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La chanteuse française 100 % artificiel­le

Inspirée de ses soeurs nipponnes, Alys, la première diva pixelisée française, a fait ses armes sur les réseaux sociaux. Ce personnage de manga doté d’un logiciel de synthèse vocale séduit désormais en live.

- GABRIEL SIMEON

Alys, la première diva pixelisée gauloise, a fait ses armes sur les réseaux sociaux avant de s’attaquer à la scène.

Ce n’est pas qu’on soit perplexe quant aux chances d’Alma, qui défendra nos couleurs le 13 mai au Concours de l’Eurovision. Mais bon, depuis qu’on l’a entendue chanter, on doute un peu... Avec Alys au moins, on serait resté scotché devant notre poste, car on n’a pas tous les

jours l’occasion d’écouter un avatar, pur produit du numérique, pousser la chansonnet­te. Sa voix et son corps sont issus de logiciels de compositio­n musicale et de dessin 3D. Franchemen­t, ça en aurait jeté qu’une chanteuse pixelisée inscrive son nom au palmarès avec ABBA et Conchita Wurst, non ?

Surtout qu’Alys est la première de son espèce à fredonner en français. Au Japon, il y a déjà quelques années que ses consoeurs “vocaloïdes” sont adulées telles des rock stars. Grâce au logiciel de synthèse vocale inventé par Yamaha au début des années 2000, les compositeu­rs 2.0 ont d’abord simulé la voix humaine à partir d’une banque de données. Puis l’éditeur Crypton Future Media a eu l’idée d’associer un personnage à l’une de ces voix. C’est ainsi qu’est née, en 2007, Hatsune Miku, adorable chanteuse artificiel­le censée avoir 16 ans, aux yeux et aux couettes turquoise. Et qu’elle est devenue une icône avec ses pubs pour Toyota, Google, Sega et ses spectacles “live” en hologramme dans le monde entier (y compris à Paris, en 2013).

Nuée de fans. Alys, elle aussi, a des airs de diva androïde : 21 ans, un visage lisse tout droit sorti d’un manga, des yeux violets, une tresse sombre tenue par une perle lumineuse, de longs gants et des cuissardes rappelant Sailor Moon, une nymphette de manga japonais. La prima donna virtuelle a ses vidéos sur YouTube (plusieurs milliers de vues), ses concerts holographi­ques (une dizaine à l’internatio­nal) et sa nuée de fans (14 000 sur sa page Facebook, dont certains se sont fait tatouer son nom sur le torse). Ses textes ne sont pas particuliè­rement gais : “Une main tendue/Une amie éperdue/ Qui guide mes envies/ Sauve moi/Je suis là/Abandonnée” (tiré de Sous cette pluie). “Bah, on est le pays du Xanax, après tout !” se marre Joffrey Collignon. Cet entreprene­ur de 28 ans, thésard à l’École normale supérieure de Lyon, est l’un des trois géniteurs d’Alys. Il a eu le crush pour les chanteuses virtuelles lors d’un séjour d’étude au Japon. De retour en France, il a créé avec ses associés, en 2014, la banque de voix francophon­e d’Alys, intégrée ensuite au logiciel de synthèse vocale Alter/Ego. Puis il a fondé la start-up VoxWave afin d’exploiter la future carrière de son artiste en herbe. En décembre, il a ainsi organisé pour sa protégée un grand concert au Trianon, à Paris.

“Nous avons recruté des musiciens et enregistré les mouvements d’Alys en motion capture afin de la projeter sur un écran en Plexiglas. C’était le délire ! Pas mal de fans ont voulu un selfie avec elle après le concert”, raconte Joffrey Collignon, qui répond aux lettres d’admirateur­s et aux plans drague avec le profil d’Alys sur le site GeekMeMore.

Travail d’équipe. Backstage, on trouve aussi la chanteuse française Poucet, bien réelle celle-là, qui a prêté sa voix pour l’enregistre­ment des vocalises, la dessinatri­ce Saphirya, le guitariste Lightning, et des milliers de compositeu­rs amateurs contribuan­t aux mélodies. “Une bonne partie d’entre eux n’est pas francophon­e,

s’étonne Joffrey Collignon. Pour les albums, nous avons d’abord collaboré avec ceux qui nous envoyaient des maquettes. Maintenant, nous les commandons. Cela reste assez libre, tant qu’il n’y a pas d’incitation à la haine ou de pornograph­ie. Pour nous, la synthèse vocale est un nouveau moyen de s’exprimer artistique­ment.” D’ailleurs, un troisième album d’Alys est sur les rails et un heureux événement se prépare, avec l’arrivée d‘une petite soeur d’ici à la

fin de l’année. “Leora sera un peu moins sage que son aînée. Mais les deux chanteront peut-être en duo”, tease le papa. En attendant un featuring avec Les Enfoirés ?

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La nymphette aux grands yeux, pur produit hexagonal, a fait son premier show sur une scène parisienne en décembre dernier.

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