Ils en ont rêvé
Son anniversaire a été éclipsé par d’autres célébrations estivales comme l’Euro UEFA, le Tour de France ou les jeux Olympiques. Et pourtant, sa popularité n’est pas à démontrer : 80 ans cette année que les premiers congés payés ont été versés. Les congés payés, bel oxymore pour une singulière et tardive avancée sociale, en comparaison de nos voisins européens. Le Front populaire a, certes, apporté aux Français quinze jours de repos annuels, cadeau du patron, mais vingt ans après les Allemands. Et il faudra attendre 1956 pour arracher une troisième semaine, puis 1969 et 1982 pour les deux autres.
Serions-nous plus doués pour la révolution que pour l’interruption ? Pas franchement. Au dernier pointage(1), la France tire plutôt bien son épingle du jeu au classement du farniente, avec trente-six jours chômés (incluant les ponts) contre vingt-neuf pour son partenaire d’outre-Rhin. Une victoire qui ne doit pas occulter une autre réalité : 37 % des Français ne partiront pas cet été(2). Et c’est sûrement sans compter bon nombre de seniors, d’employés précaires et autres bénéficiaires du RSA, pour qui vacances riment avec abstinence. Aussi, à la rédaction, nous avons pensé à tous. Aux chanceux qui barboteront dans une mer aussi bondée qu’une rame de métro aux heures de pointe, comme aux autres en pause à domicile. Ceux qui s’enduiront de graisse à traire sans pour autant s’éloigner de leur troupeau et celles qui prendront le grand large dans leur maillot extraslim. Demandez le programme ! Pêle-mêle, et grâce aux récentes innovations technologiques, vous pourrez vous initier à l’impression 3D, participer à des chasses au trésor interactives et inédites, prendre le départ de courses de Mario Kart sur de vraies pistes mais aux tracés vidéoprojetés, remonter le temps avec des jumelles augmentées, chausser un casque qui n’a de virtuel que le nom pour voir le monde autrement… Objectif détente avec des occupations détonantes.
Et il va falloir s’habituer à meubler son temps libre, car le verbe travailler pourrait bientôt se conjuguer au passé. Les robots ouvrent un autre front, celui de l’obsolescence de l’activité humaine. Économique, du moins. Et pour vous en convaincre, plongezvous dans la lecture de notre dernier hors-série n°93 (juillet-août). Une centaine de pages est consacrée à ces créatures aussi attachantes que déroutantes. En 1936, le peuple réclamait des congés au long cours. En 2020, les robots réaliseront enfn leur rêve, au risque d’en faire un peu trop… Défaut de jeunesse ? (1) Cabinet Mercer, septembre 2014 : is.gd/n5jQuG (2) Sondage CSA pour Direct Matin, effectué en juin 2016 : is.gd/Cg3gfA