Gare aux gourous
Visionnaires, maîtres, mentors, les synonymes ne manquent pas pour désigner ces hommes qui impressionnent autant qu’ils inquiètent. De tous temps, l’humanité a enfanté des gourous. En 1950, Lafayette Ronald Hubbard, écrivain de science-fiction et père de la dianétique, invitait ses disciples à considérer l’importance du mental pour la santé, son influence sur le corps. Peu de temps après, un biologiste britannique, Julian Huxley, cofondateur de l’Unesco et frère d’Aldous, l’auteur du Meilleur des mondes, invitait ses condisciples à voir dans le transhumanisme, l’avenir de l’Homme. Le point commun entre les deux ? Leur capacité à mobiliser des foules idolâtres, à inspirer des courants idéologiques qui les transcendent. Mais le parallèle s’arrête là, le premier ayant été, entre autres différences avec le second, condamné à la prison pour escroquerie.
Plus que d’escroquerie, les opposants au transhumanisme parlent volontiers de charlatanisme. C’est à ceux-là que nous donnons la parole (p. 30) dans cette remontée aux origines d’un mouvement considéré par beaucoup comme porteur d’un avenir souhaitable et inéluctable. Ceux qui voient la mort de la mort comme imminente. Ceux pour qui la technologie, conjuguée aux progrès exponentiels de la science, va corriger tous nos maux. Ambitieux desseins, passionnantes élucubrations que le Web propage à haut débit. Un autre gourou, moins connu des francophones, mérite autant notre attention, avec autant de réserves, car il est bigrement envoûtant. Hans Rosling avance, lui aussi, des pistes pour l’avenir de l’humanité en faisant parler les chiffres, et en mettant en image(1), avec force graphiques animés, le big data, pour emprunter le terme en vogue. Et que dit ce professeur suédois de l’université de médecine de Stockholm ? Que – ce qui pourrait paraître paradoxal pour nous autres profanes – c’est en réduisant la mortalité infantile des pays les plus pauvres qu’on stoppera la croissance démographique mondiale.
Et d’assurer que si la population n’excède pas les 9 milliards d’individus en 2050, on s’évitera une guerre sans précédent. Et comment ? En faisant confiance aux progrès technologiques. Utopiste ? “Je ne suis ni un optimiste ni un pessimiste.
Je suis un très sérieux possibiliste.” Transhumanisme, possibilisme… gare aux gourous, ils ont la manie des -ismes. C’est même à cela qu’on les reconnaît. (1) Les shows filmés de Hans Rosling sont rassemblés ici : https://is.gd/IZDQTB