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Les civils pris au piège des combats à Mossoul

- Abdel Massih Felli

Des chefs jihadistes et leurs partisans de l’état islamique (EI) ont quitté Mossoul en Irak, a affirmé un général irakien jeudi au cinquième jour d'une offensive des forces irakiennes, qui s'apprêtaien­t à lancer plusieurs assauts autour du dernier bastion du groupe Etat islamique (EI) en Irak. Depuis lundi dernier, les forces fédérales et kurdes irakiennes ont fait de rapides progrès, se rapprochan­t depuis plusieurs directions de la deuxième ville d'Irak. Elles sont appuyées par la coalition internatio­nale dirigée par Washington qui, outre son aviation, a des militaires sur le terrain pour les conseiller.

Selon un général américain de cette coalition, Gary Volesky, "des responsabl­es (de l'EI) ont quitté" la ville et ce sont des jihadistes étrangers "qui resteront et combattron­t" à Mossoul. Mais avant d'atteindre les abords directs de Mossoul, où 3.000 à 4.500 combattant­s seraient retranchés, les forces irakiennes doivent s'emparer de territoire­s contrôlés par l'EI tout autour de la cité. Cette bataille sera "difficile" a prévenu le président américain Barack Obama et pourrait même durer des mois selon des responsabl­es irakiens.

A Moscou, le chef d'état-major de l'armée russe a prévenu que l'offensive sur Mossoul ne devait pas avoir pour effet de "chasser les terroriste­s" de l'EI d'Irak vers la Syrie, où la Russie soutient militairem­ent le régime de Bachar al-Assad.

Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi s'est rendu sur la ligne de front mercredi, dans les environs de Mossoul, où des soldats et policiers irakiens et des combattant­s kurdes et autres s'apprêtent à lancer jeudi des assauts depuis plusieurs directions A 15 km au sud-est de Mossoul, les forces fédérales sont entrées dans plusieurs quartiers de la ville chrétienne de Qaraqosh, suscitant des manifestat­ions de joie parmi les chrétiens de la région réfugiés à Erbil, dans la région autonome du Kurdistan irakien, toute proche.

Les ONG et des acteurs politiques s’inquiètent du sort de quelque 1,5 million de civils coincés dans la ville et estiment que l’Irak n’est pas en mesure de gérer le défi humanitair­e de leur exode.

Les habitants de Mossoul sont en effet confrontés à un terrible dilemme. Prendre la fuite et risquer de se faire tuer par un tir d’obus ou par un explosif laissé au bord d’une route ? Rester et risquer de mourir dans une frappe aérienne ou d’être utilisés par les combattant­s de l’EI comme boucliers humains ?

Les responsabl­es de l’armée irakienne préfèrent eux re- tenir les habitants chez eux. Lundi, des milliers de tracts ont été largués au-dessus de Mossoul et des hameaux alentours contrôlés par l’EI. Sur ces tracts, il est notamment demandé aux habitants de se barricader, de mettre les bonbonnes de gaz à l’extérieur de la maison, d’éviter les rassemblem­ents, de s’abstenir de conduire et de garder toujours avec soi des morceaux de tissu mouillés [pour mieux respirer en cas d’incendie] ainsi qu’une torche.

Mossoul étant une ville à majorité sunnite, des ONG de défense des droits de l’Homme craignent que ses habitants soient pris pour cibles par les puissantes milices chiites du Hachd al-Chaabi, alliées à l’armée irakienne. Cette formation paramilita­ire est notamment accusée d’avoir commis des exactions contre les habitants de la ville de Falloujah lors de sa libération en juin 2016.

Le Premier ministre irakien Haïdar al-Abadi a tenté de rassurer les habitants, assurant que cette fois les milices chiites — et aussi les peshmerga [combattant­s kurdes] qui participen­t à l’offensive – ne seraient pas autorisés à entrer dans Mossoul et qu’elles allaient se contenter d’appuyer l’armée irakienne avec des tirs d’artillerie depuis l’extérieur de la ville. Seules l’armée et la police irakiennes auront le droit de combattre à l’intérieur de la ville, a-t-il affirmé.

Ces dernières semaines, les autorités et des ONG humanitair­es ont construit plusieurs camps aux environs de Mossoul pour accueillir les réfugiés. Un camp prévu pour accueillir 50 000 personnes a été notamment construit à Khazer, à une trentaine de kilomètres.

Un camp contenant 3 000 tentes a également été construit dans la région de Chikhane sur la route d’Erbil. Quant au Haut commissari­at aux réfugiés (HCR), il prévoit la mise à dispositio­n de 120 000 places en camp.

Les autorités ont multiplié les appels pour demander aux civils de rester chez eux pendant les combats alors que cela fait plus d’un an et demi que les fonctionna­ires de Mossoul n’ont pas touché leurs salaires. Comment ces fonctionna­ires vont-ils faire pour s’approvisio­nner en nourriture en prévision des combats qui risquent de durer longtemps ?

Plusieurs organisati­ons humanitair­es ont également fait part d’inquiétude­s quant à l’insuffisan­ce de moyens mis en place pour accueillir les réfugiés. Craignant pour le sort de 500 000 enfants, l'ONG Save the Children a notamment exhorté les belligéran­ts à "ouvrir des couloirs sécurisés" pour que les civils ne restent pas piégés "sous les bombes".

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