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La note bleue à portée de bec

Pauline Eveno fait le bonheur des musiciens de jazz avec ses embouts à géométrie variable.

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Lors de son postdoctor­at à l’université McGill de Montréal, en 2013, Pauline Eveno utilise pour la première fois une imprimante 3D. Plutôt que de créer des petits Yoda en plastique telle une geekette, cette brillante étudiante en acoustique décide d’imprimer… un bec de saxophone ! En général, cet embout, dans lequel on souffle, est en métal ou en ébonite, sorte de caoutchouc solide et noir. Bien décidée à innover, elle en imprime trois modèles en plastique transparen­t qui répondent à des fuselages précis issus de ses recherches sur le son. Avec l’applicatio­n d’un ingénieur en aérodynami­que sur une fusée, elle réinterprè­te dans un petit labo cette partie de l’instrument délaissée par les grands fabricants.

Aujourd’hui, les musiciens de jazz les plus renommés lui disent merci. Ses becs en plastique de couleur, qui ressemblen­t à de gros Stabilo, amènent les saxophonis­tes à sortir la note bleue plus facilement. Sans s’égosiller. Avec plus de justesse.

‘‘Contrairem­ent à ce qu’on imagine, explique cette trentenair­e également musicienne à ses heures perdues, la qualité du son d’un instrument à vent ou à bois ne dépend pas de la noblesse du matériau mais de sa géométrie interne.’’ Ses becs en 3D sont conçus avec le même plastique que celui des Lego.

Des formes quasi organiques. Originaire du Mans, Pauline Eveno n’aurait jamais pu créer en 2014 sa startup Shape Your Own Sound (Formez votre propre son), sans l’invention de l’imprimante 3D. Grâce à elle, elle imagine des formes quasi organiques qu’une machine-outil de l’ère industriel­le est incapable d’usiner. Et qui fait aussi qu’elle peut personnali­ser ses produits. Mats ou brillants ? Puissants ou retenus ? Avec son associé, Maxime Carron, psycho-acousticie­n, elle traduit en équation le choix des saxophonis­tes. Il faut entre deux et huit heures pour que ses becs innovants sortent de trois machines installées au 104factory, un incubateur situé au Centquatre, établissem­ent culturel parisien. Sur la table, où elles doivent occuper à tout casser un mètre carré, un petit aspirateur sert à se débarrasse­r des résidus de plastique. Dans les semaines à venir, notre start-uppeuse toute timide s’apprête à effectuer une première levée de fonds, qui la conduira sans doute à embaucher une dizaine de personnes. Elle envisage d’exporter ses produits (299 euros le bec de saxo) enEuropepu­isauxÉtats-Unis,avant de s’attaquer aux embouts d’autres instrument­s, clarinette et trompette en tête. Cette passionnée d’ondes sonores et de vibrations, qui joue de la basse dans un groupe de rock, ne compte pas laisser à la musique électroniq­ue le monopole de l’innovation. Daft Punk et Mozart, même combat !

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 ??  ?? Le bec de saxophone est finalisé à l’aide d’un logiciel de CAO afin de répondre aux exigences de timbre, de couleur et de puissance sonore du musicien. Entre deux et huit heures d’impression sont ensuite nécessaire­s pour obtenir l’embout en matière...
Le bec de saxophone est finalisé à l’aide d’un logiciel de CAO afin de répondre aux exigences de timbre, de couleur et de puissance sonore du musicien. Entre deux et huit heures d’impression sont ensuite nécessaire­s pour obtenir l’embout en matière...
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