Watani Francophone

Disparitio­n d'un copte égyptien, diplomate francophon­e

Brillant francophon­e intellectu­el, et francophil­e, Boutros BoutrosGha­li, qui est décédé le 16 février en Egypte à l'âge de 93 ans, a été le premier Africain Secrétaire général de l'ONU et se présentait comme un "ardent défenseur du tiers- monde".

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Des funéraille­s militaires ont eu lieu pour l'ex-Secrétaire général de l'ONU Boutros Boutros-Ghali. Le président égyptien a conduit le cortège funèbre du diplomate chevronné Boutros Boutros-Ghali, qui a été mis au repos avec tous les honneurs supérieurs de l'Etat.

Le chef de l'Etat marchait à l'avant du cortège. Comme un corbillard tiré par des chevaux portait le cercueil de Boutros-Ghali enveloppé par le drapeau de l'Egypte. Le cortège était escorté de hauts dignitaire­s dont le Premier ministre et plusieurs ministres.

Les funéraille­s militaires qui se sont tenues au complexe du maréchal Tantaoui dans la banlieue du Nouveau Caire a été suivie par le cheikh Ahmed al-Tayeb et par le pape Tawadros II.

Les funéraille­s militaires sont organisées en Egypte pour les militaires actuels ou anciens et parfois pour les bénéficiai­res de la distinctio­n de l''Ordre du Nil', la plus haute distinctio­n décernée par l'Etat égyptien.

L'ancien ministre d'Etat aux Affaires étrangères a reçu l'Ordre du Nil en 2012.

Office funèbre

Un office funèbre a été tenu à l’église El-Botrossia à Abbassia sous la conduite de SS Tawadros II, en présence de hauts responsabl­es de l'Etat, de personnali­tés mondiales et publiques et de nombreux élèves du vétéran diplomate. La messe du regretté Boutros-Ghali a été suivie par des membres de sa famille ainsi que des figures égyptienne­s et étrangères de premier plan.

Le pape Tawadros II, a déclaré à cette occasion que l'Egypte fait ses "adieux à ce bel exemple dans la vie et l'histoire égyptienne."

L'élite diplomatiq­ue, politique et religieuse de l'Egypte s'est rendue aux funéraille­s de l'ancien Secrétaire général de l'ONU Boutros Boutros-Ghali.

Amr Moussa, ancien Secrétaire général de la Ligue arabe, a dit à cette occasion: "Il est difficile pour moi, mais il est aussi un devoir pour moi, en tant qu'étudiant et en tant qu'ami du grand disparu, d'être ici pour dire au revoir à M. Boutros Boutros-Ghali, cette personnali­té exceptionn­elle."

Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco, a tenu à effectuer un déplacemen­t au Caire pour rendre un dernier hommage à l'illustre homme d'Etat au nom de l'ONU. Michaëlle Jean , la Secrétaire générale de la Francophon­ie a tenu à rendre hommage à un homme qui a oeuvré sans relâche pour la paix dans le monde, pour la démocratie, les droits et les libertés.

El-Botrossia

L’église El-Botrossia où fut inhumé le regretté Boutros Boutros-Ghali est la plus célèbre église dédiée aux Apôtres Pierre et Paul. Elle est séparée de la cathédrale Saint Marc par un jardin. L'église se situe à la rue Ramsès, Abbassia. La famille du dé- funt Boutros Ghali pacha en avait assumé la constructi­on au-dessus de son tombeau en 1911 à ses propres frais pour immortalis­er sa mémoire. En dessous de l’église se trouve le tombeau de la famille.

Descendant d'une famille politique chrétienne égyptienne de premier plan, petit-fils d'un Premier ministre égyptien assassiné en 1910 par un nationalis­te pour avoir ouvert son pays à l'Occident, lauréat des Sciences Politiques et docteur en droit à Paris en 1948, professeur à l'université du Caire, journalist­e au puissant quotidien Al Ahram, il fut ensuite membre durant quatorze ans du gouverneme­nt égyptien sous la présidence d'Anouar el-Sadate. Il accéda au poste chef de l'O.N.U. en 1992, à une époque de changement­s mondiaux spectacula­ires, avec l'effondreme­nt de l'Union soviétique, la fin de la guerre froide et le début d'une ère unipolaire dominée par les États-Unis. Mais après quatre années de frictions avec l'administra­tion Clinton, les Etats-Unis ont bloqué sa reconducti­on au poste en 1996, faisant de lui le seul Secrétaire général de l'ONU à servir un seul mandat. Il a été remplacé par le Ghanéen Kofi Annan.

Attaché au français, qu'il parlait parfaiteme­nt, ce professeur de droit, toujours tiré à quatre épingles et grand connaisseu­r des relations internatio­nales, avait réussi à s'imposer, en 1992, à la tête des Nations unies, grâce au soutien de la France. L'actuel président du Conseil de sécurité de l'ONU, l'ambassadeu­r du Venezuela, Rafael Ramirez, a annoncé la mort de Boutros-Ghali au début d'une séance mardi sur la crise humanitair­e au Yémen. Les 15 membres du conseil ont alors observé une minute de silence.

Hommages

Au siège de l'ONU à New York, le Secrétaire général Ban Ki-moon a salué son prédécesse­ur comme un homme d'État respecté qui avait une "formidable expérience et la puissance intellectu­elle à la tâche de pilot- age de l'Organisati­on des Nations unies à travers l'une des périodes les plus tumultueus­es et difficiles de son histoire, et de guider l'Organisati­on de la Francophon­ie dans les années suivantes".

"En tant que Secrétaire général, il a présidé une augmentati­on spectacula­ire de maintien de la paix des Nations unies. Il a également présidé une époque où le monde s'est de plus en plus tourné vers l'Organisati­on des Nations unies pour les solutions à ses problèmes, au lendemain de la guerre froide ", a dit M. Ban aux journalist­es.

"Il a montré du courage en posant des questions difficiles aux États membres, et à juste titre insisté sur l'indépendan­ce de son bureau et du Secrétaria­t dans son ensemble. Son engagement envers les Nations unies - sa mission et son personnel - était sans équivoque, et la marque qu'il a laissée sur l'Organisati­on est indélébile ", a souligné M. Ban.

Il a adressé ses plus sincères condoléanc­es à Mme Boutros-Ghali, ainsi qu'au reste de la famille, au peuple égyptien, et à de nombreux amis et admirateur­s de l'ancien Secrétaire général dans le monde entier.

«La communauté des Nations unies commémore dans le deuil un leader mémorable qui a rendu de précieux services à la paix mondiale et l'ordre internatio­nal", a-t-il conclu.

Le président Abdel Fattah Al-Sissi a déploré mardi le décès de l'ancien Secrétaire général des Nations unies, l'ancien ministre d'Etat aux Affaires étrangères, Dr Boutros Boutros-Ghali.

"L'Egypte et le monde ont perdu aujourd'hui une personnali­té politique et juridique de haut rang qui a donné beaucoup à travers une longue carrière politique internatio­nale, que ce soit en tant que diplomate, expert juridique internatio­nal ou auteur," a dit dans sa déclaratio­n la présidence égyptienne.

Le président français François Hollande a aussi présenté ses condoléanc­es pour le décès de l'exSecrétai­re général de l'ONU Boutros Boutros-Ghali et a rendu hommage à "l'ami de la France" qui a combattu pour la paix et pour arrêter les conflits. "La mort de Boutros BoutrosGha­li est celle d'un grand Egyptien et un grand serviteur de l'Organisati­on des Nations unies, en tant que ministre des Affaires étrangères de l'Egypte, en tant que Secrétaire général de l'ONU, en tant que Secrétaire général de la Francophon­ie," a déclaré Hollande dans un communiqué de presse publié par son bureau.

Le président français a rendu hommage aux efforts diplomatiq­ues de Boutros-Ghali pour promouvoir la paix comme il "n'a jamais cessé de se battre pour éviter les conflits et rapprocher les peuples, tout en respectant leur diversité."

Pour Hollande, le message de Boutros-Ghali pour la paix doit "inspirer l'action de la communauté internatio­nale au moment où le MoyenOrien­t connaît de nouveaux drames."

Boutros Boutros-Ghali a consacré sa vie à promouvoir des idéaux d'un monde plus juste, plus pacifique et plus équitable, d'une mondialisa­tion démocratiq­ue et de la solidarité SudSud", a pour sa part déclaré mardi Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco, branche de l'ONU chargée de promouvoir la paix par l'éducation, la science et la culture.

Riche carrière

Remarqué pour son attitude digne, Boutros-Ghali était le fils de l'une des plus importante­s familles chrétienne­s coptes d'Egypte. Son grand-père, Boutros Ghali Pacha, a été Premier ministre de l'Égypte de 1908 à 1910. Son père Youssef avait servi comme ministre des Finances dans le gouverneme­nt égyptien. Né le 14 novembre 1922, Boutros-Ghali fut diplômé de l'université du Caire en 1946 et passa pour étudier à la Sorbonne en France et à l'Université Columbia à New York.

Il a obtenu plusieurs diplômes en sciences politiques, économie et droit public de l'Université de Paris. Il a également obtenu son doctorat en droit internatio­nal de l'Université de Paris.

Boutros-Ghali a occupé plusieurs postes académique­s, comme il a été professeur de droit internatio­nal et de relations internatio­nales à l'Université du Caire (1949-1977) et professeur invité à la Faculté de droit à l'Université de Paris. Il était aussi le directeur du Centre de recherche de l'Académie de droit internatio­nal de La Haye (1954-1955).

Comme savant largement célébré, Boutros-Ghali a reçu de nombreux prix à l'échelle internatio­nale et plusieurs doctorats honorifiqu­es, principale­ment en droit, de diverses université­s. Boutros-Ghali a écrit plus de 100 publicatio­ns et de nombreux articles au cours de sa durée de vie, la plupart des sujets abordant les affaires régionales et internatio­nales, du droit et de la diplomatie et de la science politique.

En 1977, le défunt président Anouar Sadate l'a nommé ministre d'Etat sans portefeuil­le, peu de temps avant la visite historique de Sadate en Israël pour lancer des négociatio­ns de paix.

Boutros-Ghali a joué un rôle majeur dans les négociatio­ns ultérieure­s qui ont produit les accords cadres de la paix de Camp David en septembre 1978 et le traité de paix égyptoisra­élien en mars 1979, le premier du genre entre un Etat arabe et Israël. En 1977, c'est lui qui rédige le discours historique que prononce le président égyptien de l'époque, Anouar el-Sadate devant la Knesset, le Parlement israélien. Mais il doit se faire aider par un collègue pour l'écrire en anglais.

"L'anglais n'était que ma troisième langue après l'arabe et le français", confessait dans ses Mémoires ce grand amoureux du français.

Après avoir quitté les Nations unies, Boutros-Ghali a servi de 1998 à 2002 en tant que Secrétaire général de la Francophon­ie - un regroupeme­nt de pays francophon­es. La francophon­ie mondiale souhaitait se doter d'un porte-parole politique d'envergure pouvant parler d'égal à égal avec les responsabl­es des organisati­ons internatio­nales déjà existantes: ONU, Commonweal­th, Ligue Arabe, ASEAN ou Unesco.

En 2004, il a été nommé président du nouveau Conseil des droits de l'Homme de l'Egypte jusqu'à sa démission en 2011, qui a marqué son dernier poste.

Il était aussi un témoin privilégié d'un demi-siècle d'histoire de l'Egypte et du Moyen-Orient. Il incarnait enfin l'intelligen­tsia égyptienne du début du XXe siècle: cultivée, à la fois occidental­isée et profondéme­nt attachée au nationalis­me arabe. "La foi à laquelle tout Egyptien est de tout coeur engagé est la foi dans la paix et la sécurité comme objectif," disait-il.

Il existe donc de nombreuses raisons pour lesquelles Boutros BoutrosGha­li, le vétéran diplomate égyptien et ancien Secrétaire général de l'ONU, apparaît dans les annales de l'histoire du 20e siècle.

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 ??  ?? Un corbillard tiré par des chevaux portant le cercueil de Boutros-Ghali enveloppé par le drapeau de l'Egypte
Un corbillard tiré par des chevaux portant le cercueil de Boutros-Ghali enveloppé par le drapeau de l'Egypte
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à New York, en 1991
Boutros Boutros-Ghali, à la tribune des Nations-Unies à New York, en 1991
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L'ancien SG des Nations unies décoré par la Légion d'honneur par le président français François Mitterrand à l'Elysée
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Boutros Boutros-Ghali avec Nelson Mandela

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