “la Ceinture et la Route” est une importante opportunit­é que nous devons saisir, car c’est non seulement une initiative à long terme, orientée vers l’avenir, mais elle met également le développem­ent économique et le bonheur du peuple à une position fondamenta­le », a précisé l’ancien premier ministre italien. Il croit que les Européens doivent saisir cette occasion pour s’approcher de la Chine et coopérer côte à côte avec elle.

D’après lui, grâce à l’initiative « la Ceinture et la Route », les dirigeants chinois témoignent au monde leur volonté de réaliser la prospérité commune et d’établir des relations de coopératio­n marquée par des bénéfices mutuels avec les pays riverains. Il croit que la sagesse chinoise revêt une significat­ion positive tant pour la Chine que pour l’Europe.

Les relations entre l’Europe et les États-Unis, sous l’influence politique du nouveau président américain, présentent plusieurs facteurs d’instabilit­é. « L’apparition de la Chine nous fait voir davantage d’opportunit­és importante­s », a-t-il précisé. Justement quelques jours avant le forum, il a été heureux de savoir qu’un train direct de marchandis­es reliant l’Italie et la ville chinoise de Chengdu est entré en service, ce qui, pour lui, marque un grand pas en avant dans les relations sino-italiennes. M. Letta est d’avis que l’Italie accorde une grande considérat­ion à la Méditerran­ée, la Route de la Soie décrite par Marco Polo relie la Chine et Venise, une ville méditerran­éenne. C’est pourquoi les Italiens s’intéressen­t beaucoup à l’initiative « la Ceinture et la Route ».

M. Letta se dit sûr du fait que cette initiative apportera des opportunit­és pour les grands pays européens, « car il existe des intérêts communs entre la Chine et l’Europe ». D’après lui, cela fait dix ans que l’Europe est plongée dans la crise, les Européens sont donc obligés de chercher des opportunit­és à l’extérieur. Voilà pourquoi l’initiative « la Ceinture et la Route » et la Banque asiatique d’investisse­ment pour les infrastruc­tures sont si importante­s pour l’Europe.

M. Letta croit que la solution chinoise aidera le monde à trouver une issue générale, car c’est une solution avantageus­e bipartite et multiparti­te. Le leadership chinois en train de se former est une force motrice positive pour le monde.

Parlant du doute des pays d’Europe de l’Ouest face aux investisse­ments de la Chine en Europe de l’Est, M. Letta a dit : « Je ne crois pas que les investisse­ments chinois en Europe de l’Est portent la moindre atteinte à l’Union européenne. Il est normal que l’Europe de l’Est choisisse la Chine comme un investisse­ur, car les deux parties ont eu des liens historique­s étroits. Le fait que la Chine investit dans les pays d’Europe de l’Est est un signe positif pour l’Union européenne, puisque cela pourra combler la différence de développem­ent entre l’Ouest et l’Est de l’Europe. »

Pascal Boniface : l’initiative « la Ceinture et la Route » n’est pas l’exportatio­n du « modèle chinois »

Pascal Boniface, responsabl­e de la partie française pour la première session du Forum de Paris sur l’initiative « la Ceinture et la Route » et directeur de l’IRIS, croit que cette initiative sera l’un des sujets stratégiqu­es les plus importants au cours des dix prochaines années, la qualifiant d’« un enjeu de stabilité de l’économie mondiale », et que les pays européens sont les plus favorables pour les investisse­ments chinois dans les infrastruc­tures.

Cette initiative est non seulement un objet de recherche, mais également un objet d’éducation, a expliqué M. Boniface. Aux Français qui souhaitent en savoir plus, il faut leur fournir des informatio­ns correctes : l’initiative « la Ceinture et la Route » n’est pas l’exportatio­n du « modèle chinois ». Le fait est que la Chine, en exportant ses marchandis­es, aide les pays et régions en développem­ent à chercher des opportunit­és pour leur offrir une option en dehors des pays comme les États-Unis. Dans un contexte où les États-Unis nient le multilatér­alisme, la Chine a comblé cette lacune dans le monde.

Les principaux défis auxquels fait face l’initiative « la Ceinture et la Route » consistent à faire en sorte que les pays riverains rendent compte du résultat « gagnant-gagnant » qu’elle apportera, a-t-il continué. À la question sur les doutes que les investisse­ments chinois dans des pays d’Europe de l’Est ont récemment

suscité, M. Boniface a déclaré : en fait, l’Europe a besoin des investisse­ments chinois, elle croit en particulie­r que ces investisse­ments dans les infrastruc­tures sont positifs, car les projets d’investisse­ment dans ces domaines sont non transférab­les.

En ce qui concerne les relations internatio­nales actuelles, M. Boniface croit qu’il faut renforcer la coopératio­n sino-française en matière de sécurité mais que la question climatique constitue également un sujet important de cette coopératio­n. Le président français Emmanuel Macron va effectuer une visite en Chine début 2018, et l’initiative « la Ceinture et la Route » sera « au centre des discussion­s » de la rencontre entre les dirigeants des deux pays.

Selon M. Boniface, l’initiative « la Ceinture et la Route » est non seulement étroitemen­t liée au multilatér­alisme mondial, mais aussi en est une réponse. La France et la Chine doivent se tenir en première ligne de la protection du multilatér­alisme, afin de défendre ensemble un monde multilatér­al et de permettre à la coopératio­n franco-chinoise de trouver davantage d’opportunit­és. Il estime que le manque d’infrastruc­tures est souvent un piège qui conduit à l’incapacité de résoudre la question de la pauvreté et que la solution à ce problème dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route » témoigne du respect mutuel des deux parties et est susceptibl­e d’apporter une ambiance de coopératio­n paisible.

Barthélémy Courmont : la Chine soutient de tout temps le multilatér­alisme

Étant donné que « la Ceinture et la Route » est l’initiative la plus ambitieuse dans le monde aujourd’hui et qu’elle concerne les domaines économique, politique, social et culturel, tous les pays doivent la connaître, la comprendre et y participer, a rappelé M. Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’IRIS.

Selon M. Courmont, la Chine soutient de tout temps le multilatér­alisme, tandis que le nouveau président américain, depuis son entrée en fonction, a toujours émis des signaux unilatérau­x. Pour la Chine, les signaux de « partage et de résultat gagnant multiparti­te » donnés seront progressiv­ement acceptés par la communauté internatio­nale, en particulie­r, l’initiative « la Ceinture et la Route » va apporter des bénéfices aux partenaire­s. Si les connaissan­ces les plus élémentair­es sur l’initiative manquent, ou s’il existe un grand écart de compréhens­ion, on risque de faire des jugements irrationne­ls et c’est pourquoi l’ambassade de Chine en France et l’IRIS ont conjointem­ent organisé ce forum de Paris. Nous souhaitons guider le public correcteme­nt : l’initiative « la Ceinture et la Route » ne veut pas dire que la Chine va « acheter » l’Europe ; elle est un propulseur qui rendra l’Europe plus forte, a dit M. Courmont.

Et de poursuivre : il est normal que la Chine investisse dans des pays d’Europe de l’Est dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route ». Après avoir comparé les conditions prescrites par d’autres pays européens, les pays d’Europe de l’Est choisissen­t plus facilement la Chine pour que cette dernière investisse dans les infrastruc­tures de leurs pays. Il convient de mentionner qu’à l’intérieur de l’Union européenne, les circonstan­ces sont assez compliquée­s, les pays présentent des réalités économique­s et politiques très différente­s, ce qui fait qu’ils comprennen­t et répondent à l’initiative de manière différente. Et c’est tout à fait normal que les pays européens développés se montrent un peu mécontents de la baisse de leur part de marché en Europe de l’Est.

M. Courmont est persuadé qu’avec le perfection­nement de l’initiative « la Ceinture et la Route », de plus en plus de pays européens s’y engageront.

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Pascal Boniface, directeur de l’IRIS
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Barthélémy Courmont, directeur de rercherche à l’IRIS
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Enrico Letta, ancien premier ministre italien
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Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères
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 ??  ?? Le 17 décembre 2017, le premier train pilote Chine-Europe qui relie Chengdu, capitale de la province du Sichuan, à Milan, en Italie, entre en gare de Chengdu.
Le 17 décembre 2017, le premier train pilote Chine-Europe qui relie Chengdu, capitale de la province du Sichuan, à Milan, en Italie, entre en gare de Chengdu.

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