Y A-T-IL TOUJOURS UN PILOTE DANS LE TRAIN ?
Ça roule tout seul. Le métier de conducteur de train, qui fait encore rêver nombre d’amoureux du rail, perdra bientôt une grande partie de son prestige. La SNCF envisage sérieusement de confier l’ensemble des commandes de ses locomotives à des machines, cantonnant l’humain à un rôle de superviseur. Pour cela, l’entreprise publique lance un vaste chantier d’automatisation, affectant aussi bien le transport de marchandises que celui des voyageurs. Elle se donne six ans pour être en mesure de faire rouler des TGV dirigés par des robots. “Nous devrions être les premiers au monde à mettre en service un train autonome sur de la très grande vitesse commerciale”, assure son patron, Guillaume Pepy. Défi technique. “La conduite totalement automatisée n’existe pas dans le mode ferroviaire”, explique Matthieu Chabanel, directeur général adjoint de SNCF Réseau. Impossible de reprendre les recettes adoptées sur les métros sans conducteurs comme ceux de Paris (lignes 1 et 14) ou de Lille et Toulouse, qui ont l’avantage de circuler en vase clos sur de courtes distances. Il faut tenir compte du déplacement de milliers de rames sur un réseau de 30 000 kilomètres. Sans oublier l’intrusion de personnes et d’animaux sur les voies ou les conditions climatiques à même de perturber subitement le trafic.
Convoi télécommandé. Pour prendre la décision d’avancer ou non, les trains doivent donc être dotés de dispositifs de géolocalisation précis (à 50 centimètres près), de capteurs repérant les obstacles (radars et caméras) et de l’intelligence logicielle nécessaire à la compréhension de l’environnement. La SNCF travaille déjà sur certains de ces systèmes avec Alstom et l’institut de recherche technologique SystemX, en s’appuyant sur les technos développées pour les voitures autonomes. Elle souhaite expérimenter, dès 2019, un prototype de train de fret télécommandé depuis une station de contrôle. Ce qui lui donnera la possibilité d’en éprouver la fiabilité des capteurs.
À compter de 2021, les manoeuvres des trains de marchandises et des TER (trains express régionaux) vers et depuis les
centres de maintenance, qui mobilisent actuellement du personnel, seront automatisées. Et en 2022, Eole, prolongement vers l’ouest parisien du RER E, sera le premier à transporter des voyageurs en gérant seul freinages et accélérations. L’année suivante, les premiers TGV robots fileront à 320 kilomètres par heure sur la ligne sud-est.
Débit et économies. L’objectif : optimiser la circulation des rames. “C’est un peu comme sur une autoroute. La fluidité est plus grande quand tout le monde roule à la vitesse idéale. Le train autonome, c’est la certitude d’avoir plus de débit sur une ligne. On peut donc mieux utiliser l’infrastructure existante et ainsi s’éviter des investissements onéreux”, se réjouit Guillaume Pepy. Il serait ainsi possible de faire rouler jusqu’à 25 % de TGV en plus. Et de se passer des conducteurs, par la même occasion ? “Il n’en est pas
question”, jure-t-on à la SNCF, où l’on aérme avoir besoin d’eux pour intervenir en cas de défaillance du système et pour veiller… à l’ouverture et à la fermeture des portes. “Bien sûr que cela nous inquiète. Mais à ce jour, nous n’avons eu aucune information en interne”, s’agace Olivier Boissou, secrétaire général de la Fédération générale autonome des agents de conduite. Pas sûr que les conducteurs acceptent de jouer les seconds rôles avec beaucoup d’entrain. AMINE MESLEM